François Hommeril, le président de la CFE-CGC, était à Belfort, ce mardi. Il livre un regard sans concession sur l’abandon de l’industrie, tance le comportement du géant américain General Electric et milite pour mieux prendre en considération la parole des représentants des salariés dans la gestion des entreprises. Qu’ils connaissent mieux que quiconque. Entretien.
François Hommeril, le président de la CFE-CGC, était à Belfort, ce mardi. Il livre un regard sans concession sur l’abandon de l’industrie, tance le comportement du géant américain General Electric et milite pour mieux prendre en considération la parole des représentants des salariés dans la gestion des entreprises. Qu’ils connaissent mieux que quiconque. Entretien.
Le Territoire de Belfort est « démonstratif » de ce qu’a été la désindustrialisation en France ces dernières années estime François Hommeril, président du syndicat CFE-CGC, à l’occasion d’une visite dans la cité du Lion, ce mardi, afin de rencontrer la soixantaine de délégués syndicaux que compte cette organisation dans le nord Franche-Comté. « C’est poussé jusqu’à la caricature dans le cas de General Electric », tance-t-il également. Il dénonce le « cynisme absolu » du conglomérat. Fin novembre 2020, le syndicat estimait que General Electric avait supprimé 3 000 emplois depuis 2015, à la suite du rachat de la branche énergie d’Alstom. La porte est ouverte pour critiquer les pratiques d’optimisation et de maximisation fiscales, qui organisent « la spoliation des salariés ». « De leur présent et de leur avenir », rappelle-t-il.
Du présent, car ils ne profitent pas de l’intéressement des bénéfices qu’ils génèrent, comme le dénonce une procédure judiciaire engagée par la CFE-CGC et Sud Industrie (lire notre article). De l’avenir, car il y a un « défaut d’investissements », regrette le responsable syndical. « Les entreprises usent de tous les moyens pour [les] siphonner », critique, avec véhémence, François Hommeril. Ce dernier rappelle pourtant que « l’État français a son mot à dire », insiste-t-il. « Quand un État se prétend puissant, il se donne les moyens d’agir », souligne-t-il.
« Ce qui se fait ici est remarquable »
François Hommeril a profité de sa visite en Franche-Comté pour découvrir le projet Apsiis, qui vise à sécuriser et développer les compétences d’intégration du bassin d’emplois, autour de l’hydrogène et du nucléaire. Et les résultats, au bout d’un an, sont enthousiasmants (lire notre article). « Ce qui se fait dans le Territoire de Belfort est remarquable, approuve le président de la CFE-CGC. Je vais en faire la promotion. » Et de conclure : « J’apprends beaucoup ici de la capacités des membres de mon organisation à aller au-delà de leur mandat et proposer un discours de développement. »
Selon lui, cette situation résulte surtout de la structuration des entreprises. « L’intérêt de l’actionnaire n’est pas superposable à celui de l’entreprise », estime-t-il, avec le risque de diriger l’entreprise au profit des actionnaires et non de son avenir. « La désindustrialisation, ce n’est [donc] pas la mondialisation, poursuit-il. Ce sont des décisions prises par les dirigeants aux ordres d’actionnaires dont l’intérêt à court terme était la délocalisation. » Et de replacer : « L’entreprise n’est pas la propriété des actionnaires. » Un actionnaires est propriétaire d’actions. Pas de l’entreprise.
Industrie : après le discours, les actes
« Ceux qui ont le plus d’intérêt pour l’entreprise, ce sont les salariés », ajoute François Hommeril. Ils connaissent « les forces », « les faiblesses » et « les capacités » de l’entreprise. « Dans cette perspective, c’est de la responsabilité syndicale de nos militants que d’ouvrir des perspectives à l’entreprise », confie le président de la CFE-CGC, en évoquant notamment l’initiative d’Apsiis (lire ci-dessus). Il attend du politique de suivre ces initiatives. « Le discours politique a changé sur l’avenir industriel. Ce n’est pas rien, acquiesce François Hommeril. Mais le discours est une chose, la réalités et les moyens [alloués] en est une autre. »
François Hommeril cite par exemple les efforts à faire dans la recherche publique. Elle représente 2,21 % (Insee, 2017) du PIB. Si elle est au-dessus de la moyenne européenne (2,06 %), elle est loin de l’objectif fixé par l’UE à 3 % remarque le président de la CFE-CGC. L’Allemagne dépense 3,02 % de son PIB dans la recherche, la Suède 3,4 % et la Corée du Sud 4,6 % (en 2020). « Pour atteindre les 3 %, il manque 20 milliards d’euros par an », calcule François Hommeril. Et il les a trouvés ces 20 milliards. « Au lieu de mettre 20 milliards d’euros dans le CICE, qui ont dopé les marges [des entreprises]… » souffle-t-il. Surtout qu’en 2021, comme il le rappelle, jamais les entreprises n’ont enregistré autant de marges (lire ici). « Stop à ces entreprises qui ne font que couiner, blâme François Hommeril, avant de conclure : Les dispositifs qui fonctionnent, ce sont les dispositifs sophistiqués et conditionnés »