Avec AFP
« Le ministère de l’Intérieur a décidé de changer le lieu d’assignation à résidence de M. M., actuellement présent à Lure. Ce changement est effectif immédiatement », a indiqué le préfet Romain Royet dans un communiqué. Le maire socialiste de la ville, Éric Houlley, avait demandé le 17 février dans un courrier adressé au Premier ministre François Bayou de prendre ses « responsabilités en rassurant la population (…) par des mesures appropriées » et d’agir « en urgence pour éviter de figer un climat ambiant mêlé d’effroi, de défiance et de colère ». Mercredi, il avait indiqué vouloir commencer une grève de la faim ce samedi si l’Etat ne réagissait pas (lire ici). Celui-ci regrettait amèrement d’être la cible d’une campagne de déstabilisation (lire ici) et demandait à l’Etat de prendre ses responsabilités sur ce dossier.
« Le choix des lieux d’assignation appartient au seul ministère de l’Intérieur: à Lure comme dans le nouveau lieu d’assignation, le choix se fait d’abord en fonction d’impératifs de sécurité pour garantir une surveillance étroite et permanente », précise le préfet, ajoutant que le maire de Lure a été informé de ce changement.
« Des raisons opportunistes et électoralistes »
M. Houlley a quant à lui indiqué vendredi à l’AFP qu’un rassemblement citoyen prévu samedi à 11H00 à Lure serait maintenu, ajoutant qu’il attendait toujours que l’« État (l’)informe officiellement » de sa décision de changement de lieu d’assignation et que « l’État réhabilite le rôle (qu’il a) eu dans cette affaire ». « J’ai été dans l’oeil du cyclone, soupçonné d’avoir implanté cette personne » alors que « je me suis toujours opposé » à la décision de l’assigner à Lure, a-t-il ajouté. Il regrette par ailleurs d’avoir été la cible « d’une campagne de haine » pour « des raisons opportunistes et électoralistes et pour jouer sur les peurs et les registres habituels du Rassemblement national ».
Karim Mohamed-Aggad, 34 ans, est le frère de Foued Mohamed-Aggad, l’un des tueurs du Bataclan, mort lors de l’attentat du 13 novembre 2015 à Paris. Fiché S, il avait été condamné en mai 2017 à neuf ans de prison par la cour d’appel de Paris pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste », après avoir passé plusieurs mois en Syrie en 2013 et 2014, selon le quotidien régional L’Est Républicain. Après avoir purgé sa peine, il a de nouveau été condamné à six mois de prison pour le non-respect des mesures de surveillance qui lui étaient imposées.
Il a été déchu de sa nationalité en novembre 2023 et placé au centre de rétention administrative de Metz, puis assigné à résidence à Lure fin juin 2024 par arrêté du ministre de l’Intérieur. De père algérien naturalisé français et de mère marocaine, Karim Mohamed-Aggad a « automatiquement acquis (la nationalité française) par l’effet du décret de naturalisation de son père », avait indiqué son avocat Matthieu Bagard. Mais il est actuellement « de fait dans une situation d’apatridie »: sans document d’identité, il n’a plus la nationalité française et ni Alger ni Rabat « ne reconnaissent formellement » qu’il est l’un de leurs ressortissants, avait-il souligné auprès de l’AFP.
Cédric Perrin et Olivier Rietmann réagissent
Karim Mohamed-Aggad, fiché S et assigné à résidence à Lure depuis juin 2024, a été éloigné de la commune ce vendredi 28 février. La décision a été saluée par les sénateurs Les Républicains Cédric Perrin (Territoire de Belfort) et Olivier Rietmann (Haute-Saône), qui avaient saisi le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau.
« Ce dossier n’était pas simple puisque son pays d’origine a refusé de reprendre son ressortissant », explique Cédric Perrin. Son collègue Olivier Rietmann ajoute : « Nous avons pu sensibiliser le ministre sur l’impérieuse nécessité de transférer cet individu dont la présence suscitait de vives inquiétudes. »
« Les élus se réjouissent donc du départ de cet individu qui permettra aux habitants de retrouver la quiétude de leur village. Enfin, ils espèrent que les négociations que mène le Ministère depuis plusieurs mois avec les pays d’origine permettront ensuite d’expulser la totalité des étrangers qui menacent la sécurité nationale », ajoutent-ils dans leur communiqué.