La cotation des actions du groupe Gaussin, dont le siège est à Héricourt, est suspendue depuis lundi, sur le marché Euronext Growth Paris ; il a été introduit en bourse en 2010. Le directeur général Christophe Gaussin l’a annoncé sur LinkedIn, ce mardi, en accordant une interview au média La Bourse et la vie, en début de soirée. L’information a été confirmée au Trois par l’autorité des marchés financiers (AMF). Gaussin est une société d’ingénierie qui conçoit, assemble et commercialise des véhicules de manutention, notamment pour le secteur portuaire ou celui de la logistique. Gaussin revendique une flotte de plus de 50 000 véhicules roulants dans le monde.
L’entreprise est en redressement judiciaire depuis le mois de septembre (lire notre article). Elle était engagée dans une procédure de sauvegarde depuis le printemps. Elle a traversé jusqu’au 18 juin – date à laquelle un groupe tchèque a pris le contrôle du conseil d’administration et replacé Christophe Gaussin au simple poste de directeur général – une importante crise de gouvernance (lire notre article). Au cœur de l’été, elle a cédé sa filiale Metalliance (lire notre article).
Début octobre, Le Trois dévoilait un niveau de dette considérable, fragilisant l’option d’une continuation de l’activité de l’entreprise (lire notre article) avec un nouveau partenaire qui remettrait au capital ; le nombre de contentieux en cours fragilise aussi cette option, observe une source maîtrisant le dossier. La prochaine audience au tribunal de commerce de Vesoul (Haute-Saône) est fixée au 5 novembre ; des offres de reprise peuvent être déposées avant le 4 novembre, dans le cadre d’un plan de cession, seconde option sur la table pour préserver l’activité et les emplois. Une data room a été ouverte, permettant de consulter les données économiques de l’entreprise, moyennant la signature d’un engagement de confidentialité. Le fonds Coral Reef, qui a racheté Metalliance, regarde, selon nos informations. L’entourage de cette entreprise a été sollicité, mais n’a pas donnée suite. Une dizaine d’entreprises ont témoigné d’un intérêt, indique-t-on au Trois, même si le nombre de candidats ne présage en aucun cas de la formulation d’une offre.
Dans l’interview du 22 octobre, Christophe Gaussin, le directeur général, confirme « une situation délicate ». Il privilégie toujours le plan de continuation, orchestré autour « d’une restructuration du bilan », « incluant un apurement des pertes, une réduction des passifs et une injection de liquidité ». « Nous sommes activement à la recherche d’un investisseur, souvent qualifié de chevalier blanc », a-t-il reconnu également. Un investisseur pouvant apporter des « financements supplémentaires » ou des « synergies » industrielles ou commerciales. L’investisseur pourrait obtenir « une participation majoritaire dans l’entreprise », indique le directeur général. Quelle que soit l’option retenue, elle devra avoir l’approbation du juge-commissaire. Dans cette interview, Christophe Gaussin évoque des opportunités de développement comme des canaux de distribution en Amérique du Nord, notamment au Canada, parlant « d’un potentiel significatif », sans plus de précisions. Il y évoque la distributions de produits, mais aussi le développement « de capacités de production ».
Qu’en est-il du carnet de commandes ?
Depuis le printemps, le carnet de commandes de Gaussin a évolué confirment, par ailleurs, plusieurs sources. Des documents consultés par Le Trois l’indiquent également, sans que les marchés n’en soient toutefois informés. L’entreprise a obtenu, par deux fois, le report de l’annonce des résultats 2023, impliquant automatiquement un état des lieux du carnet de commandes ; une ordonnance du 20 septembre donne jusqu’au 30 novembre à la société Gaussin pour réunir son assemblée générale appelée à statuer sur les comptes de l’exercice clos le 31 décembre 2023.
Le dernier communiqué de presse de l’entreprise évoque bien le cas Airbus (lire notre article), où le contrat est annulé, mais où la faute est renvoyée sur Metalliance. De même, selon nos informations, une commande de six véhicules d’avril 2023 qui devait être livrée au Canadien Groupe Robert à l’automne 2023 n’a toujours pas été honorée. L’énorme commande d’Amazon (325 véhicules), portée par la filiale américaine de Gaussin, n’a plus cette dimension et les livraisons sont difficiles à réaliser : Gaussin n’a plus l’usine de Saint-Vallier pour les produire, ni les fonds pour acheter les stocks.
Cette situation est remontée aux oreilles de l’autorité des marchés financiers (AMF), de sources concordantes, qui demande une mise à jour des annonces. « Il y a une certaine pression [de l’AMF] », euphémise un observateur du dossier. Sollicitée, l’autorité des marchés financiers indique par mail qu’elle « ne fait pas de commentaire sur des dossiers ou des sociétés en particulier ».
En 2015, Christophe Gaussin avait été condamné par l’autorité des marchés financiers à une amende de 500 000 euros. On lui reprochait d’avoir surévalué son carnet de commandes, diffusant ainsi une fausse information au marché. La société avait reçu une amende de 100 000 euros.
Sollicité par mail mardi en début d’après-midi, la société Gaussin n’a pas répondu. Une société qui comptait 74 salariés, au 31 mai 2024, selon un document de son assemblée générale du 18 juin, effectif en baisse de 25 % sur un an indique-t-elle. La période où Gaussin était sélectionnée pour représenter la Haute-Saône à l’exposition du Fabriqué en France, en juillet 2023, à Paris, à l’Élysée, est bien loin.