Patrick Baert – AFP
Le 24 février 1983, les premiers modèles de la petite voiture s’arrachent comme des petits pains dans les concessions, une réussite commerciale due largement à la ligne résolument moderne de la dernière Peugeot… et à une intense campagne publicitaire. Quarante ans plus tard, le constructeur au lion organise jusqu’au 3 septembre une exposition sur la 205 à “L’Aventure Peugeot”, le musée installé dans son berceau historique de Sochaux (Doubs).
On peut y lire en gros caractères la phrase prémonitoire d’Armand Peugeot en 1892 : “La locomotion automobile est appelée à prendre un développement énorme.” À admirer, à côté des premiers modèles rutilants de la fin du XIXe siècle : une quinzaine de 205, dont le modèle Turbo 16 avec lequel le Finlandais Ari Vatanen remporta le rallye Paris-Dakar en 1987.
Bien retapée, cette lionne du désert semble à peine sortie de l’usine. Le constructeur doit une fière chandelle à cette petite voiture, sortie alors que le tout jeune groupe PSA (devenu depuis Stellantis) venait d’absorber ses concurrents Citroën et Chrysler Europe et croulait sous les dettes. Le groupe, qui n’a pas vu venir la baisse de la demande dans la foulée des chocs pétroliers, doit répondre aux défis de ses principaux concurrents : la R5 de Renault et la Golf de Volkswagen.
Secret mais moche
“Dans le plus grand secret”, Peugeot entreprend en juillet 1978 de travailler sur un nouveau projet, avec un cahier des charges exigeant : un petit modèle performant à prix serré qui plaise au plus grand nombre, qui rajeunisse l’image de la marque et puisse être produit sur une plateforme existante, rappelle Hervé Charpentier, le conservateur du musée.
C’est là où le bât blesse. Avec la plateforme du précédent petit modèle, la 104, le constructeur est incapable de sortir un véhicule aux lignes modernisées. Le designer Gérard Welter (décédé en 2018 à l’âge de 75 ans) va le prouver “par l’absurde” en sortant un prototype aux lignes vieillottes, sorte de 104 en plus gros et plus moche. Cet essai délibérément raté est exposé à Sochaux à côté d’une vraie 205 sortie à la date historique du 24 février 1983. “C’était la preuve qu’il fallait changer de style. Pour la première fois, le style allait s’imposer à la technique”, raconte M. Charpentier.
Les dirigeants du groupe se laissent convaincre d’investir 625 millions de francs dans une nouvelle chaîne de fabrication. Le nouveau patron du groupe, Jacques Calvet (décédé en 2020 à l’âge de 88 ans), tout juste arrivé de la BNP en 1982, persuade ses banquiers de financer le lancement. Les premiers exemplaires seront produits à Mulhouse. Devant le succès du petit modèle, d’autres sortiront des chaînes à Sochaux, Poissy et à Villaverde (Espagne).
Triomphe immédiat
Car le triomphe est immédiat : dès le premier jour, les clients se ruent dans les concessions. Anticipant la demande, Peugeot leur avait livré des dizaines de milliers d’exemplaires depuis le début de la fabrication en novembre 1982. La veille, Peugeot avait lancé son modèle rallye T16, qui collectionnera les victoires.
“Tout ce qui se passe en compétition donne une aura à la voiture de tourisme”, se souvient M. Charpentier. La production battra au final les records du constructeur, avec 5,278 millions d’exemplaires écoulés entre 1983 et l’arrêt de la fabrication fin 1998. Peugeot fera mieux ensuite avec la 206, première héritière de la 205. De quoi faire rêver nombre de millenials qui ont grandi dans la 205 de leurs parents.
Aujourd’hui, certains n’hésitent pas à débourser plusieurs dizaines de milliers d’euros pour un modèle de collection. La 205 était d’ailleurs l’an dernier la voiture ancienne (plus de 30 ans d’âge) la plus vendue dans l’Hexagone, avec plus de 8 000 transactions, devant la 2CV, selon les chiffres du cabinet NGC-Data publiés fin janvier par L’Argus (lire notre article). D’autres font retaper à prix d’or leur modèle familial dans l’atelier ouvert par Peugeot juste à côté du musée. C’est le cas d’une version “Griffe”, une série limitée produite à 1. 00 exemplaires, que l’atelier rénove pour pouvoir l’exposer au musée: “ça représente 2 000 heures de travail. Au moins 90% des pièces sont d’origine”, explique le patron de l’atelier Eric Barthelat. Pas question pour autant de ressusciter la 205, comme d’autres marques comme Fiat ou VW ont pu le faire avec leurs modèles mythiques. “La 205 appartient à son temps”, tranche M. Charpentier.