Le 28 septembre 2023, les élus du conseil départemental du Territoire de Belfort avaient approuvé une motion, à l’unanimité des suffrages exprimés (17 voix), évoquant une « saturation » des dispositifs de protection de l’enfance (à retrouver ici) ; le texte visait, par voie de conséquence, à plafonner la prise en charge des mineurs étrangers non accompagnés (lire notre article). Une décision qui était vue comme un acte plus politique que juridique (lire notre article). À l’époque, le Territoire de Belfort accueillait 89 mineurs et majeurs (jusqu’à 21 ans) non accompagnés, pour 61 places. Pour justifier cette motion, le Département estimait que la « sécurité et la protection des enfants [n’étaient] plus assurée[s] ». La motion notait encore : « Le Département limitera la prise en charge (des MNA, NDLR) jusqu’à ce que le dispositif retrouve des capacités d’accueil dignes »,
Cette motion avait été contestée par quatre associations : l’association d’accès aux droits des jeunes et d’accompagnement vers la majorité (AADJAM) ; la Ligue des droits de l’homme (LDH) ; le Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI) ; et l’association avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE). Elles ont d’abord été retoquées, dans une procédure en référé, jugeant l’urgence (lire notre article). Elles ont ensuite saisi le tribunal administratif sur le fond. Il a écouté les arguments des différentes parties, le 2 juillet, à Besançon. Et a rendu sa décision ce vendredi 25 juillet.
"Caractère discriminatoire"
Le tribunal administratif a annulé la motion approuvée par les élus du conseil départemental. Il estime que la motion exprime clairement la volonté de « limiter la prise en charge » des mineurs isolés non accompagnés, peut-on lire dans le jugement, consulté par Le Trois. Et « que chaque nouvel accueil ne pourrait être exécuté en l’absence de sortie d’un autre usager du dispositif », replace encore le tribunal, en évoquant les intentions du document approuvé. Selon le tribunal administratif, cette motion « conduit nécessairement le conseil département (sic) du Territoire de Belfort à ne plus exécuter les ordonnances de placement provisoire ». Le tribunal reconnait, enfin, « un caractère discriminatoire » à cette motion.
« Les élus, représentant le peuple, doivent demeurer libres de s’exprimer et rien ne doit les en empêcher », commente Florian Bouquet, président Les Républicains (LR) du conseil départemental du Territoire de Belfort, qui se dit « scandalisé ». « Je n’accepte pas cette manœuvre tendant à faire taire des élus de la République, réunis dans leur assemblée départementale et utilisant les moyens légaux d’expression à leur disposition », ajoute-t-il. Le président pointe du doigt le juge. Il « n’apporte aucun élément permettant d’indiquer que des migrants non accompagnés isolés étrangers n’aient pas été pris en charge ». D’ajouter : « Annuler une motion d’une assemblée d’élus, c’est comme annuler l’édito d’un journal. C’est le début de la censure ! »
"Décision politique"
Le conseil départemental rappelle que cette motion visait à « porter à la connaissance des autorités et du public les difficultés rencontrées par le Département face à une augmentation sensible du nombre de mesures de placement prononcées, ainsi que la hausse du nombre de mineurs non accompagnés (MNA) pris en charge ». Il note aussi, qu’à l’époque, 37 enfants demeuraient sans solution d’accueil. Cette motion, note de nouveau le Département, qui n’abandonne pas, ciblait « les incuries de l’État », écrit-il, avant de lister : « Immigration, délinquance juvénile ou encore la pédopsychiatrie. » D’ajouter : « Ces graves manquements de l’État ont pour conséquences d’emboliser les services de protection de l’enfance. »
Cette décision « semble plus politique que juridique, ce qui est problématique », écrit encore le Département, dans le communiqué. Il réfléchit pour interjeter appel. Le conseil départemental doit également verser 1 500 euros aux associations requérantes, selon le jugement du tribunal administratif.