Gaussin a ouvert les portes de son usines d’Héricourt, ce mardi. L’occasion de découvrir toute la gamme de ses véhicules, qui interviennent notamment dans les ports, les aéroports ou les plateformes logistique. Le moment aussi de comprendre une philosophie basée sur la modularité et les motorisations électriques. Avec, en prime, un baptême à bord du camion hydrogène qui a participé au Dakar. Reportage.
Gaussin a ouvert les portes de son usines d’Héricourt, ce mardi. L’occasion de découvrir toute la gamme de ses véhicules, utilisés dans les ports, les aéroports ou les plateformes logistique. Le moment aussi de comprendre une philosophie basée sur la modularité et les motorisations électriques. Avec, en prime, un baptême à bord du camion hydrogène qui a participé au Dakar. Reportage.
« Qu’est-ce qui vous a le plus impressionné sur ce camion ? » questionnais-je Philippe Jacquot, p-dg de Dépannage 70, à Frotey-lès-Lure, pilote de rallye, mais surtout pilote du camion hydrogène de Gaussin qui a participé à l’édition 2022 du Dakar, alors que je me faufile dans la cabine. Il ne faut pas s’attendre à un long discours. Plutôt à une démonstration. « Ça ! » répond-t-il en appuyant sur l’accélérateur, dans la cour arrière de l’usine Gaussin, à Héricourt, ce mardi. Quelle puissance au démarrage ! Quel couple saluent tous les spécialistes. Vous êtes collés au siège. Le camion se cabre et démarre immédiatement. Autre sensation : la souplesse, octroyée par des suspensions très performantes. Le H2 Racing Truck avale les bosses sans difficultés et sans martyriser le dos.
Philippe Jacquot apprécie de pouvoir se « concentrer » exclusivement sur le pilotage. Aucune vitesse n’est à passer. Et quand il faut de la puissance, il faut juste envoyer la sauce ; dans les dunes, c’est un avantage incommensurable, qui évite de s’enterrer. « C’est comme une perceuse électrique. Si tu appuies doucement, elle tourne doucement. Si tu appuies fort, elle tourne vite », image le pilote, 8 Dakar au compteur ; il a notamment terminé 4e, en catégorie camion, en 2004 et remporté le rallye d’Orient, en 2005. Puis de poursuivre pour décrire la conduite : « C’est comme quand on sait bien skier. On enroule. » C’est souple. On a l’impression de flotter. Se voir confier le volant de cet engin est « une belle reconnaissance », confie-t-il, qui témoigne aussi de « son sérieux ».
Sous le capot, deux moteurs électriques développent deux fois 300 KW. 800 chevaux résumait Christophe Gaussin, p-dg, sur les antennes de France Bleu Belfort-Montbéliard, début février. Le camion peut atteindre les 140 km/h. L’électricité est produite grâce à une pilote à combustible, alimentée par 14 réservoirs d’hydrogène, embarquant 80 kilos d’hydrogène (lire notre article). Si on consomme tout, le véhicule relâchera 500 litres d’eau confie Jean-Claude Bailly, vice-président exécutif de Gaussin, à la tête de la division camion et bus.
Au sol, le camion de 12,7 tonnes en impose. On s’attend à ce qu’il roule des mécaniques. Qu’il hurle sa puissance. Mais le moteur électrique est quasiment silencieux. À l’intérieur, on peut discuter facilement sans hausser la voix. Même pour un amoureux des moteurs, des camions et de la puissance, c’est un aspect agréable. « Après deux semaines de Dakar, quand j’entends un camion qui tourne à côté de moi, je veux couper le moteur », sourit Philippe Jacquot. Pas de rejet de CO2 lorsqu’il roule. Peu de nuisance sonore. Autant d’avantages sur lesquels capitalise l’industriel.
« Nos produits existent et fonctionnent »
Les derniers succès de Gaussin sont symboliques. Mais témoins d’une dynamique qui s’enclenche. L’entreprise d’Héricourt a donc fabriqué le premier camion de rallye roulant à l’hydrogène. Il y a quelques jours, le président-directeur général de cette société née en 1880, a reçu le prix de personnalité hydrogène de l’année, à l’occasion des Hydrogénies (lire notre article). Et l’entreprise entame une tournée mondiale pour présenter ses produits, une quinzaine de véhicules au catalogue, tout électrique fonctionnant avec des batteries ou électrique fonctionnant grâce à une technologie hydrogène. Cette tournée est ponctuée d’une trentaine d’étapes en Europe, aux États-Unis, au Canada ou encore en Afrique du Nord, à l’occasion de la COP27, programmée du 7 au 18 novembre à Charm el-Cheikh (Égypte). `
À l’occasion de cette tournée, « qui doit servir la cause du climat », dixit Jean-Claude Bailly, Gaussin veut valoriser ses savoir-faire. Ses compétences. S’il veut montrer qu’il en a sous le capot, il veut surtout dire qu’il est dans les starting-blocks. « Nos produits existent et fonctionnent », insiste le dirigeant. « Nous avons une longueur d’avance », appuie-t-il, affichant le chiffre de 99,5 % de fiabilité de ses véhicules en fonctionnement dans le monde. Gaussin a abandonné en 2012 le moteur thermique pour des technologies plus propres.
La technologie Gaussin se diffuse grâce à deux canaux. Le premier, ce sont les sites fermés (ports, aéroports et centres logistiques). Et le vice-président est convaincu que l’accélération du déploiement de ces nouvelles solutions passe par des sites fermés. Gaussin a développé des véhicules avec pilotes ou autonomes, adaptés à chaque contexte. Et le vice-président de remarquer au sujet de l’hydrogène : « Chaque station que l’on met sur un site fermé est immédiatement rentable », insiste-t-il, mettant en avant le total cost of ownership (TCO), le coût global d’un véhicule. En le regardant de plus près, même avec l’hydrogène et l’électrique, il est déjà compétitif pour les véhicules Gaussin. Ses véhicules ne dépensent de l’énergie qu’en roulant, alors que les autres brulent du carburant, même quand ils sont à l’arrêt, ce qui est souvent le cas dans des zones de manutention, relève le dirigeant.
Bientôt des poids lourds routiers
Le deuxième canal de déploiement de ces technologies ciblé par Gaussin est le développement via des licences ; c’est par exemple ce qu’il vient de faire avec Nexport, en Australie et Nouvelle-Zélande. À Héricourt on imagine, on monte les prototypes et on assemble les pré-séries puis on confie la fabrication aux pays acheteurs. Si Gaussin a bien une usine d’assemblage à Saint-Valliers (Saône-et-Loire), la stratégie est clairement tournée vers la vente de licences. L’industriel a déjà signé une douzaine de licences dans le monde et en vise une quarantaine d’ici 2 ans (lire notre article).
Si Gaussin s’appuie sur les flottes captives, il n’en est pas moins fermé aux autres marchés. Il travaille celui des poids lourds routiers, pour lesquels il a repensé l’approche, en créant le skateboard (lire notre article), là encore pour mettre en avant la modularité. Et le H2 Racing Truck est la tête de pont de la gamme de cinq modèles, attendue d’ici 2023 et dessinée par Pininfarina. Les performances enregistrées par le H2 Racing trucks lors du Dakar a suscité la curiosité, que doit renforcer ce tour du monde.
Lors de cette première expérience au Dakar, « le camion a été expérimenté dans des conditions extrêmement difficiles », rappelle Jean-Claude Bailly. Pendant un an, une centaine de personnes a travaillé pour rendre réelle cette idée, qui en avait surpris plus d’un, en 2021, lorsqu’elle avait été avancée. Aujourd’hui, tout un travail va être mené pour optimiser le camion, notamment sur le poids ou encore son centre de gravité. L’objectif, l’aligner en compétition lors du Dakar 2023. « On va essayer », sourit le vice-président. Un défi de plus pour l’industriel, qui roule à ce carburant. « Notre vision, c’est de travailler tout de suite sur le monde de demain », résume Jean-Claude Bailly.