Le directeur monde des usines du groupe Stellantis était à Sochaux ce lundi pour présenter la nouvelle usine Sochaux 2022. L’occasion de toucher de plus près la culture d’entreprise de ce jeune groupe automobile dont les débuts financiers sont fracassants malgré un contexte mondial délicat.
Le directeur monde des usines du groupe Stellantis était à Sochaux ce lundi pour présenter la nouvelle usine Sochaux 2022. L’occasion de toucher de plus près la culture d’entreprise de ce jeune groupe automobile dont les débuts financiers sont fracassants malgré un contexte mondial délicat.
« Des psychopathes de la performance. » L’expression est signée Carlos Tavares, à l’occasion d’une interview au monde, en 2018. Et il l’a bien insufflée à ses équipes. Performance, compétitivité, efficience… Ces vocables ont rythmé les prises de parole d’Arnaud Deboeuf, directeur manufacturing monde de Stellantis, ce lundi, lors d’une présentation de la nouvelle usine Stellantis de Sochaux à la presse (lire notre article) ; des Italiens ont même fait le déplacement. Le boss de la production supervise 92 usines dans le monde du jeune groupe automobile aux 14 marques, né de la fusion entre le Français PSA et le l’Italo-américain Fiat Chrysler automobiles (FCA), en janvier 2021.
S’il insiste sur l’importance de l’histoire des différentes entités du groupe – « notre performance actuelle et future repose sur cette histoire » – il s’attache aussi à évoquer le culture de groupe qui s’est installée en dix-huit mois. Il n’y a pas de nationalité à Stellantis, confie-t-il, et ajoute qu’il n’y a pas non plus « de notion de couleurs de veste ». Quelqu’un de PSA peut passer chez Fiat ou Opel. Et un Américain pourrait très bien prendre la direction de l’usine sochalienne prévient-il. « La force de frappe de notre manufacturing, c’est d’avoir créé, en quelques mois, une vraie communauté », explique Arnaud Deboeuf. Les usines sont ouvertes aux homologues pour que les bonnes pratiques se partage. « Il faut déployer ce qui marche et ne pas laisser ce qui ne marche pas », déroule le directeur.
« Pression sur les usines »
L’automobile traverse une crise depuis 3 ans. Elle a débuté avec la crise sanitaire. « On gère la crise en permanence », observe-t-il. Il y a la crise des semi-conducteurs, il y a eu celle des coûts de l’acier. On a aussi déploré des difficultés d’approvisionnement depuis l’Asie. À présent, c’est le coût de l’énergie, qui fragilise l’équilibre économique des usines. « Le contexte est particulièrement dure pour l’industrie automobile », résume le directeur monde depuis une usine qui a déjà produit 24 millions de véhicules depuis sa construction en 1912.
Dans le même temps, on électrifie à marche forcée le parc automobile ; en 2035, la vente de véhicules thermique sera interdite en Europe. Le groupe vise 45 modèles en 2024 (19 aujourd’hui), 70 en 2027 et 75 en 2030. En parallèle, on observe une chute des volumes mondiaux de ventes des véhicules neufs. Une dynamique antérieure à la crise de covid-19 qui a drastiquement ralentit le marché automobile. « Dans ce contexte, il faut trouver la compétitivité, reconnaît Arnaud Deboeuf. D’où la pression sur les usines. »
Les usines ont aussi une grande responsabilité dans la bonne marche du groupe. Elles ont la responsabilités de réduire les coûts, même si la fabrication ne représente que 10 % du coût de la voiture. Mais elles peuvent améliorer le process de fabrication pour les réduire et surtout agir sur la qualité finale. La logique est simple : si la voiture ne se vend pas ou que son coût s’envole et donc qu’elle ne se vend plus, l’usine fermerait. En termes de qualité, le groupe a enregistré une baisse de 25 % du nombre de réclamations par les clients, en un an. Une immense satisfaction pour l’équipe dirigeante. Et Arnaud Deboeuf en est certain : « L’écart par rapport aux autres [constructeurs] est lié [notamment] à la performance de nos usines. » Au premier semestre, le groupe a enregistré un chiffre d’affaires de 88 milliards d’euros, en hausse de 17 %, avec une marge opérationnelle de 14,1 %. Le bénéfice net atteignait 8 milliards d’euros (lire notre article).
Les usines ont donc la main pour améliorer leur compétitivité et limiter les coûts. Les investissements sont possibles, mais « frugaux », prévient Arnaud Deboeuf. Dans ce cadre, Stellantis n’a pas non plus de « scrupules » pour vendre, car cela finance aussi les investissement. « On n’est pas des propriétaires fonciers », glisse Arnaud Deboeuf. À Sochaux, l’industriel a vendu à Pays de Montbéliard Agglomération (PMA) les terrains libérés par le compactage de l’usine, qui les a cédés ensuite à un aménageur (lire notre article), qui propose un projet logistique et de production industrielle. Compacter, c’est aussi réduire les impôts locaux, diminuer les flux logistiques et la facture énergétique. La taille de l’usine était « une faiblesse majeure », valide Christophe Montavon, le directeur de l’usine sochalienne. Il était urgent d’agir pour améliorer sa compétitivité et la placer, aujourd’hui, sur la carte des usines du groupe.
Dans cette logique de performance, un classement des usines est organisé chaque mois dans lequel on regarde quelques critères, dont la qualité (avec les défauts dévoilés par les clients après l’achat), les coûts et le coût complet de la voiture. Des classements avec lesquels on challenge les usines pour proposer des solutions et des innovations. À Sochaux, on veut notamment poursuivre les projets autour du développement durable et des énergies. Une nouvelle ferme solaire, au cœur du site, est à l’étude ; elle pourrait fournir 10 % des besoins électrique de l’usine. Et une réflexion est entamée sur l’atelier peinture, le plus gros consommateur d’énergie de l’usine. « Il n’y a que les résultats qui comptent », résume Arnaud Deboeuf.
Les attentes des syndicats
Les usines sont au cœur du projet, quand on écoute les propos d’Arnaud Deboeuf. Les derniers résultats financiers et les dernières négociations salariales avaient pourtant fait grincer des dents chez les partenaires sociaux. « Depuis le passage sous l’ère Stellantis, la redistribution des richesses est trop déséquilibrée et n’est clairement pas à la hauteur de l’investissement des salariés », dénonce Benoit Vernier, de la CFDT, dans un communiqué de presse. Et d’ajouter : « Oui, Stellantis assure une transformation pour être compétitif, surtout pour être rentable et assurer un fort profit. La transition est trop brutale et se fait au détriment des Hommes. » Il attend aussi des engagements des politiques locaux, qui « doivent aussi exiger des contreparties sociales et des garanties de maintien d’emplois en face des aides financières et foncières accordées ».
À la CFE-CGC, on estime que « la modernisation des locaux sociaux et des abords doivent atteindre le même niveau d’exigence que l’usine 4.0 de Sochaux 2022 et embarquer les exigences de Responsabilité Sociétal de l’entreprise pour le bien être des salariés ». D’écrire également : « Il n’y a pas meilleur signe positif qu’une entreprise qui investit pour sa performance et pour l’humain. » Les syndicats reviennent également régulièrement à la charge sur les effectifs qui fondent et les besoins en main d’oeuvre. Aujourd’hui, le site compte 6200 CDI, contre plus de 12 000 fin 2012, selon Force ouvrière.
« Les partenaires sociaux acceptent une flexibilité de nos outils qui est remarquable », admet Arnaud Leboeuf, qui assume son choix de s’adapter au plus près pour maintenir ou non une production, afin de tout faire pour obtenir des pièces et produire. Les syndicats ont souvent réclamé plus de visibilité sur ces annulations de séance. Sur le choix des usines fermées, plusieurs critères sont pris en compte, dont une logique de matrice, en fonction du nombre de pièces nécessaires et manquantes pour la fabrication du véhicule, mais aussi le stock disponible de véhicules pour faire face aux ventes, ainsi que la marge détaille Arnaud Deboeuf. La quête de la performance. Toujours.