Le Trois –

Le rachat de la branche nucléaire de GE par EDF effectif ce 31 mai

Discours énergie Macron Belfort
Emmanuel Macron, le 10 février 2022 à Belfort, devant une turbine Arabelle. | ©Le Trois – archives
Alerte
La finalisation de la vente de la branche nucléaire de General Electric à l'énergéticien français EDF est effective à compter de ce 31 mai. L'entité, Arabelle Solutions, sera une filiale à 100% d'EDF. Une opération débutée, officiellement, en septembre 2021.

De nombreux souffles de soulagement vont s’exprimer. La première finalisation du rachat de la branche nucléaire de General Electric par EDF était attendue le 1er décembre 2023 ; cette nouvelle clôt une séquence initiée en 2015 lorsque General Electric rachetait l’activité énergie d’Alstom. La vente est effective à partir de ce vendredi 31 mai. Arabelle solutions sera une filiale à 100% d’EDF. Le projet de ce rachat avait été initié le 10 février 2022, annoncé par les deux entreprises en amont du discours de Belfort d’Emmanuel Macron, annonçant un nouveau programme nucléaire, avec la construction de 6 EPR (retrouvez ici les grandes dates de ce projet de rachat).

Des considérations géopolitiques entre la France, les États-Unis et la Russie avaient repoussé une fête déjà bien calée, le 1er décembre. Puis la date du 16 mai était envisagée, à l’occasion d’une visite du président de la République à Flamanville (Manche), sur le nouvel EPR en cours de chargement de combustibles. Les événements dramatiques qui secouent la Nouvelle-Calédonie avaient entraîné l’annulation de la visite.

Cette annonce correspond au calendrier avancé par Le Trois, ces dernières semaines (lire notre article). Dans une interview à paraître dans les journaux du groupe Ebra, ce vendredi, Emmanuel Macron confirme que “EDF reprend (…) officiellement les activités de maintenance et de fabrication des turbines Arabelle. Les accords conclus assurent la pérennité de cette activité”, transmet-on au Trois.

Les turbines Arabelle équiperont les six nouveaux EPR2 d’ici 2050, avec la mise en service du premier réacteur envisagée en 2035.

La vente était empêtrée dans des turpitudes de relations internationales relatives à la guerre en Ukraine ; Steam collabore notamment avec l’acteur Russe Rosatom (lire nos enquêtes). « Il est aujourd’hui de notoriété publique qu’il reste à obtenir des autorités américaines une Licence OFAC du département américain du trésor, indiquait, mi-mai, un communiqué de presse commun de la CFE-CGC et de la CGT de l’entreprise Steam. Celle-ci permettant de terminer dans les meilleures conditions les affaires en cours avec Rosatom visant à la fourniture de systèmes Arabelle pour des centrales turque, égyptienne et hongroise. » Ces licences étaient au cœur des négociations actuelles. Dans l’interview accordée, Emmanuel Macron, confirme que l’on a “sécurisé l’octroi des licences américaines nécessaires à l’opération. »

Arabelle, la taille d'un A380

La turbine à vapeur Arabelle transforme l’énergie thermique, générée par la fission nucléaire, en énergie mécanique, par le passage de la vapeur dans les différents étages de la turbine, actionnant ainsi l’équipement. Celui-ci engage un alternateur, qui produit alors de l’énergie électrique, sur un schéma similaire à celui d’une dynamo de vélo. « Pour les centrales nucléaires de grande puissance, elle est la meilleure turbine à vapeur du monde », confie un spécialiste. La turbine à vapeur Arabelle tourne à demi-vitesse. On enregistre 1 500 tours à la minute. Cette demi-vitesse améliore l’efficacité de l’équipement, en limitant notamment la corrosion et en augmentant son rendement, qui est 2 % plus élevé que celui de ses concurrentes. Elle déploie une puissance d’1,7 GW. Et revendique une fiabilité de 99,96 %. Toutes ces caractéristiques font d’Arabelle un équipement stratégique pour la souveraineté énergétique française. En France, elle équipe les centrales de Civaux (Vienne), Chooz (Ardennes) et Flamanville (Manche).

« Il faut sortir de cette attente compliquée au plus vite afin de permettre à l’entreprise de se concentrer sur ses missions d’avenir », réclamaient les syndicats il y a encore quelques semaines. D’autres questions se posent aujourd’hui : quelles sont les conditions de finalisation du deal ? Comment va s’opérer l’intégration à EDF ?

“La totalité du cycle nucléaire est donc désormais consolidée en France, de l’approvisionnement d’uranium à la fabrication des centrales et à leur exploitation, jusqu’au retraitement des déchets, dans une démarche de souveraineté”, précisent des éléments de langage de l’Élysée dont Le Trois a eu connaissance.

De sources syndicales, le rachat prévu concerne environ 2 500 salariés en France, dont plus de 1 300 à Belfort, et 3 300 au niveau mondial. En Bourgogne-Franche-Comté, le groupe EDF va passer de 5700 à près de 7000 collaborateurs, dont plus de la moitié sera dédiée à la filière nucléaire.

Sollicité dans la soirée de jeudi, EDF ne souhaitait “pas commenter pour le moment”. Il l’a fait ce vendredi dans la journée (lire notre article).

"Soulagement"

Pour les syndicats, c’est un “soulagement”. Il était temps de sortir “de la période d’incertitudes”, convient Laurent Santoire, de la CGT. Mais cette confirmation ouvre d’autres questions : “Quel projet industriel pour notre entité ?” demande-t-il. Laurent Humbert, de la CFE-CGC, est sur le même registre :  “On a plein de questions sans réponses. On attend impatiemment de rencontrer notre direction et notre repreneur pour discuter des sujets de stratégie, d’investissements.”

Laurent Santoire profite de l’occasion pour s’étonner, encore, de la délocalisation en Inde de la production des SMR. “C’est inacceptable et contradictoire avec le discours de réindustrialisation de la France.” Le syndicaliste poursuit : “75% des composants de la turbine Arabelle sont externalisés. La CGT compte agir pour les réinternaliser.”

Après de longs mois de travail, auxquels j’ai été associé, je me réjouis que l’avenir des turbines Arabelle soit maintenant assuré, renforçant notre souveraineté énergétique”, commente Christophe Grudler, député européen Renew. D’ajouter : “Reprendre le contrôle de cette production revêt un intérêt stratégique pour la France, et pour l’Europe, qui comptent sur ces puissantes turbines pour renforcer leur indépendance énergétique.”

“Je suis satisfait”, confie Damien Meslot, maire Les Républicains de Belfort, qui confirme également qu’il était inquiet. Et ne renie pas un “enfin” ! À présent, “j’attends de voir le périmètre et j’attends la confirmation que toutes les annonces vont profiter pleinement à Belfort.” Le premier magistrat confirme aussi qu’il a des propositions à faire à EDF avec Tandem, en termes d’immobilier.

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