2 juin. Le colonel Philippe Le Duc devient le 120e chef de corps du 35e régiment d’infanterie (35e RI), plus ancien régiment en garnison dans la même ville (lire notre article) ; cela fait 150 ans qu’il est attaché à Belfort. Il succède au colonel Thibaut de Lacoste Lareymondie (lire notre article), en poste depuis deux ans, le temps de passage d’un chef de corps. Le colonel Philippe Le Duc arrive de l’état-major du commandement des forces terrestres. Cette structure « est responsable de toute la préparation opérationnelle des forces terrestres », détaille l’officier supérieur. Cet état-major doit définir à quoi on doit s’entrainer. Et comment. Les schémas d’engagement bougent drastiquement ces dernières années, tournée autour de la guerre opposant des forces conventionnelles aux moyens élevés et équivalents, comme en témoigne le conflit en Ukraine depuis février 2022. Avant, l’engagement français relevait plus souvent de la gestion de crise ou de la lutte anti-terroriste.
Dans les guerres dites asymétriques, l’engagement est celui de petits détachements. « Dans un combat de haute intensité, l’échelle est plus grande, explique le colonel. On est plutôt à l’échelle de la brigade ou de la division, avec plus de masse, de profondeur ou de durée d’actions. » L’attrition est y considérable et la consommation de matériel également. Lors de son passage à Lille, il a remis à plat les nouveaux concepts stratégiques et redéfini les préparations nécessaires. Des préparations qui ont existées. Mais elles remontent à la Guerre froide. Et à cette époque, la France n’était pas dans le commandement intégré de l’organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan) ; le général De Gaulle l’avait quitté en 1966 et le retour est effectif depuis avril 2009.
Déjà un passage à Belfort
Le colonel Philippe Le Duc est déjà passé par le 35e RI (2004-2011), comme commandant de section et commandant de compagnie, avec les grades de lieutenant et de capitaine. Il avait choisi Belfort à sa sortie de l’école d’infanterie. « J’ai une réelle fierté de commander là où j’ai été lieutenant, où j’ai porté le drapeau comme présidents des lieutenants », confie-t-il. Le CV du nouveau chef de corps est dense, notamment en termes d’opérations extérieures : Liban, Afghanistan, Émirats Arabe Unis, Sahara Occidental… « J’ai fait beaucoup de missions différentes, confie-t-il, modestement, ce qui a enrichi ma culture opérationnelle » Il a été dans des forces pré-positionnées, en appui. Il a participé à des missions de l’Otan ou à des missions Casques bleus.
« À présent, nous devons apprendre à travailler ensemble », explique le colonel Philippe Le Duc. Il faut donc des « procédures » communes et les éprouver. Dans ce schéma, une brigade française pourrait très bien être intégrée à un corps d’armée américain. Il faut donc apprendre à travailler avec des unités internationales, mais aussi faire cohabiter, par exemple, des unités de l’infanterie mécanisée, comme le 35e RI avec le véhicule blindé de combat d’infanterie (VBCI), avec des chars Leclerc, dont l’emploi initial était pensé en commun. Ça ne l’était plus ces dernières années.
300 militaires du 35 en Roumanie
Début juillet, le nouveau chef de corps change de cadre. Direction la base de Cincu, dans le centre de la Roumanie, où il prend la tête du bataillon multinational, dans le cadre de la mission Aigle. 300 militaires du 35e RI y seront déployés, dont l’une des quatre compagnies de combat du régiment, ainsi que des éléments de commandement et de logistique. Selon l’état-major des armées (infographie ci-dessous), le bataillon compte environ 700 hommes, dont 600 français (85,7 % des effectifs). Les militaires du 35e RI seront notamment appuyés par un escadron du 1er régiment de chasseurs, doté de chars Leclerc, d’éléments du 19e régiment du génie de Besançon ou encore d’éléments du 1er RA, dont des lance-roquettes unitaires (lire nos articles). Il y aura aussi des effectifs belges, luxembourgeois et hollandais.
La mission vise « à montrer la cohésion de l’Otan et à renforcer les dispositifs de nos alliés », indique le colonel Philippe Le Duc, en l’occurrence, ici, la Roumanie, frontalière de l’Ukraine et qui se défend d’une agression russe. Elle vise aussi au « renforcement de la posture dissuasive et défensive de l’Otan », replace le ministre des Armées. C’est une unité avancée, prête à être engagée si besoin.
La mission Aigle a été engagée dès le 28 février 2022, d’abord avec une force de réaction rapide qui a permis de déployer 500 hommes en quelques jours. Puis la mission s’est consolidée au fur et à mesure du printemps 2022, armée notamment par la 7e brigade blindée, dont l’état-major est à Besançon (Doubs). Dès leur arrivée, des entraînements sont prévus, en interne du bataillon, pour coordonner toutes les forces de l’unité, puis avec les alliés roumains et d’autres unités otaniennes.
Recrutement
L’officier sera de retour dans la cité du Lion à l’automne. Il poursuivra l’effort sur le recrutement, en développant « l’attractivité ». Le réengagement du régiment sera un facteur positif pour attirer des candidats, car l’entraînement porte « sur le cœur de métier », convient l’officier. Il veut aussi gonfler les effectifs de la réserve opérationnelle et, forcément « consolider la capacité à nous engager ».
Un dossier qu’il connait parfaitement, compte tenu de sa précédente affectation. Une volonté qui fait surtout écho au colonel immortel du 35e RI, le colonel Maud’Huy. « La préparation des troupes au combat lui tenait à cœur », rappelait à son égard le colonel Jean Augier, ancien chef de corps du 35 (lire notre article), et qui a valorisé le testament du colonel Maud’Huy, dont la caserne belfortaine porte aujourd’hui le nom. Au cours de l’été, une autre compagnie belfortaine sera projetée, à la Réunion. Et une dernière sera affectée à des missions Sentinelle.