Avec AFP
“Ce n’est plus une question de négociation financière entre GE et EDF, mais plutôt géopolitiques entre les États-Unis, la France et la Russie”, a déclaré Robert Poggi, directeur à l’Action régionale du groupe EDF en Bourgogne-Franche-Comté, interrogé sur le dossier dans le cadre d’une conférence de presse sur les enjeux et perspectives du groupe EDF en Bourgogne-Franche-Comté en 2024.
Les turbines Arabelle, fabriquées par GE, sont un équipement essentiel des centrales nucléaires. Mais la présence parmi les clients de GE du groupe russe Rosatom semble être un obstacle à la finalisation de la transaction, du fait de l’invasion russe en Ukraine et des sanctions qui en ont découlé pour Moscou. Depuis le rachat d’Alstom par General Electric, des composants américains sont présents dans la turbine Arabelle, dont le contrôle commande ; c’est l’un des points bloquants en cas de relations commerciales avec Rosatom si des sanctions états-uniennes sont prises contre la Russie sur le nucléaire civil.
“C’est une question d’État à État”, a repris Robert Poggi. “On reste confiant. On ne maîtrise pas le calendrier”, a ajouté le dirigeant, évoquant également les élections américaines, dont le résultat et la campagne peuvent avoir des conséquences sur le rachat. “On n’abandonne pas”, a-t-il dit. Lors d’une table ronde sur les défis du programme nucléaire français, le 14 mars (à retrouver ici), un cadre de l’entité nucléaire de General Electric avait confirmé que “la volonté de rapprocher l’établissement de General Electric qui fabrique à la turbine Arabelle à EDF est toujours présente. Elle a été reconfirmée cette semaine des deux côtés”.
Tension et méfiance
Les salariés de GE à Belfort font part de leurs inquiétudes depuis plusieurs mois face à cette situation qui s’enlise. Plusieurs élus LR locaux ont également regretté dans un communiqué commun publié la semaine passée que le dossier “ne semble pas avancer”. “Aucun élément n’est communiqué, ce qui génère un climat de tension et de méfiance sur le site de Belfort”, avaient ainsi constaté le maire de Belfort Damien Meslot, le député Ian Boucard, le sénateur Cédric Perrin et le président du conseil départemental Florian Bouquet.
Ce mardi 26 mars, le député La France Insoumise Florian Chauche a adressé une question écrite à Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, sur ce dossier. “On peut légitimement s’inquiéter de cette absence de visibilité”, écrit-il, évoquant par ailleurs “la casse sociale et industrielle” de General Electric dans d’autres secteurs, notamment l’éolien. “Quelle seront les possibilités commerciales de la future entité d’EDF si les produits vendus par celle-ci contiennent des composants américains et donc soumis au droit américain ?” questionne-t-il notamment. Il sollicite aussi le ministre pour savoir s’il y a “un plan B” en cas de dysfonctionnement avec Rosatom. Florian Chauche “demande quelles garanties [Bruno Le Maire] peut donner non seulement sur la poursuite, mais plus encore sur le développement de l’activité rachetée par EDF”.
Selon des sources syndicales, le rachat prévu concerne environ 3 400 salariés dans le monde, dont quelque 2 500 en France, parmi lesquels plus de 1 300 se trouvent à Belfort. EDF et GE avaient annoncé en février 2022 “un accord d’exclusivité” pour discuter du rachat par l’énergéticien français de GE Steam Power, branche nucléaire du conglomérat américain. Le président Emmanuel Macron annonçait alors, depuis Belfort, la relance d’un vaste programme nucléaire français.
En 2015, la branche énergie d’Alstom avait été acquise par GE, au terme d’une longue polémique politico-économique engagée au printemps 2014. Emmanuel Macron était ministre de l’Economie lors de la finalisation de l’opération.