Hugo Guéritaine
Les dernières élections législatives bousculent l’équilibre politique dans le pays de Montbéliard et fragilisent la gouvernance de Pays de Montbéliard Agglomération, menée par une coalition entre la droite et la gauche.
Matthieu Bloch a été élu député de la 3e circonscription du Doubs, ce dimanche 7 juillet, recueillant 50,76 % des suffrages exprimés. Il devance Nicolas Pacquot (Ensemble, camp présidentiel) de 642 voix. Il a surtout été élu avec l’étiquette Les Républicains (LR) – Rassemblement national (RN), suivant la position prise par Éric Ciotti, patron national des LR. Le Conseil d’État a classé ces candidatures comme une Union de l’extrême droite lors de l’élection.
« Principes républicains »
À l’agglomération, il préside le groupe des élus de droite de Pays de Montbéliard. « Je vais bien sûr rester conseiller communautaire, indique-t-il, par téléphone. En revanche, je vais certainement laisser la présidence du groupe. Je ne souhaite pas la poursuivre, ce serait difficile de tout gérer. » En revanche, il ne doute pas de ses soutiens. Son rattachement au RN est une « démarche dans l’intérêt du pays », justifie-t-il (lire notre article). Une décision qui, selon lui, a été « très majoritairement, bien acceptée ». « Pour l’instant, il n’y a pas eu de désaccord à part avec un [membre]. Il se reconnaîtra », poursuit l’intéressé. Il continue : « Les autres élus vont pouvoir compter sur moi, quelle que soit leur couleur politique. Au local, il faut avoir l’intelligence de dépasser les clivages politiques pour pouvoir travailler tous ensemble. » Son propos est une invitation aux élus de gauche, membres de l’exécutif.
Mais à gauche, les élus ne valident pas la démarche. « Il est très clair que nous ne pourrons pas travailler avec l’extrême droite », raconte Magali Duvernois, vice-présidente de PMA, en charge de l’environnement et de la transition écologique, candidate défaite aux législatives dans la 4e circonscription du Doubs (retrouvez les résultats complets). Ses homologues ont appelé à voter contre Matthieu Bloch au second tour et en faveur de Nicolas Pacquot, dans la 3e circonscription, pour faire justement barrage à l’extrême droite ; comment le tolérer, alors, quelques semaines plus tard ? « L’entente à la tête de la majorité de PMA est basée sur des principes républicains. Pour nous, le RN et Matthieu Bloch n’en font pas partie », justifie Damien Charlet, vice-président en charge des mobilités.
« Les digues ont sauté »
« J’ai choisi une alliance avec des gens qui ne sont pas d’extrême droite comme on le dit à tort et à travers, rétorque Matthieu Bloch. Eux ont choisi une alliance avec des gens qui disaient qu’il fallait marcher sur Matignon. Je ne pense pas qu’ils aient de leçons à me donner. Moi, je continue de travailler avec eux, dans le cadre de l’intérêt du territoire. » La gauche, elle, reste sur les fondements de l’alliance majoritaire de PMA : un travail avec une « droite républicaine ». « Certains n’en font plus partie, dont Matthieu Bloch. Il suffit de regarder les affiches de sa campagne pour en avoir la preuve. Sa photo était à côté de celle de Jordan Bardella. Et il n’y avait même pas le logo du parti des LR », atteste le socialiste Eric Lançon, conseiller communautaire, élu d’opposition à Montbéliard. Au-delà de cette posture politique, la gauche s’étonne surtout du silence des figures locales de la droite. Charles Demouge, président de PMA, en tête. Et ce ne sera pas sans conséquences à la bonne marche de la collectivité.
Du côté du président de l’agglo, il n’y a pourtant pas de soucis. « On n’a aucune expression de la gauche au niveau du président, donc on n’a rien à dire », déclare, simplement, Daphné Klopfenstein, la cheffe de cabinet. « On attend un effort de clarification de sa part. Tout comme ce que l’on a demandé à Marie-Noëlle Biguinet (la maire de Montbéliard et 1re vice-présidente de PMA, NDLR) », somme Éric Lançon (lire notre article). « C’est cette ambiguïté qui pose problème. Du président et de la part de la droite de PMA, on a besoin d’une clarification », s’accorde Damien Charlet. De nouveau contacté pour connaître cette position, Charles Demouge n’a pas répondu à notre message.
Cette posture agace également Nicolas Pacquot, le candidat défait par Matthieu Bloch. « Il y en a qui n’assument pas », déplore-t-il. « Quand on est élu d’une agglomération de 140 000 habitants, on a une responsabilité politique », complète encore celui qui a été député de 2022 à 2024. « [Les LR] ont toujours su faire le front républicain. Aujourd’hui, la digue a sauté, replace-t-il avant de poursuivre son analyse : Ils cherchent des excuses en disant que le RN, ce n’est plus l’extrême droite. Il y a un petit côté schizophrène. Ils pensent aux échéances municipales et communautaires de 2026, ils ne veulent pas se couper des électeurs. »
« Si Matthieu Bloch reste dans le groupe en tant que RN, je partirai du groupe »
« Il faut arrêter de dire que Matthieu Bloch est un candidat LR. Il a été élu avec les voix du Rassemblement national, continue Nicolas Pacquot. Il devra quelque chose au RN. » Il attend des élus de l’agglomération qu’ils refusent de gouverner à ses côtés, mais aussi aux côtés des élus « qui ont soutenu plus ou moins discrètement l’extrême droite », charge-t-il. Il vise notamment la maire de Montbéliard, Marie-Noëlle Biguinet.
À droite, certains ont déjà affirmé leur position. « Si Matthieu Bloch reste dans le groupe en tant que RN, je partirai du groupe », annonce Didier Klein, vice-président en charge de l’économie. « J’ai toujours été contre les extrêmes », poursuit-il. Avant de tancer : « Certains sont prêts à faire un peu n’importe quoi pour gagner. » Par contre, il est moins loquace vis-à-vis de Charles Demouge, dont il est proche. « J’ai pu échanger avec lui en privé. Je soutiendrai toujours Charles Demouge. C’est une situation qui n’est pas facile à gérer pour lui. »
Les élus de gauche doivent se réunir avant la fin de l’été pour définir leur position. « Il y aura un bouleversement à la rentrée. Ce sera une décision collective qui sera prise », énonce Magali Duvernois. « Tout est possible, tout est ouvert », précise Damien Charlet.