2024 s’annonçait pourtant très prometteur pour le projet Isthy, après plusieurs années de tergiversations. L’État annonçait un soutien à hauteur de 6 millions d’euros (lire notre article) dès janvier, Bureau Veritas rejoignait Inthy dans l’aventure (lire notre article), apportant toute son expertise en matière de qualité, d’hygiène, de sécurité et d’environnement au travail. On déverrouillait (enfin) un dossier qui avait du mal à finaliser le tour de table. Un dossier lancé en 2018, dans le cadre du plan hydrogène initié par Nicolas Hulot.
C’est que le projet était ambitieux. Isthy est un centre de tests et de certification des réservoirs d’hydrogène. Il devait être construit dans la zone d’activité des Tourelles, à Morvillars, après avoir été initialement prévu à l’Aéroparc de Fontaine. Un centre au rayonnement européen, si ce n’est international, dimensionné pour accueillir des réservoirs de grande taille, capables de stocker 20 kilos d’hydrogène à 700 bars. Un équipement qui permettait de positionner le nord Franche-Comté comme un carrefour stratégique de la filière hydrogène, offrant aussi à Forvia un site facile d’accès pour tester ses réservoirs. À l’automne 2024, le calendrier était prêt et les clients identifiés, notamment à l’international, en particulier en Asie. Bureau Veritas apportait justement sa force commerciale à ce projet (lire notre article).
Refus de plusieurs banques au projet Isthy
En ce printemps 2025, on devait avoir un premier service de tests. Le permis de construire avait été déposé. Au final, le projet, d’une vingtaine de millions d’euros, comprenait cinq bâtiments, dont un bâtiment tertiaire (bureaux et salles de tests de 1 300 m2) et quatre bâtiments de type « bunkers », qui devaient accueillir des tests plus poussés. Le centre devait disposer de treize bancs de test.
Mais ce projet ne verra jamais le jour à Morvillars. Les activités du projet Isthy sont arrêtées confirment plusieurs sources. Les promoteurs, que sont Inthy et Bureau Veritas, ont essuyé le refus de plusieurs banques pour finaliser le financement du projet. La Banque de France a même tenté une conciliation. Sans succès.
Ce projet avait pourtant reçu d’importants soutiens publics, à l’instar du conseil régional Bourgogne-Franche-Comté ; il a aussi été accompagné par le Grand Belfort. Isthy avait aussi reçu une aide du fonds Maugis (lire notre article), dès janvier 2021. Et l’État mettait largement la main à la poche, à hauteur de 25 % (lire notre article). Les mobilisations ont été fortes pour ficeler ce dossier.
Un service qui va quitter le nord Franche-Comté ?
La filière hydrogène connaît de grosses difficultés en France. C’est certain. Le marché met plus de temps que prévu à se lancer ; la guerre en Ukraine a entraîné l’augmentation des coûts de l’électricité, fragilisant les modèles économiques des acteurs de l’hydrogène et refroidissant les ardeurs des investisseurs. À l’international, les dynamiques sont pourtant fortes, notamment en Asie où des acteurs chinois, coréens ou encore japonais se positionnent. L’activité « se met en place dans le monde », notait, dans Le Trois, Jules Billiet, directeur général d’Inocel (lire notre article sur le lancement de son usine). Les experts de l’hydrogène rappellent que tous les scénarios de l’agence internationale de l’énergie indiquent qu’il n’y a pas un scénario net-zéro carbone qui fonctionne sans l’hydrogène dans le mix énergétique mondial. Et ils sont nombreux à estimer que les tergiversations politiques autour de la publication de la stratégie hydrogène, notamment vis-à-vis de la mobilité, ont renforcé les doutes, qu’illustrent ces refus bancaires.
Le projet est arrêté. Mais une machine a bien été commandée. Et sera réceptionnée. Selon nos informations, Inthy et Bureau Veritas recherchent un lieu pour l’installer. C’est Bureau Veritas qui opérera le projet.
« Cet arrêt est une erreur stratégique ! » commente une source. Elle redoute que le projet ne se développe finalement ailleurs, notamment à l’étranger. Quel « gâchis », souffle un suiveur du dossier, à l’annonce de cette nouvelle et au regard de cette perspective. Pour Forvia, c’est un nouveau coup dur. Pour l’équipementier, cette proximité du centre était un réel avantage face à la concurrence, pour réduire ses coûts de transport pour les certifications. Tout en réduisant le temps pour les obtenir. Et le nord Franche-Comté perd une infrastructure « cruciale » dans la constitution d’une filière hydrogène.
Sollicité à de multiples reprises, Dominique Darne, dirigeant d’Inthy, n’a pas répondu à nos demandes.