Deux salariés d’Arabelle Solutions sont convoqués pour un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire, le 2 décembre. Ces convocations font suite à la grève du mois d’octobre, déclenchée à l’initiative d’un groupe de salariés qui dénonçaient la suppression d’une prime. « On n’a pas appelé à la grève. C’est une mobilisation des travailleurs, replace Damien Pagnoncelli, secrétaire général de l’union départementale de la CGT du Territoire de Belfort. La CGT a ensuite pris ses responsabilités pour accompagner les grévistes dans leur mouvement. Un mouvement qui s’est bien passé. »
Le mouvement de 16 jours a permis d’obtenir une prime de 900 euros pour le personnel non cadre et une prime de 500 euros pour les cadres, non concernés par les bonus (lire notre article). Une prime qui concerne 1 000 salariés indique un délégué syndical de la CGT d’Arabelle solutions. Des délégués syndicaux qui ne souhaitent plus s’exprimer officiellement, inquiets des conséquences que cela peut avoir. « Ces assignations et ces entretiens ne devraient pas avoir lieu », déplore Damien Pagnoncelli. « Une assignation, ce n’est pas rien », replace un syndiqué de la CGT, particulièrement affecté par la situation « d’un camarade » et qui dénonce une forme « d’injustice », alors que la CGT a justement fait, estime-t-elle, son rôle de médiation dans le conflit.
« C’est particulièrement violent », valide Laurent Santoire, délégué syndical central, de la CGT. « Le simple droit des salariés de revendiquer peut coûter très cher », poursuit un délégué syndical. Qui ajoute : « Est-ce sain d’installer un climat de terreur ? » Un autre, de compléter : « Aujourd’hui, psychologiquement, c’est compliqué pour une organisation syndicale… »
« Cette grève est le symptôme de l’absence de dialogue social, analyse Laurent Santoire. « La grève est toujours un échec, abonde Damien Pagnoncelli. Nous ne sommes pas des grèviculteurs. » Dans ce contexte, la CGT demande l’abandon des procédures disciplinaires, la fin des « pratiques d’intimidation » et la reprise d’un dialogue social « respectueux et loyal ».
« La grève est un droit constitutionnel »
Dans une communication commune, différentes fédérations nationales de la CGT (Métallurgie, Mine-Énergie) rappellent que « la grève est un droit constitutionnel ». Il replace aussi la procédure judiciaire engagée lors de la grève, au mois d’octobre. La procédure en référé avait donné raison à la direction (lire notre article). Anecdote : dans le jugement, le tribunal intimait l’ordre de lever le piquet de grève – ce qui n’a pas été nécessaire car un accord a été signé entre l’audience et le verdict – tout en le localisant au mauvais endroit…
« Cette répétition démontre une volonté patronale assumée de criminaliser l’action collective et de dissuader les salariés de revendiquer et de s’organiser avec la CGT », poursuit le communiqué commun. Plusieurs rassemblements sont prévus par la CGT le mardi 2 décembre, à Belfort, pour soutenir les salariés convoqués.
« L’entreprise est bousculée, convient Laurent Santoire. Mais ce n’est pas très malin de se couper des organisations syndicales. La direction travaille seule. » Selon lui, compte tenu du défi et de la mission auxquels doit répondre Arabelle Solutions, c’est extrêmement dangereux. Il regrette « une rupture de confiance ».
Du côté des ateliers, des membres de la CGT ont le sentiment de la double peine : celle des sanctions disciplinaires et celle des reproches de la qualité, qui flagelle. « On ne peut pas tout payer », indique un délégué de la CGT qui rappelle les fuites de savoir-faire ces dernières années, la recomposition des équipes aujourd’hui avec plus d’intérimaires et d’alternants, les manques d’investissements pendant longtemps et la montée de la charge aujourd’hui. « On crée les conditions pour ne pas faire de la qualité. » La CGT appuie son analyse sur des lettres d’avertissements envoyées après un accident du travail ou « une erreur mineur ». « On fait porter aux salariés la délocalisation en Inde. Ils vont (la direction, NDLR) promettre des investissements qu’ils ne feront jamais. »
La position de la direction
« Nous sommes attachés à un dialogue social de qualité et nous réaffirmons notre engagement constant en faveur d’échanges constructifs avec l’ensemble des représentants du personnel. Nous respectons pleinement le droit de grève. Lors du mouvement social d’octobre 2025, il a été constaté qu’un nombre restreint de collaborateurs n’ont pas respecté les dispositions légales encadrant l’exercice de ce droit ni les conditions de travail des personnels présents sur leur poste. Conformément à nos responsabilités réglementaires, les mesures nécessaires ont été mises en œuvre. Nous ne commentons pas les procédures en cours. »
Le rachat à General Electric et l’arrivée d’un actionnaire français, EDF, à la tête de l’entreprise, rassurait, en 2024. Aujourd’hui, la CGT modère l’enthousiasme. « Qu’est-ce qu’on gagné depuis ? questionne un délégué salarial de l’entreprise. Depuis, il y a des régressions. »
Arabelle Solutions compte 3300 salariés, selon son site Web, présents en France, Angleterre et Inde. À Belfort, on compte 1 300 personnes. L’entreprise viet de confirmer plusieurs contrats d’envergures (lire ici), tant pour la fourniture d’équipements en Angleterre que pour la maintenance de centrales nucléaires en Chine (lire ici) ou en Roumanie (lire ici).
