Le conseil d’administration du Mattern Lab a décidé, le 2 avril, de mettre en œuvre les actions afin de commencer la liquidation de l’association. La décision revient à l’assemblée générale de l’association. Elle sera réunie « dans les semaines qui viennent », peut-on lire dans un mail de Kévin Appointaire, président par intérim de l’association depuis septembre 2023, à l’ensemble des adhérents et des partenaires du Mattern Lab, que Le Trois a pu consulter.
Le Mattern Lab (nos articles) est né en 2017, lorsque Pays de Montbéliard Agglomération (PMA) construit son projet, avec le Grand Belfort, de Territoire d’innovation et de grande ambition (Tiga). En septembre 2019 (lire notre article), le projet du nord Franche-Comté est l’un des vingt-quatre projets nationaux retenus. Vingt-neuf actions avaient été définies, représentant un budget prévisionnel de 69 millions d’euros. Les aides de l’État via le TIGA représentaient alors 4,8 millions de subventions et 11,1 millions d’investissements de l’État. Le Mattern Lab faisait partie de ces projets. L’idée était de « créer un écosystème pour les PME du nord Franche-Comté, pour monter en compétence sur l’industrie 4.0 », replace Kévin Appointaire, joint ce vendredi matin, par téléphone. Le site devait aussi jouer un rôle « dans le domaine de la formation et de l’insertion », rappelle le Mattern Lab dans son courrier de jeudi. L’association a été créée en 2020. La soirée de lancement a été faite en janvier 2023. Dès 2022, le site accueille des manifestations, dont le festival des innovations Inouih. Un fab lab a été installé en février 2023. Et la nouvelle Peugeot E-3008 a été présentée en grande pompe en septembre 2023. Le nom du lieu était un hommage à Ernest Mattern, le penseur de l’usine sochalienne dans les années 1920.
Loyer trop élevé
Le bâtiment, ancien atelier de l’usine PSA, a été réhabilité par la société d’économie mixte de l’immobilier d’entreprises, SEM PMIE. Le bâtiment a été livré au printemps 2022. Selon Didier Klein, président de la structure, ce sont 8,5 millions d’euros qui ont été engagés pour rénover la structure et installer notamment des bungalows, à l’intérieur, afin d’accueillir les locataires.
« Dès l’hiver 2022, nous avons commencé à voir que l’équilibre financier n’était pas bon », note Kévin Appointaire, notamment « grevé par le loyer ». L’association regrette que le loyer payé était le même que celui des entreprises alentours. 55 euros le m2, avance la SEM PMIE. Il regrette aussi un coût du chauffage exorbitant, même avant la crise énergétique, et des problèmes de renouvellement d’air non traité dans les bungalows, qui ont précipité le départ de start-up, entraînant mécaniquement une perte de revenus.
Des premiers échanges se nouent à la suite de ces premiers déboires. Le préfet du Doubs est mis dans la boucle. Aucune solution n’émerge. Jean-Charles Lefebvre, alors président de l’association et initiateur du projet, ne trouve pas « d’oreilles attentives », regrette Kévin Appointaire. Il démissionne l’été dernier. Du côté de l’association, on a le sentiment que les autres parties ne « voulaient pas avancer ». Kévin Appointaire admet que tout n’a pas été bien fait. Mais que les indicateurs sont là : de nombreuses actions ; une quarantaine d’adhérents… Sauf les start-up, qui manquent à l’appel convient-il. Mais, dans son mail, Kévin Appointaire regrette surtout d’avoir consacré « beaucoup d’énergie à batailler pour faire vivre et survivre l’association face à ces problèmes immobiliers » et non pas à la déployer pour faire vivre cet outil. « Devant la charge financière que constituent les problèmes évoqués, ajoute-t-il, il serait impensable pour nous, de laisser vivre cette association, en usant jusqu’au bout les fonds publics. Ce ne serait pas éthique. »
Modèle économique
Un fin connaisseur du milieu économique montbéliardais estime « que l’on s’est trompé d’endroit » en installant ce type de structure à proximité de l’usine Stellantis. Tout en ajoutant que les échanges avec le constructeur et sa participation, envisagés au départ, n’ont jamais eu lieu. « Les relations avec Stellantis ont été moins optimales que prévues », acquiesce, dans une litote, Didier Klein.
L’élu se défend de ne pas avoir été présent. Et souligne que les promoteurs du projet ont pu construire ce qu’ils voulaient et que la SEM a payé. « À mon avis, le modèle économique, tel qu’imaginé, n’a pas été vraiment réalisé », note-t-il, tout en glissant sa surprise quant à cette décision. Surprise similaire du côté de Charles Demouge, président Les Républicains (LR) de Pays de Montbéliard Agglomération (PMA), qui croyait qu’une solution se dessinait en réduisant la surface du Mattern Lab, avec la construction d’un mur, qui aurait permis de louer l’autre partie et de réduire les coûts pour l’association. Didier Klein rappelle aussi qu’une partie des coûts d’investissements n’avaient pas encore été répercutés sur le loyer de l’association, comme l’installation des bungalows, ce qui aurait rendu un déménagement délicat. Celui-ci a été envisagé à Numerica ; si tel avait été le cas, un reliquat aurait été demandé à l’association pour payer les investissements indique Charles Demouge.
En dehors de l’investissement dans le bâtiment, ce sont aussi des subventions du conseil régional ou encore de PMA qui ont été injectés, de plusieurs centaines de milliers d’euros, selon plusieurs sources. Aujourd’hui, ce bâtiment est vide. « C’est une perte en plus », déplore Didier Klein, qui l’estime à 140 000 euros annuel, en cas d’absence de loyer. Il faut lui trouver une nouvelle destination.
L’amertume est forte chez l’association. Et c’est le sentiment d’un énorme « gâchis » qui prédomine dans la voix de nombreux acteurs économiques et politiques du pays de Montbéliard.