Le nord Franche-Comté, carrefour de l’hydrogène
« Il n’y avait pas d’autres régions où je pouvais venir présenter cette révision de la stratégie hydrogène. » Jeudi, le ministre de l’Industrie et de l’Énergie Marc Ferracci était dans le nord Franche-Comté. Le gouvernement a décliné mercredi sa nouvelle stratégie hydrogène, réactualisée (lire notre article), dans un contexte d’inquiétudes de la filière. Il a annoncé un objectif de production d’hydrogène bas-carbone de 4,5 GW d’ici 2030 et de 8 en 2035, contre respectivement 6,5 GW et 10 GW visés jusqu’à présent. Les 9 milliards d’euros d’aides annoncées en 2020 et 2021 se transforment en 4. Pour illustrer cette nouvelle stratégie, le ministre a donc opté pour le pays de Montbéliard et le Territoire de Belfort. Marc Ferracci était déjà venu à l’automne dans la région, à l’usine Forvia. Cela montre la place occupée par le territoire dans la création d’une filière industrielle hydrogène. La région Bourgogne-Franche-Comté est labellisée Territoire d’hydrogène depuis 2016 et la recherche académique travaille sur la pile à combustible depuis le tournant du millénaire. Elle dispose d’un écosystème unique associant acteurs académiques, collectivités locales et entreprises. « C’est ici que la détermination s’exprime », a-t-il insisté.
Plus de 600 millions d’euros pour le nord Franche-Comté
Le ministre a décliné cette nouvelle feuille de route « recalibré », dixit les éléments de langage, dans l’usine de Gen-hy ; l’usine a nécessité un investissement de 15 millions d’euros et doit créer 250 emplois. Il a, par ailleurs, confirmé l’aide de 100 millions d’euros à cette entreprise (lire notre article), dans le cadre du Piiec (projet important d’intérêt européen commun). « Ce type d’unité de production ne sort pas de terre sans soutien », a assuré le ministre. Dans le cadre de ce programme d’aides d’État, validé par la Commission européenne, quatre entreprises du nord Franche-Comté ont reçu des subsides, pour un total de 674 millions d’euros : Forvia, 213 millions d’euros ; Alstom, 247 millions d’euros ; McPhy, 114 millions d’euros ; et dorénavant, Gen-Hy, avec 100 millions d’euros. Non loin de là, dans le Haut-Rhin, John Cockerill, qui est sur les rangs d’un rachat de McPhy (lire notre article), a aussi reçu un Piiec à hauteur de 100 millions d’euros, pour son usine installée sur deux sites, une dans le Haut-Rhin (Aspach), l’autre à côté de Bruxelles.

Souveraineté
Gen-hy (tous nos articles) produit des électrolyseurs AEM (Anion Exchange Membrane), une technologie qui permet de fabriquer de l’hydrogène sans utiliser de matériaux rares. « Cette technologie brevetée permet de produire de l’hydrogène vert très pur et à faible coût, par électrolyse, avec des objectifs de rendement de 85% sur la phase 1 et de 90% sur la phase 2 », détaille la start-up. Elle maîtrise surtout sa technologie de A à Z et confère une totale souveraineté, l’un des enjeux de la construction d’une filière hydrogène, alors que la concurrence s’intensifie, notamment avec l’Asie. Le ministre a insisté sur le fait que la France était le seul pays à disposer d’acteurs travaillant sur les quatre technologies d’électrolyseurs, se voulant alors rassurant sur la concurrence qui s’intensifie. « C’est un atout unique », a-t-il noté. McPhy et John Cockerill en exploitent deux différentes. C’est un autre enjeu du rachat de McPhy : que ses travaux se poursuivent pour ne pas condamner une option technologique. L’enjeu, c’est aussi de s’émanciper des énergies fossiles, qui provoquent un trou de « 70 milliards de dollars de balance commerciale, par an ». Des énergies achetées à des pays qui ne sont pas « des États amis ». « Nous allons réussir le pari de l’hydrogène, assure-t-il. Il y aura des turpitudes. Des zigzags. » Mais il est confiant dans « le potentiel ».
La mobilité
La filière hydrogène était inquiète de la publication de cette feuille de route qui se faisait attendre. Et un secteur plus que d’autres : la mobilité. Toutes les stratégies hydrogène présentées par l’État depuis 2020 donne la part belle à l’industrie et à l’enjeu de la décarbonation. La mobilité n’avait qu’une petite part, de l’ordre de 20 %. Des objectifs de production. Mais ces derniers mois, on craignait qu’elle soit totalement occultées par la nouvelle feuille de route. Il n’en est pas question, même si l’enthousiasme est moins marqué. « La mobilité est au cœur de la stratégie », a assuré le ministre. Le ministre a évoqué la mobilité lourde (bateaux, poids lourds), ainsi que les véhicules utilitaires. Un appel à projet pour développer la commercialisation des véhicules utilitaires légers hydrogène doit être prochainement publié. C’est une aide à l’acquisition, rendant le prix du véhicule plus accessible. Une première enveloppe de 15 millions d’euros, en 2025, doit financer environ 500 véhicules utilitaires légers, que fabrique notamment Stellantis dans son usine de Hordain (Nord).