« L’incendie n’est pas lié à l’hydrogène ni à son utilisation », indique le syndicat mixte des transports en commun (SMTC) du Territoire de Belfort, qui gère le réseau de bus départemental. Le feu (lire notre article) est « probablement », d’origine électrique, poursuit Bruno Jamet, directeur innovation et projet du pôle de compétitivité Pôle Véhicules du Futur, implanté à Étupes, et organisateur du forum international Hydrogen business for climate. Après s’être déclaré dans un bus, l’incendie s’est propagé aux six bus stationnés à côté. Cet investissement s’élevait à 4,8 millions d’euros ; les bus hydrogène sont plus de deux fois plus chers qu’un bus diesel (lire notre article).
Les systèmes de sécurité ont parfaitement fonctionné, notamment le système de vidange du réservoir hydrogène, qui se déclenche à partir d’une certaine température et d’une certaine pression ; c’est le système TPRD pour thermal pressure relief device (TPRD). « Il n’y avait plus aucun risque lié à l’hydrogène, car le réservoir était vide », explique Brunot Jamet. Aucune pollution de l’air ou de l’eau n’a été constatée indique également Damien Meslot. Les batteries présentes dans les bus hydrogène – qui sont des bus électriques, l’hydrogène étant transformée en électricité grâce à une pile à combustible – sont petites, d’une puissance de 36 kW, « 10 à 20 fois plus petites » que celles des bus électrique 100 % batterie, indique Bruno Jamet. Si l’incendie s’était déclenché dans des bus à batterie, on aurait alors eu « une pollution bien plus élevée », note-t-il.
« Cet incident permet à Belfort de gagner en expérience opérationnelle et de se positionner encore plus comme un écosystème hydrogène de référence », observe Mikaa Blugeon-Mered, spécialiste de la géopolitique de l’hydrogène et enseignant. Le Pôle Véhicules du Futur veut créer un groupe de travail réunissant différents experts pour « capitaliser sur cette expérience ».
D’autres bus déjà commandés
« C’est regrettable, mais cela ne remet pas du tout en cause la stratégie hydrogène », indique Damien Meslot, président Les Républicains (LR) de l’agglomération du Grand Belfort. Inaugurée au printemps 2024 (lire notre article), « la station n’est pas touchée », replace Marie-Guite Dufay, présidente socialiste du conseil régional Bourgogne-Franche-Comté, labellisé territoire hydrogène depuis 2016.
« Le projet mobilité d’Optymo reste inchangé », confirme Franck Mesclier, le directeur du SMTC. La moitié de la flotte de bus Optymo roulera à l’hydrogène. Ce devait être en 2026. Ce sera peut-être décalé. L’hydrogène répond toujours à ses besoins, notamment celui de l’autonomie ; certaines lignes du réseaux mesurent 400 km. « Nous avons absolument besoin de l’hydrogène, cela ne fait aucun doute », valide Bruno Jamet, pour qui le 100 % batterie n’est pas possible, notamment en termes d’infrastructures électriques ou d’organisation des rotations des bus pour les recharges. Il faudrait plus de bus pour assurer le même service.
Le réseau réceptionnera au mois d’octobre huit bus articulés hydrogène, de la marque Solaris (lire notre article). Avant l’été, une commande de douze bus hydrogène « classiques » doit être confirmée. La commande sera-t-elle augmentée pour remplacer les bus brûlés ? Cette question n’est pas encore tranchée. Cela dépendra des financements.
Près de Belfort, sept bus à hydrogène prennent feu dans un dépôt - https://t.co/JewoumtzOZ pic.twitter.com/Fx4iM6Wxqr
— redaction@faceaurisque.com (@FaceauRisque) January 15, 2025
Soutenir la demande
Si l’accident ne remet pas en cause la stratégie locale, les tâtonnements de la filière inquiètent, à l’image du fabricant d’électrolyseurs McPhy qui a revu drastiquement à la baisse son chiffre d’affaires 2024 (lire notre article). « Nous sommes en attente de la stratégie hydrogène de l’État », interpelle Marie-Guite Dufay. « Cette illisibilité n’est pas favorable aux investissements », met-elle en garde. D’ajouter : « La filière n’est pas complètement mature. Nous sommes dans une phase où le soutien public est important. »
Selon elle, « heureusement » qu’il y a des collectivités comme la Région Bourgogne-Franche-Comté ou le Grand Belfort pour être des « pionniers ». « Si on laisse le train passer sous prétexte que ce n’est pas encore mature, on va se faire envahir par la technologie chinoise », prévient Marie-Guite Dufay. « La bataille pour la décarbonation de l’industrie et de la mobilité nécessite de la constance et ne pas tout abandonner à la première difficulté », valide Mikaa Blugeon-Mered. « L’écosystème industriel de Belfort sera sans aucun doute, au moins politiquement, récompensé de cette persévérance », félicite l’expert.
« On a beaucoup agi sur l’offre, mais il faut agir sur la demande », estime Christophe Grudler, député européen Renew, originaire de Belfort, coordinateur de la commission de l’industrie et de l’énergie. « Le problème, c’est le démarrage du marché », ajoute-t-il. Il rappelle l’objectif de 2050 : 500 milliards d’euros d’investissement public et privé et un million de nouveaux emplois. Un acte délégué de la Commission européenne pour l’hydrogène bas-carbone est attendu « dans quelques semaines ». « C’est un levier important », appuie le député. « Le marché de l’hydrogène n’est pas remis en cause, assure Christophe Grudler. On en a absolument besoin pour l’industrie et les mobilités lourdes. » Le nord Franche-Comté en est toujours convaincu.