C’est une décision qui clôt près d’une année d’imbroglio juridico-économiques. Le tribunal de commerce de Vesoul a prononcé, ce vendredi 29 novembre, en fin de matinée, la liquidation judiciaire de la société Gaussin, apprend-on auprès du greffe du tribunal de commerce (lire ici les motivations du tribunal). Les offres de cession “ont été rejetées”, indique-t-on.
La première offre avait été déposée par Corail-SM, qui a repris l’entreprise Metalliance (lire notre article), au cœur de l’été, ancienne filiale de Gaussin chargée de fabriquer les
véhicules de manutention destinés notamment au marché nord-américain de
la logistique, comme ce qui était programmé avec Amazon ; le contrat de
la plateforme a été largement revu à la baisse selon nos informations (lire notre article). L’offre s’élevait à 300 000 euros pour reprendre les brevets, les stocks, ainsi qu’une vingtaine de salariés, intégrée dans une société qui devait s’appeler Corail innovation. L’offre implique également Blyyd, ancien partenaire commercial de Gaussin, avec qui il a rompu les liens, au printemps. La seconde offre de reprise impliquait Christophe Gaussin lui-même (il représentait un actionnaire, Eilyos holding, qui participait à 15%), avec un consortium d’investisseurs.
"Tristesse"
“Il y a beaucoup de tristesse”, a confié, à la mi-journée, Christophe Gaussin, directeur général de l’entreprise ; il avait perdu le titre de président depuis le mois de juin (lire notre article). “On a vraiment exploré toutes les options possibles pour préserver l’activité”, assure Christophe Gaussin. L’impossibilité de produire des véhicules et de les livrer a assécher les comptes. La situation devenait “inévitable”, concède Christophe Gaussin. Et “regrettable”. L’entreprise comptait une soixantaine de salariés, selon le dirigeant. “On va voir comment on peut les soutenir”, ajoute-t-il. Il se questionne aussi sur “la stratégie” de l’actionnaire majoritaire de la société, qui a pris les rênes en juin, la société tchèque Czechoslovak Group (CSG), représentée par Tablon SPV. Il la juge “énigmatique”. “Pourquoi avoir manqué autant d’étapes importantes depuis 12 mois”, déplore Christophe Gaussin. “Le groupe a enregistré de beaux succès. C’est une proie qui a attiré des prédateurs contre lesquels il est difficile de se battre”, estime-t-il, visant clairement Corail SM, la société qui a repris Metalliance et qui se positionnait pour récupérer Gaussin. Christophe Gaussin, qui avait succédé à son père, Henri-Paul Gaussin, ne compte pas abandonner l’entreprenariat, pour “défendre” les “valeurs entrepreunariales, familiales et le fabriquer en France”. La société remonte à 1880.
“C’est dommage”, commente, pour sa part, Steve Filipov, dirigeant de Corail-SM, repreneur de Metalliance cet été et qui a formulé une offre de reprise de Gaussin, qui a donc été rejetée. À ceux qui estiment que 300 000 euros, c’est peu, il rappelle que la vngtaine de salariés repris représentait une charge annuelle de 1,5 million d’euros, qu’il faut donc prendre en considération, note-t-il. “On aurait pu faire plus, mais les deux fois où on a demandé à voir les salariés, on nous a empêchés”, déclare-t-il, depuis New York. “On va travailler avec le liquidateur pour voir si des salariés sont intéressés de nous suivre dans le projet Corail Innovation”, indique-t-il. Il veut échanger également avec lui au sujet des brevets.
La situation économique de la société était très délicate. Le niveau de dette était particulièrement élevé (lire notre enquête). Selon nos informations, il s’élève aujourd’hui à 140 millions d’euros, pou 235 créanciers. Le passif ne sera, finalement, pas inférieur à 100 millions d’euros, après la procédure de liquidation. La société était en redressement judiciaire depuis le mois de septembre. Elle était en procédure de sauvegarde depuis le mois d’avril.
150 ans d'histoire qui disparaissent
L’histoire de la société Gaussin remonte au XIXe siècle. Elle était déjà tournée vers l’ailleurs. Elle intervient par exemple dans la construction d’ouvrages d’art en Indochine, sur la ligne de chemin de fer qui reliait Hanoï à Saïgon. La société Gaussin remonte à 1880. Elle est lancée par Eugène Gaussin et produit de l’acier. Elle travaille notamment pour les constructions de Gustave Eiffel. L’entreprise est officiellement immatriculée en 1962, par Henri-Paul Gaussin, le père de Christophe, l’actuel dirigeant et représentant de la 4e génération. Gaussin produisait des véhicules de manutention portuaire, que l’on retrouve dans des ports d’Afrique (Tanger, au Maroc, et Abidjan en Côte-d’Ivoire) ou d’Asie (Singapour ou Surabaya en Indonésie). Elle proposait aussi ces véhicules pour la manutention logistique ; elle visait notamment le marché nord-américain. Amazon a été un client.