« La société se délite », expose, amère, Chantal Philippon, membre de la Ligue des droits de l’homme, ce 28 juin, de la section du Territoire de Belfort. Par mail, la ligue a alerté les rédactions la veille. En moins de trois semaines, quatre plaintes ont été déposées. Et une enquête a été ouverte ce vendredi par la procureure de la République du Territoire de Belfort (lire notre article). Dans toutes ces procédures, un fil rouge : la montée de la haine, qu’elle soit accompagnée de racisme ou d’antisémitisme.
« Dès le lendemain des européennes, un jeune mineur non accompagné en logement diffus s’est retrouvé avec sa porte taguée d’une croix gammée à la Pépinière », déplore Chantal Philippon. « Le centre de la Douce a porté plainte », poursuit-elle. Une information que nous n’avons pas pu encore confirmer au moment où nous mettions en ligne. La LDH parisienne va également porter plainte pour ce fait.
Dans la foulée, rien que dans le Territoire de Belfort, on recense en deux semaines une plainte du maire pour des tags antisémites à Danjoutin (lire ici), une plainte d’un militant La France insoumise pour injure à caractère raciste à Belfort (lire ici), une enquête ouverte par la procureure de la République à Lepuix pour provocation publique à la haine et injure publique en raison de l’origine, de l’ethnie, de la nation ou de la race (lire ici). Ainsi qu’une plainte datant du 27 juin d’un réfugié afghan, livreur Uber Eats que Le Trois a pu consulter, pour violences à Belfort. Celui-ci raconte avoir été tabassé par un patron de restaurant. « J’ai été le voir après mon service car j’avais eu une mauvaise note et je souhaitais savoir pourquoi. Il m’a donné des coups de poings et de pieds. Me disant que j’étais un réfugié. » Il est également suivi par la Ligue des droits de l’homme qui est en train de constituer une plainte de son côté.
« Il y a une accélération claire et nette des faits de racismes et d’antisémitisme », relate la Ligue des droits de l’homme. « Accompagnée par une banalisation et une décomplexion », complètent Chantal Philippon et Sylvie Rodier, aussi coprésidente de la ligue. D’autres faits leur remontent, régulièrement, depuis ces deux semaines. « Et puis, il y a encore tout ce qu’on ne sait pas », poursuivent-elles. Un courrier a été envoyé au préfet du Territoire de Belfort ce jeudi 27 juin. Ce que la ligue demande : « Agir avec fermeté et détermination contre toutes ces formes de racisme. »
Sollicitée, la préfecture indique que la Ligue des droits de l’homme belfortaine sera reçue mardi 2 juillet pour discuter de ces sujets. Elle indique également que le préfet du Territoire de Belfort a effectué un signalement auprès de la procureure de la République au sujet de l’événement de Lepuix, au titre de l’article 40 du code de procédure pénale, qui oblige tout élu ou fonctionnaire à alerter la justice lorsqu’il constate ou a connaissance d’un crime ou d’un délit.
La montée du RN en toile de fond
Sylvie Rodier s’est engagée dans la Ligue des droits de l’homme lorsque Jean-Marie Le Pen était au second tour des élections présidentielles face à Jacques Chirac, en 2002. En 22 ans, elle a pu voir monter l’extrême-droite, notamment dans les dix dernières années. Elle analyse les facteurs, notamment les attentats en France, qui ont poussé les amalgames. « L’état d’urgence permanent. » Et puis la colère des populations de ne pas être entendus par l’État depuis plusieurs années. « Le pouvoir n’entend pas. Les gens trouvent dans leur colère un bouc émissaire, un défouloir. Et c’est toujours l’autre. Celui qui n’a pas la même couleur de peau. » Il y a eu, aussi, la crise des gilets jaunes. « Un désarroi pour les classes populaires. » Pour autant, elle reste désemparée de ce vote « souvent pas justifié ». Chantal Philippon abonde. « Il y a des endroits, dans les quartiers, où il peut y avoir des points de crispation entre les populations. Mais là, le vote de campagne, où il y a peu d’insécurité, si ce n’est quelques cambriolages, est incompréhensible. »
Les élections européennes, avec le RN en tête partout en France, a décomplexé des postures, des agissements, selon les deux bénévoles. « Le préfet doit absolument prendre des mesures fortes pour empêcher cette montée du racisme. Il faut aussi dire aux gens de ne pas rester dans leur coin, en parler pour que les personnes puissent être suivies par nous. Pareil pour les témoins, il faut faire remonter. Intervenir si on s’en sent capable. »
Au niveau national, la Ligue des droits de l’homme est submergée de plaintes pour des faits à caractère raciste et antisémite depuis deux semaines. À Belfort, la ligue déborde également de dossiers. « Avant décembre, on voyait 4 à 6 personnes par semaine. Depuis la loi immigration, environ 8 personnes par semaine. Là, ce mercredi, on a vu 10 personnes en une journée. »