À la suite de l’annonce de la direction de PSA de son intention de généraliser le télétravail pour les activités hors production, la CFDT a lancé une enquête pour sonder les salariés. Et 56 % des répondants sont défavorables au projet de télétravail massif. Ce taux est encore plus marqué à Sochaux.
À la suite de l’annonce de la direction de PSA de son intention de généraliser le télétravail pour les activités hors production, la CFDT a lancé une enquête pour sonder les salariés. Et 56 % des répondants sont défavorables au projet de télétravail massif. Ce taux est encore plus marqué à Sochaux.
Le 6 mai, PSA annonce vouloir faire du télétravail « la référence » pour toutes les activités hors production. Une annonce qui surprend tout le monde, notamment les syndicats, qui critiquent « la méthode », relève Christine Virassamy, déléguée syndicale centrale de PSA Groupe, rattachée au site de Rennes. « PSA a mis la charrue avant les bœufs », estime-t-elle à l’occasion d’une conférence de presse en visio-conférence, organisée lundi 22 juin, où le syndicat a restitué ses résultats de son sondage.
Avant le confinement, 18 000 personnes étaient concernées par le télétravail. Une partie était contractualisée (des primes d’installation sont prévues), l’autre était une expérience de travail à distance, quelques jours par semaine, mais sans contrepartie. Avec le confinement, 38 000 personnes étaient en télétravail. Et chez PSA, qui emploie 200 000 personnes dans le monde, 80 000 personnes pourraient être concernées par une telle mesure de mise en place d’un télétravail massif. La CFDT voit dans cette annonce une volonté de « baisser les coûts », de « diminuer les frais de structures » et de réduire « l’empreinte bâtimentaire » du constructeur automobile. Le coût des bureaux et la volonté de le diminuer est particulièrement vrai en région parisienne remarque Benoit Vernier, délégué syndical du site de Sochaux.
À Sochaux, 61 % contre le télétravail
Face à ce sujet « sensible », dixit Christine Virassamy, la CFDT a décidé de sonder les salariés pour connaître leurs positions. 10 000 personnes ont été interrogées, de manière anonyme, principalement dans le secteur de la R&D et des achats, sur les sites de Sochaux-Belchamp, Velizy, Poissy pôle tertiaire et Carrière-sous-Poissy. La CFDT a reçu 3 372 réponses ; 27 % des réponses viennent de Sochaux-Belchamp et 43 % des réponses de Vélizy, deux centres importants de R&D. Et les deux tiers des répondants sont des cadres. « Le taux de retour est énorme, apprécie le syndicat. Ce sujet est très important pour les salariés. » Dans les répondants, 99 % ont une expérience du télétravail, mais 39 % l’ont expérimenté à l’occasion de la crise sanitaire.
56 % des répondants sont défavorables – 29 % sont plutôt pas d’accord et 23 % ne sont pas du tout d’accord – au projet de télétravail massif. « Nous sommes au-delà de l’erreur de mesure », remarque Hervé Hottois, du site de Velizy. Quand on regarde les réponses du site de Sochaux, ce sont même 61 % des répondants qui sont défavorables. Ce qui pose problème, c’est la durée envisagée de télétravail. Les trois quart des répondants ne veulent pas aller au-delà de 3 jours. « La CFDT est favorable au travail à distance, modère Hervé Hottois, mais c’est une question de dosage. Trop de télétravail tue le télétravail. » Si la direction estime que des gains de productivité peuvent être réalisés, les salariés qui ont répondu estiment à 53 % que cela nuira à la réalisation des objectifs individuels.
Le télétravail n’est pas adapté à tous
Les avantages liés au télétravail concernent l’absence de temps de transport, les économie sur ces frais de transport et les gains de concentration. À rebours, peu estime que cela motive. Sur la concentration, Hervé Hotois estime qu’il faut surtout la mettre en parallèle avec la dégradation des environnements de travail des activités tertiaires, liées aux open space, qui sont de plus en plus bruyants. La perte de lien social et l’isolement inquiètent les salariés. Un tiers craignent même le développement de risque psycho sociaux. Dans les témoignages transmis, des salariés redoutent encore plus une « opacité sur les promotions et autres évolutions de carrière ». « Il faut réintégrer l’humain et non isoler (confiner) les collaborateurs », note un autre.
Des discussions sont attendues sur la prise en charge du matériel informatique, les coûts d’électricité. Le syndicat estime également qu’il y a une inégalité entre les salariés, vis-à-vis du logement et des conditions de travail à domicile, alors que de venir au bureau installe tout le monde sur le même pied d’égalité.
Le télétravail, un pas vers l'externalisation ?
Pour le syndicat, les taux de réponse importants de Vélizy et Sochaux/Belchamp sont à relier « aux inquiétudes » relatives à la pérennité des sites. À Sochaux, des craintes d’externalisation vers Rüsselsheim (Allemagne) ou vers des « pays low cost », dixit Benoit Vernier, existent. Des inquiétudes persistent aussi sur le fait que les contrats des salariés PSA soient transférés vers d’autres entreprises, comme Segula ou Capgemini. On redoute que ce projet de télétravail ne soit qu’une première étape.
Dans les négociations, la CFDT formule 5 revendications : le volontariat et le principe de réversibilité ; un télétravail qui ne dépasse pas 3 jours par semaine, en moyenne ; conserver 50 % de présence collective par semaine ; des contreparties liées aux coûts ; mise en garde contre le « poussariat ». Le syndicat redoute surtout que ce projet soit intégré à la négociation d’un accord de performance, ce qui réduirait la dimension « volontariat » inscrite dans les cadres juridiques.
« Nous avons déjà du travail à distance depuis 2017, apprécié mais qui n’a pas été évalué », indique Benoit Vernier. « On a un accord très souple qui n’est pas utilisé à fond », poursuit-il. Le syndicat est prêt aux expérimentations, mais veut limiter l’effet d’aubaine de la direction de PSA. « Le télétravail ne peut pas s’imposer à tous de manière arbitraire », termine Hervé Hottois.