235 créanciers
À date, on évoque un niveau de dettes de l’ordre de 140 millions d’euros pour la société Gaussin, placée en liquidation judiciaire (lire notre article) ; 235 créanciers se sont manifestés. Le Trois avait dévoilé un niveau de dette exorbitant, il y a quelques semaines (notre article). Le passif, une fois la liquidation faite, « ne sera pas inférieur à 100 000 euros », note le jugement du tribunal de commerce de Vesoul (Haute-Saône), rendu ce vendredi 29 novembre, en fin de matinée. « Les créanciers chirographaires n’ont aucune chance de venir en rang utile et les créanciers privilégiés partiellement, après règlement des AGS ».
D’ajouter : « Les prix proposés (des offres de reprise, NDLR), sont indécents au regard du passif et outre, la casse sociale, de nombreuses entreprises locales et établissements financiers en subiront directement les conséquences. » Aucune activité n’est plus possible, compte tenu, rappelle également le tribunal, d’une trésorerie exsangue. Le procureur de la République et le tribunal ont regretté qu’aucun industriel « totalement tiers s’intéresse à ce fleuron français ». C’est une perte forte pour l’industrie française.
Le procureur fustige les offres de reprise
« La situation financière et passive actuelle de la SA Gaussin résulte de la gestion de M. Christophe Gaussin et il n’est pas envisageable de permettre à ce dernier d’être de près ou de loi dans cette nouvelle entité », a requis le procureur de la République de Vesoul, lors de l’audience, peut-on lire dans le jugement. Pour que l’offre de reprise dans laquelle Christophe Gaussin – qui n’était que directeur général de la société depuis le mois de juin (lire notre article) – était impliquée soit acceptée, le procureur devait accorder une dérogation.
Il regrette également que la société Corail SM, auteure de l’autre offre, n’a cessé « de parasiter le fonctionnement de la SA Gaussin ». En début d’année, le fonds américain à l’origine de Corail SM (Coral Reef, en lien avec Sandton capital partners) discutait avec la société Gaussin pour entrer à son capital. Les discussions étaient particulièrement avancées et Steve Filipov, aujourd’hui à la tête de la seconde offre, avait intégré Gaussin ; finalement, les Américains se sont retirés. Une crise de gouvernance s’en est suivie chez Gaussin (lire notre enquête) et ils ont racheté Metalliance, vendue par Gaussin (tous nos articles sur l’entreprise, ici) au cœur de l’été, qui cherchait alors des liquidités. « Même dans le monde des affaires, certaines limites n’ont pas à être franchies », critique le procureur de la République. Il a estimé que « le prix de cession est très nettement insuffisant ». D’ajouter : « La proposition est indécente vis-à-vis du personnel et quid d’un tel passif ? » questionne-t-il. « Les comportements de part et d’autre ont été inadmissibles », a noté également le procureur, qui a donc requis de rejeter les deux offres ; le tribunal l’a suivi.
Le tribunal tout aussi vindicatif
Le tribunal estime aussi que l’offre (300 000 euros) portée par Steve Filipov est insuffisante, alors que le passif va « affecter » le tissu économique local et « fragiliser » de nombreuses entreprises. Du point de vue social, la reprise d’une vingtaine de salariés (sur une soixantaine d’emplois) est jugée insuffisante par les juges. Et elle ne conservait que « la matière grise » de Gaussin, abandonnant ainsi l’activité industrielle d’Héricourt. Si Steve Filipov déclare qu’il était prêt à garder cette activité dans la région, la fourniture d’un document de sa société Corail-Mobilité, qui comprend Metalliance, indiquant un domicile en Gironde, n’a pas rassuré le tribunal sur le maintien en Franche-Comté.
Les procédures judiciaires ont été nombreuses depuis le début de l’année entre les deux potentiels repreneurs indique également le tribunal, outré. « Cette guerre « fratricide », déplorable, en l’absence de toutes étique (sic) et moralité, a eu pour conséquence l’ouverture de procédures collectives devant les juridictions de Chalon-sur-Saône, Dijon et Vesoul, la création de passifs pantagruéliques et une situation pour le personnel extrêmement difficile à vivre », tance le tribunal, qui n’épargne pas non plus Christophe Gaussin. « Force est de constater que monsieur Christophe Gaussin est le principal acteur de ce gâchis », dénonce aussi le tribunal, qui replace aussi les nombreux problèmes de gouvernance « qui ont jalonné l’ensemble des sociétés de ce groupe ».