General Electric a décidé de fermer l’entité Hydro de Belfort. 89 postes sont menacés. Qu’à cela ne tienne, des salariés ne baissent pas pavillon. Ils veulent recréer une activité et sauver les compétences, en s’appuyant sur les dispositions de la loi Florange. Ils reçoivent un soutien politique appuyé. General Electric, de son côté, tique. Le marché, lui, semble bien prometteur. Et le positionnement du projet ne vient pas en concurrence frontale du géant américain.
General Electric a décidé de fermer l’entité Hydro de Belfort. 89 postes sont menacés. Qu’à cela ne tienne, des salariés ne baissent pas pavillon. Ils veulent recréer une activité et sauver les compétences, en s’appuyant sur les dispositions de la loi Florange. Ils reçoivent un soutien politique appuyé. General Electric, de son côté, tique. Le marché, lui, semble bien prometteur. Et le positionnement du projet ne vient pas en concurrence frontale du géant américain.
Des salariés de l’entité Hydro de Belfort travaillent ardemment depuis plusieurs semaines sur le projet d’une reprise d’activités par leurs propres moyens. Une démarche menée en parallèle du déroulement du plan de restructuration engagé en septembre par le géant américain chez Grid solutions et Hydro. Mardi, ils ont notamment mené une grève en ligne pour contester le “saccage” industriel de General Electric et dénoncé les conditions de départ minimalistes proposées par la direction.
Hydro Belfort (près de 15 % des effectifs Hydro en France), d’abord Alstom puis General Electric depuis 2015, a conçu les alternateurs d’origine de près de 155 centrales en France, soit 80 % du parc français en termes de puissance installée. L’expertise est connue. Et reconnue. 100 GW (soit environ 10 %) de la base hydroélectrique installée dans le monde est issue du site de Belfort ; on retrouve des archives à Belfort qui remonte à des installations en 1924, comme le barrage hydro-électrique de Bancairon (Alpes-Maritimes). Dans les années 2000, Alstom se classe même n°1 sur ce marché et enregistre de nombreux records mondiaux. Un héritage heureux qu’aiment à raconter les salariés, fiers de cette histoire.
Un marché stable et prometteur
Pour mener à bien leur idée, les salariés belfortains d’Hydro vont s’appuyer sur les dispositions de la loi Florange, approuvée en mars 2014. Tout employeur de plus de 1 000 salariés qui décide de fermer un établissement et de procéder à des licenciements économiques doit obligatoirement rechercher un repreneur. Les salariés peuvent aussi déposer un projet. L’entreprise se doit de donner accès à la documentation demandée, afin d’élaborer le projet de reprise. « Mais il n’y a pas d’obligation de résultat », modère Julien Fontanive, délégué syndicat CFDT, membre de l’intersyndicale. Dans le cadre de ce dispositif, les salariés doivent déposer leur projet avant le 14 décembre.
Une des forces du site belfortain est de disposer de toutes les compétences : les appels d’offres, les achats, l’ingénierie, le suivi de projet, la mise en service… Il s’agit de les sauvegarder, sachant que l’expérience est riche : la moyenne de l’ancienneté dans l’entreprise est de 15 ans. Il n’y a pas, à Belfort, d’ateliers ; il n’y a donc pas de rachat de bâtiments ou de machines-outils à envisager. Ce sont principalement des emplois de bureau. Aujourd’hui, le plan envisage une activité avec une cinquantaine de personnes. « C’est articulé autour d’un fonctionnement efficace, précise Julien Fontanive, avec toutes les fonctions pour mener à bien un projet. » « Ce chiffre évoluera en fonction des options retenues sur l’activité », confirme-t-il également.
Face aux enjeux climatiques et dans le cadre de la construction du mix énergétique, les compétences hydro-électriques ont toute leur place, appuient les représentants du personnel. La dynamique enclenchée par l’État avec France relance doit permettre d’encourager ce projet. Aujourd’hui, les capacités hydro-électriques sont les seules à assurer une capacité de stockage de l’énergie en grande quantité. La croissance du marché est estimée environ 2 % par an, confie un représentant du personnel, pour les prochaines années, avec un marché avoisinant les 8 milliards de dollars par an sur la prochaine décennie. Le marché est résilient.
10 millions d’euros
L’activité des Hydro de Belfort ne vise pas à se positionner sur de nouveaux projets. Ce marché est particulièrement contraint « par les garanties financières ». « Plus le projet est important, plus le besoin de trésorerie est important », relève une source qui connaît bien le milieu, mais qui souhaite rester discrète.
Les gros projets, pluriannuel, nécessitent d’acheter en amont des matières premières et d’avoir les reins suffisamment solides pour attendre des paiements, qui s’étalent. Si le marché visé est mondial, son périmètre dépendra de la taille de la structure et des moyens à disposition. Il dépendra aussi d’éventuels partenaires. Des intérêts pour ce projet se sont manifestés.
Selon plusieurs sources, la nouvelle entité a besoin de moins de 10 millions d’euros d’investissements pour se lancer, afin d’acquérir du matériel de bureau, du matériel de chantier, pour assurer les salaires et les avances de trésorerie. L’activité sur laquelle il se positionne n’est pas non plus très concernée par les brevets. Par contre, conserver la documentation concernant les équipements déjà installés permettrait de gagner du temps et de « nous aider à démarrer », confirme Julien Fontanive. La loi Florange doit permettre de discuter ces points. L’idée du projet s’inscrit aussi dans le principe que les salariés soient actionnaires, « pour qu’ils aient le contrôle de l’entreprise », souffle au Trois une personnalité connaissant très bien le dossier.
Concurrence ?
Les salariés d’Hydro ont également déposé un projet dans le cadre du fonds Maugis, chargé de préparer la ventilation des 50 millions d’euros de pénalités de General Electric, pour non réalisation des 1 000 emplois. Le dossier a reçu un avis positif confirme Marie-Guite Dufay, présidente du conseil régional Bourgogne-Franche-Comté. Des détails sont à peaufiner nous confirme-t-on. Mais le soutien est là. « C’est un dossier compliqué, en concurrence directe avec General Electric », modère toutefois la présidente.
Car de prime abord, le projet des Hydro de Belfort entre en concurrence avec General Electric, qui n’arrête pas l’activité mais la « délocalise dans des pays à bas coût », « dans le but de réduire la masse salariale », rappelle l’intersyndicale. Mais l’objectif des salariés est de cibler des projets de maintenance ou de services. « Ce sont des secteurs où il n’y a pas de concurrences directes avec General Electric, analyse un observateur avisé. La compétition est plutôt avec des reconstructeurs locaux ou des réparateurs. » Des contacts ont déjà été noués avec des clients potentiels. D’une certaine manière, la nouvelle entité Hydro Belfort irait sur des marchés que ne peut pas adresser aujourd’hui General Electric, du fait de sa taille et de ses contraintes structurelles (lire par ailleurs) ; elle occuperait ses angles morts. Certains évoquent même la possibilité de travailler comme prestataire de General Electric.
Ce même observateur estime que le projet belfortain cumule l’avantage « d’avoir les compétences des gros constructeurs et en même temps la taille d’un réparateur ». Une dynamique qui permet de viser, ensuite, la rénovation, qui sera un sujet particulièrement intéressant en France. Lorsque le dossier de la concession des barrages français sera réglé, d’importants projets de rénovation devraient être engagés, compte tenu de l’âge moyen des centrales hydroélectriques françaises, de 55 ans.
Finalement, ce projet ne serait-il pas une chance pour General Electric ? La question se pose. Selon nos informations, une réunion est envisagée avec Hugh Bailey, directeur général de GE France, pour aborder ce dossier avec les représentants du personnel. Ils défendront cet argument.