Une nouvelle perquisition a été organisée ce mardi 29 août, dans les locaux de l’entité turbines à gaz de General Electric, à Belfort. « La société fait l’objet d’une perquisition menée par des officiers de police judiciaire », peut-on lire dans un mail de la direction adressé aux salariés, que Le Trois a pu consulter, envoyé à 13h45. Les perquisitions sont diligentées par le parquet national financier (PNF), “dans le cadre de l’enquête préliminaire ouverte du chef de blanchiment aggravé de fraude fiscale”, indique l’institution judiciaire au Trois.
Selon des témoins, la police est arrivée en début de matinée. C’est le site TE05 qui est perquisitionné, avenue du Maréchal-Juin, à Belfort. L’usine de Bourogne est aussi concernée ; on y fabrique des aubes et des rotors de turbines, qui sont ensuite assemblées à Belfort. Les deux sites sont distants d’une quinzaine de kilomètres.
« Ces officiers vont se déplacer dans les bureaux de la société, ce qui est habituel dans le cadre d’une enquête », ajoute le mail de la direction. « Nous vous remercions de les laisser mener leur enquête », complète le document.
Le 15 décembre 2022, une perquisition avait déjà été menée à Belfort (lire notre article). Elle était diligentée dans le même cadre. Elles avaient été réalisées par le Service d’enquêtes judiciaires des finances (SEJF). Selon nos informations, d’autres perquisitions ont été menées au mois de juillet, sur des sites parisiens de l’entreprise, notamment auprès de responsables fiscaux de cette entité de General Electric.
Minoration artificielle des bénéfices selon les syndicats
Le 30 mai 2022, les syndicats Sud Industrie et CFE-CGC ont saisi le parquet national financier pour blanchiment de fraude fiscale, abus de confiance, faux et usage de faux et recel (lire notre article). “Ça montre que l’enquête avance”, estiment Alexis Sesmat, de Sud Industrie, et Philippe Petitcolin, de la CFE-CGC. “Ils savent où chercher”, ajoutent-ils. Les syndicats espèrent que cela devienne un cas d’école et que cela “dissuade” les entreprises de faire de l’évasion fiscale. “Ces investigations montrent que ce n’est pas une fatalité et que l’on a les moyens de lutter contre l’évasion fiscale”, observe Alexis Sesmat. “L’enquête en cours fait suite à plusieurs rapports d’expertise, fruit de nombreuses
années de travail d’investigation et d’analyse de l’intersyndicale sur les mécanismes de
prix de transfert frauduleux mis en place par le groupe”, note l’intersyndicale dans un communiqué de presse, adressé ce mardi, en début de soirée.
Depuis le rachat de l’usine de turbines de Belfort à Alstom en 2015, la multinationale américaine a fait partir plus de 500 millions d’euros du site de GE à Belfort vers la Suisse et l’État américain du Delaware où la fiscalité est plus avantageuse, selon les syndicats et leur avocate, Me Eva Joly. “Nous avons démontré que sur la période 2016-2019, il y a eu une minoration artificielle (des bénéfices du site de Belfort) de 555 millions d’euros”, avait souligné l’avocate en mai 2022, ancienne députée européenne et ancienne juge d’instruction spécialisée dans la lutte contre la corruption. Cette opération est obtenue grâce à un montage financier faisant de l’usine de Belfort une simple “unité de fabrication sous contrat” ou “prestataire” de filiales suisses de GE. “Ce déficit artificiel a permis à GE de justifier la modération salariale, la baisse des investissements, la suppression de 800 emplois ramenée à 500 grâce au combat syndical en 2019 et la délocalisation en Hongrie et en Inde… conduisant à la dégradation notable des conditions de travail et une incertitude constante sur notre avenir”, replacent aussi les syndicats dans le communiqué.
Dans un communiqué, General Electric indique, après avoir été sollicité : « Aujourd’hui 29 août 2023, GE fait l’objet d’une perquisition menée par des officiers de police judiciaire. GE coopère
Les syndicats relèvent que l’enquête semble aller plus vite que celle de McDonald’s. “Après 5 ans d’enquête, McDonald’s a négocié une amende de 1,25 milliard d’euros pour éviter les poursuites pénales en mai 2022”, rappellent-ils.