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Le Territoire de Belfort plafonne la prise en charge des mineurs étrangers

Les services du conseil départemental du Territoire de Belfort s'adaptent au confinement.
L'hôtel du conseil départemental du Territoire de Belfort. | ©Le Trois – Thibault Quartier
Le Conseil départemental du Territoire de Belfort, qui dit être confronté à une "saturation" de ses dispositifs de protection de l'enfance, va plafonner la prise en charge des mineurs étrangers non accompagnés (MNA), selon une motion consultée mardi par l'AFP.

Avec l’AFP

Le Conseil départemental du Territoire de Belfort, qui dit être confronté à une “saturation” de ses dispositifs de protection de l’enfance, va plafonner la prise en charge des mineurs étrangers non accompagnés (MNA), selon une motion consultée mardi par l’AFP. “Je suis particulièrement vigilante au respect des droits fondamentaux de tous les enfants dans notre pays”, a réagi auprès de l’AFP la secrétaire d’Etat à l’Enfance Charlotte Caubel, qui dit prendre “acte du positionnement politique” du Département.

“La prise en charge croisée des MNA et des enfants relevant partiellement de la pédopsychiatrie entraîne une saturation des structures, une embolie des services et révèle un manque cruel de réponses en matière de soins adaptés”, écrit la collectivité dans sa motion. Présentée par Florian Bouquet, président LR du Territoire de Belfort, l’un des plus petits départements de France, elle a été adoptée à l’unanimité des suffrages exprimés (17 voix) lors de sa dernière assemblée publique, le 28 septembre.

Avant l’été, plusieurs autres départements, également confrontés à une hausse des placements d’enfants en danger et à un afflux de mineurs isolés étrangers, avaient déjà alerté sur une situation “intenable”. “L’accueil des mineurs et des majeurs non accompagnés contribue également à la saturation du dispositif au regard de l’augmentation du flux constaté depuis le milieu de l’année 2023”, poursuit la motion, selon laquelle “89 mineurs et majeurs non accompagnés” sont actuellement dans le Territoire de Belfort, pour “61 places”.

Responsabilité administrative

Selon le texte, le département “supporte pourtant à hauteur de près de trois millions d’euros annuels l’accompagnement des MNA, et de ceux devenus majeurs dans le cadre de leur insertion”, alors que “l’Etat n’intervient qu’à hauteur de 162.000 euros (5,4%)” et que la politique migratoire “est de son ressort exclusif”. Par ailleurs, du fait des structures saturées, “on a 37 mineurs (français) qui pour l’instant ne peuvent pas entrer dans le dispositif” et “dont on ne peut pas assurer la protection”, a précisé à l’AFP le cabinet de M. Bouquet. L’élu LR n’était pas joignable mardi.

Ces mineurs “font l’objet d’une mesure de placement sur décision de justice” mais le département “n’est pas capable matériellement, humainement, au niveau des structures ou des assistantes familiales” de les prendre en charge, avait-il expliqué lors de l’assemblée du 28 septembre, dont la vidéo est visible sur le site de la collectivité. “Je tiens à rappeler que le refus express de mettre en oeuvre une décision judiciaire peut à minima engager la responsabilité administrative du département”, a souligné mardi Mme Caubel.

Florian Chauche "déplore" cette décision

Dans un communiqué de presse, le député La France insoumise (LFI) de la seconde circonscription du Territoire de Belfort “déplore fortement cette décision”. La motion a été approuvée à l’unanimité, par la majorité et l’opposition. “Certes, elle découle d’un constat que je partage – l’État ne prend pas ses responsabilités concernant la protection de l’enfance et laisse les Départements gérer seuls des situations compliquées”. “Néanmoins, ajoute-t-il, elle ne respecte pas le droit et place le Département hors du cadre légal.” Puis d’ajouter: “Évoquer des contraintes budgétaires alors qu’on parle ici de prise en charge d’enfants et de jeunes n’est pas acceptable.” Il évoque également des enfants “dans des situations extrêmement difficiles et qui ont besoin d’aide”. Il estime que cette décision est aussi immorale.

On est au bord de la rupture”, avait ajouté M. Bouquet. Selon lui, “on fonctionne en mode dégradé” et la “sécurité et la protection des enfants n’est plus assurée”. En conséquence, “le département limitera la prise en charge (des MNA) jusqu’à ce que le dispositif retrouve des capacités d’accueil dignes”, explique la motion. “Tout nouvel accueil ne pourra” à l’avenir “s’exécuter qu’à l’aune d’une sortie du dispositif”. En clair, pour qu’un mineur isolé soit pris en charge, il faudra qu’un autre sorte du dispositif. “Cette décision, qui porte atteinte aux droits fondamentaux des enfants, est illégale”, a réagi sur X (ex-Twitter) Lyes Louffok, militant des droits de l’enfant et ancien membre du Conseil national de la protection de l’enfance.

40 000 MNA en France en fin d'année

“A la fin de l’année, nous serons à 40 000 MNA sur le territoire, on va dépasser le niveau record de 2018. C’est un vrai choc migratoire”, assure François Sauvadet (UDI), président des Départements de France, à l’AFP. Depuis le département où ils arrivent, souvent les Alpes-Maritimes, les MNA sont répartis dans les départements français selon une clé de répartition. MNA à la rue, enfants même avec handicap non pris en charge, mouvement sociaux de personnels à bout: les alertes se sont multipliées ces derniers mois dans plusieurs territoires comme le Tarn-et-Garonne, l’Ille-et-Vilaine, la Mayenne, l’Alsace. Le coût de la prise en charge des MNA, de 1,5 milliard d’euros par an sur un total de 10 consacrés à la Protection de l’Enfance, devrait atteindre 2 milliards cette année, prévient M. Sauvadet. “Le système est en train de s’emboliser complètement au point que nous sommes en difficulté pour assurer notre mission de protection de l’enfance de manière générale”, ajoute-t-il. La montée de la précarité, la vigilance accrue face aux violences faites aux enfants ou les problèmes psychiatriques des jeunes post-Covid compliquent toujours plus les missions de la Protection de l’Enfance, explique-t-il, dans un contexte de “difficultés de recrutement” de personnels et de “pénurie de soins de pédopsychiatrie”. “On ne peut faire supporter à la solidarité départementale un fait migratoire qui devient important et préoccupant. La responsabilité du flux migratoire est nationale et européenne”, assure le dirigeant, qui appelle l’Etat à “prendre ses responsabilités”.

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