Avec l’AFP
Un bâtiment immense se dresse sur le site stratégique de la zone d’activités de l’Aéroparc. C’est celui de McPhy. Une ancienne start-up d’ingénieurs, qui a lancé la construction de son usine à Foussemagne, à quelques kilomètres de Belfort, il y a à peine deux ans.
McPhy, née des recherches du CNRS et du Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA), produit des électrolyseurs alcalins sous pression à partir d’eau et d’électricité. Plus qu’une usine, c’est une « gigafactory ». Un nom que l’on attribue à sa capacité de production : 1 gigawatt par an, destiné à des industries spécifiques telles que la sidérurgie ou la chimie. L’objectif : décarboner leur production.
Aucun représentant de l’État, en raison de la période électorale qui s’ouvre, était présent à l’inauguration de cette usine, ce jeudi 13 juin. L’entreprise a bénéficié de 114 millions d’euros d’aides publiques, dans le cadre des projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC), pour poursuivre son développement dans la filière hydrogène. Elle doit permettre à la France d’atteindre son objectif de souveraineté en matière de capacité d’électrolyse installée (6,5 GW en 2030 et 10 GW en 2035), souligne son directeur général Jean-Baptiste Lucas.
Deux pièces majeures en production
Ce jeudi 13 juin, l’usine est encore vide. La production doit démarrer d’ici un mois. Pour autant, les deux pièces majeurs qui seront produites sont dévoilées : il s’agit des structures EPU et les « stacks » (lire notre article).
Dans un premier temps, à partir de juillet 2024, l’usine produira les structures EPU (Electrolyser Process Unit) qui récupèrent l’hydrogène et l’oxygène en sortie du processus. Avec la technicité, les EPU permettront de produire 280 kg d’hydrogène par heure, sept tonnes par jour. « Il ne faut qu’un seul kilo d’hydrogène pour faire rouler une voiture pour 100 km », explique, à titre de comparaison, Romain Fliti, ingénieur chez McPhy. Leur taille ? Dix mètres de long, cinq mètres de large et sept mètres de haut. Leur poids ? 15 tonnes. À terme, le but est de produire 1 EPU par semaine.
La fabrication des “stacks” de 4 MW, le coeur des électrolyseurs où se passe la séparation de la molécule d’eau (H20), doit quant à elle débuter en 2025 sur une ligne d’assemblage automatisée. Ceux-ci feront 2m de haut, 6m de long et pèseront 30 tonnes. Contre 7 actuellement, pour les « stacks » qui étaient produits jusqu’ici en Italie.
450 emplois
10 millions d’euros ont également été versés par le fonds Maugis, pour financer la réindustrialisation de la région. Ce fonds doit permettre, aussi, des embauches massives ; ce fonds de 50 millions d’euros est issu de la pénalité de General Electric pour non création de 1000 emplois net après le rachat d’Alstom énergies en 2015. 450 emplois seront créés, à terme, à McPhy, projettent les acteurs du projet. Une centaine d’emplois supplémentaires en Allemagne et en Italie verront le jour.
À ce jour, EDF possède quelques 14% du capital. Si la société a rencontré de nombreuses difficultés techniques et financières depuis son lancement, il y a plus de 15 ans, elle affirme aujourd’hui avoir plus de 55 MW de projets signés dans le monde. Le premier client de l’usine belfortaine est le groupe allemand de distribution d’énergie HMS Oil and Gas pour un projet de 64 MW, avec une mise en service prévue fin 2025, sous réserve de la décision finale d’investissement.
Au total, la planète consomme déjà quelque 100 millions de tonnes d’hydrogène par an, produit à plus de 90% de façon très polluante en rejetant beaucoup de carbone dans l’atmosphère, car il est produit à partir du gaz méthane CH4 ; c’est le vapo-réformage. Les électrolyseurs doivent servir à produire de l’hydrogène de façon propre sans émettre de CO2, à partir d’électricité éolienne ou solaire, pour l’hydrogène vert, voire nucléaire, pour l’hydrogène décarbonné.