Mercredi 24 septembre, l’association a tenu son assemblée générale. À sa tête, Jacques Rambur, ancien salarié d’Alstom, continue de porter la voix des victimes. Il a travaillé plus de quarante ans dans l’usine de Belfort, où il a vu des collègues tomber malades à cause de l’amiante. « On faisait des boules de neige avec l’amiante à l’époque. On n’avait pas conscience de la dangerosité », racontait-il déjà l’an dernier (lire ici).
Depuis huit ans, il se bat avec d’autres bénévoles pour aider les victimes à faire reconnaître leurs maladies professionnelles. L’association les aide à remplir les formulaires, à réunir les preuves, puis les accompagne devant la justice pour faire reconnaître la faute inexcusable de l’employeur.
Une avocate aux côtés de l’association
À ses côtés, l’avocate Marie Fleury, du cabinet parisien TTLA connu pour ses batailles dans la reconnaissance des maladies professionnelles, accompagne l’association depuis huit ans. Originaire de Franche-Comté, elle insiste sur le caractère particulier de ce partenariat. « Quand j’ai rencontré Jacques, il m’a dit qu’il détestait les avocats », sourit-elle. « Et moi, de mon côté, je ne comprenais pas pourquoi il n’y avait pas plus de dossiers liés à des maladies professionnelles dans un bassin industriel comme celui-ci. Depuis, nous travaillons main dans la main.»
Leur collaboration repose sur une volonté commune : ne pas laisser les victimes seules face à des procédures longues et techniques. « Nos adversaires, ce sont bien sûr les grandes entreprises comme Alstom, General Electric ou Peugeot, mais aussi la Caisse primaire d’assurance maladie », souligne l’avocate. Car c’est d’abord la Sécurité sociale qui statue sur la reconnaissance des maladies professionnelles. . Ces batailles, souvent longues, ouvrent la voie à des indemnisations.
Des victoires judiciaires malgré des batailles longues
Parmi les succès récents, Marie Fleury cite la reconnaissance d’une BPCO professionnelle. La broncho-pneumopathie chronique obstructive est une maladie respiratoire grave qui entraîne une obstruction progressive des bronches. Longtemps associée au tabac, elle peut aussi résulter d’expositions industrielles, notamment dans la sidérurgie ou la fonderie. « Jusqu’à présent, même les médecins considéraient ces pathologies comme exclusivement liées au tabac », rappelle l’avocate. « Notre victoire a été de démontrer scientifiquement leur lien avec certaines expositions professionnelles. »
Autre dossier emblématique, celui d’une adhérente atteinte d’un cancer broncho-pulmonaire. La difficulté tenait aux délais d’exposition exigés par la réglementation. « Pour ce type de cancer, il faut prouver dix ans d’exposition à l’amiante. La caisse refusait donc la reconnaissance au titre du tableau de maladie professionnelle », raconte Marie Fleury.
L’association a choisi une autre stratégie : faire reconnaître d’abord la présence de plaques pleurales, marqueurs caractéristiques d’une exposition à l’amiante, permettant une requalification du dossier. Après plusieurs années de procédure, la Cour d’appel de Besançon a finalement reconnu la maladie professionnelle au titre du tableau d’origine. « C’est une longue bataille, mais aujourd’hui nous poursuivons en faute inexcusable contre l’employeur », précise l’avocate.
Reconnaître davantage de maladies
Pour Jacques Rambur comme pour Marie Fleury, l’enjeu est désormais d’élargir la reconnaissance à d’autres maladies. Certaines pathologies, comme les leucémies liées au trichloréthylène ou certaines BPCO hors des cas prévus par la loi, ne rentrent pas dans les « tableaux » de la Sécurité sociale. « Dans ces cas, nous devons démontrer un lien direct et essentiel entre l’exposition professionnelle et la maladie, ce qui est un travail titanesque », souligne l’avocate. Et ce, parfois contre l’avis de médecins qui priorisent d’autres facteurs de risque.
Au-delà des tribunaux, l’Adevam-FC joue aussi un rôle de sensibilisation. Beaucoup de médecins généralistes ne sont pas formés à la reconnaissance des maladies professionnelles. « Ce n’est pas un manque de bonne volonté, mais un manque de temps et d’outils », rappelle Marie Fleury. L’association s’efforce donc de combler ce vide, en lien avec l’Ordre des médecins.
L’autre mission, c’est d’informer le grand public. Après avoir diffusé l’an dernier 70 000 brochures sur l’amiante dans le Grand Belfort, l’association veut élargir sa campagne à tout le nord Franche-Comté. « L’amiante tue encore », martèle Jacques Rambur. « Nous aimerions que ce ne soit plus le cas, mais la réalité est tout autre. »