Vingt ans de mécénat. Aux Eurockéennes de Belfort, la loi Aillagon a permis aux entreprises de faire des dons défiscalisables à 60%, si elles soutiennent des structures via le mécénat. Les critères : un don entre 5 000 euros et jusqu’à 2 millions d’euros, qui doit être non lucratif et servir à l’intérêt général. 150 mécènes soutiennent le festival des Eurockéennes. Par des dons financiers, mais aussi en accompagnant les projets d’accessibilité du festival, par exemple, via des dons en nature ou en compétences.
Frédéric Adam, responsable du pôle partenariat se remémore : « Quand j’étais stagiaire, je me suis proposé pour gérer le club des partenaires. Des partenaires qui se sont investis, qui ont fait des dons. C’était précurseur, ils n’avaient pas d’avantages fiscaux. » Aujourd’hui, cela est structuré, plus professionnel. Les Eurocks ont tissé des liens forts. Avec ceux qu’ils appellent les grands mécènes : le Crédit Agricole, Optymo, Mercedes, par exemple. Mais aussi de plus petites entreprises, dans le territoire. Elles sont nombreuses dans le Territoire de Belfort. « On essaye de convaincre en expliquant qu’ils contribuent à faire vivre leur territoire. Chaque don est important, même quand il s’agit de quelques milliers.»
Aujourd’hui, les dons des mécènes représentent 20% du budget total des Eurockéennes. Et le lien ne s’est pas terni avec les années. Pendant le covid, ils ont continué à soutenir largement le festival. Idem lorsque deux journées ont été annulées à cause de l’orage, l’année dernière. « Sur les 150 mécènes, seul deux ou trois ont tiqué. Les autres n’ont rien réclamé. » S’il parle de réclamation, c’est parce que les mécènes bénéficient de contreparties pendant le festival: des billets, un espace VIP, une plateforme surélevée pour les concerts, un village mécène, où ils peuvent se rencontrer et discuter. C’était d’ailleurs l’idée de base lors de la création du festival en 1989 par le conseil général : créer du lien, des rencontres, et ce, notamment pour les entreprises, rappelle Frédéric Adam.
« Les festivals en ont besoin à tout prix »
En France, 108 000 entreprises sont mécènes. Yann Queinnec, délégué général de l’association Admical, dédiée au mécénat en France, explique que malgré les craintes d’une chute du mécénat en France avec la guerre en Ukraine, cela n’a pas tant joué. En treize ans, le nombre de mécènes a quadruplé, explique-t-il. 9% des entreprises sont mécènes, avec un don moyen de 8 000 euros. La pente est ascendante, depuis l’arrivée de la loi. Mais elle pourrait croître encore, selon lui, si elle ne souffrait pas d’une « perception négative, de méfiance ». Notamment parce que le mécénat est « parfois vu comme une niche fiscale ». « Tout ce système est loin d’être acquis, le sujet est chalengé par les pouvoirs publics qui questionnent la rentabilité de la défiscalisation », remarque Yann Queinec. « Pourtant, les festivals en ont besoin à tout prix », complète-t-il. Il voit les lois évoluer pour réguler. Depuis 2019, les entreprises qui donnent plus de deux millions d’euros ne bénéficient plus d’une déduction fiscale aussi importante.
Sur le sujet, les avis convergent : le mécénat est essentiel pour l’avenir de la culture, peu importe la manière dont il est vu. Pour Fleur Pellerin, ancienne ministre de la Culture sous François Hollande, il y a de bonnes et de mauvaises niches fiscales. « Celle-ci a un réel intérêt: il y a des retombées économiques intéressantes pour les territoires ». Pour Sylvie Laurent, DHR du Crédit Agricole Franche-Comté, le mécénat, plutôt qu’une niche, est plutôt un moyen de « contribuer au développement du territoire », de « montrer son ancrage sur celui-ci ». Yann Queinnec complète : « Le mécénat est aussi un moyen de s’aligner sur les objectifs de responsabilité sociétale des entreprises ».
Pour les Eurockéennes, l’objectif est de maintenir les partenariats avec les mécènes, et de développer encore ce réseau. Notamment parce que de nombreux dirigeants d’entreprises mécènes, qui ont adhéré il y a vingt ans, partent à la retraite. « Il faut faire de la pédagogie pour convaincre les repreneurs », détaille Frédéric Adam. Mais la tâche est essentielle. « Sans le mécénat, les billets coûteraient 15 à 20 euros de plus. » Pour conclure, il déclare en riant : « Et ne vous inquiétez pas, les Eurocks n’ont pas été créés pour blanchir l’argent. »