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Les pompiers belfortains en grève pour préserver leurs acquis sociaux

Les pompiers du Territoire de Belfort ont déposé un préavis de grève. | ©Le Trois – Thibault Quartier​
La tension est forte entre les pompiers professionnels du Territoire de Belfort et les autorités administratives qui gèrent le service départemental d’incendie et de secours. Les soldats du feu ont déposé un préavis de grève illimité à compter du 14 novembre. En cause, l’application d’une loi sur le temps de travail, qui supprime aussi des congés d’ancienneté. Décryptage.

6 août 2019. On publie la loi de transformation de la fonction publique. Celle-ci met notamment fin, dans son article 47, aux régimes dérogatoires à la durée légale du travail, fixée à 1 607 heures. Au 1er janvier 2023, toutes les collectivités territoriales et administrations publiques doivent respecter ces obligations. Il ne reste que quelques semaines au service départemental d’incendie et de secours du Territoire de Belfort (Sdis 90) pour se mettre en règle. Une situation qui n’est pas sans créer quelques heurts dans le corps des sapeurs-pompiers. Un préavis de grève illimité a été déposé à compter du 14 novembre par quatre organisations syndicales (Syndicat autonome, Avenir secours, CFTC-SPASDIS, FO SIS), représentant autant les officiers que les hommes du rang.

« Nous devons mettre en application la loi », explique simplement Pascal Grosjean, maire de Bermont et 3e vice-président du conseil d’administration du service départemental d’incendie et de secours (CASDIS) du Territoire de Belfort, en charge des affaires sociales et du personnel. Le CASDIS est présidé par Florian Bouquet, président Les Républicains (LR) du conseil départemental. Au-delà de l’adaptation du temps légal de travail, cette loi supprime aussi les congés d’ancienneté (1 à 5 jours) et ceux obtenus à la suite d’une décoration (3 jours) ; ce sont des héritages du corps des pompiers de Belfort, avant que le service ne soit départementalisé, en 1999. Selon le commandant Gilles Rothenflug, officier à l’état-major, du syndicat Avenir secours, ce sont environ 300 jours par an qui sont accordés au titre des congés pour médaille.

« Nous aurions pu faire [l’adaptation] plus tôt, mais les agents ont bénéficié des avantages le plus longtemps possible », observe Pascal Grosjean, ancien pompier professionnel dans le département. « Nous avons fait le choix de ne pas bousculer les choses, complète l’entourage de Florian Bouquet, avant d’ajouter : Nous ne sommes pas dans une volonté de tirer vers le bas. »

Pertes des congés d’ancienneté

La situation ne semble pourtant pas si nette. Le régime des sapeurs-pompiers est particulier. « Officiellement », les pompiers professionnels du département travaillent 1 582 heures, soit vingt-cinq heures de moins que le temps légal du travail. Cette sommes est calculée sur ce que l’on nomme le temps d’équivalence. Lorsqu’un pompier professionnel assure une garde de vingt-quatre heures (les plus nombreuses, sinon c’est douze heures), il n’est payé que seize heures trente ; en France, la moyenne du temps d’équivalence est de 17,03 heures selon les syndicats. Pourtant, il est bien présent vingt-quatre heures et à disposition pour partir en intervention. Et ce temps supplémentaire n’ouvre pas droit à des RTT observent les syndicats. En temps réel, ils peuvent donc être présents bien plus longtemps à la caserne, sans dépasser, normalement, 2 256 heures par an, un cadre fixé par l’Union européenne. « On donne donc plus de 500 heures à notre patron », résume Sébastien Boillot, du syndicat autonome, pompier à la caserne Belfort-Nord, à Valdoie. Pour autant, les pompiers sont d’accord avec ce deal. « Ce ne sont pas les vingt-cinq heures [supplémentaires] qui posent problème », convient Pierre-Arnaud Fillatre, pompier à Belfort-Sud, à Danjoutin, du syndicat Force ouvrière. Ils acceptent même d’afficher les 1 607 heures. Pour l’obtenir, Florian Bouquet a proposé de revaloriser le temps d’équivalence de 16,5 à 16,83 heures comptées sur 24 heures de présence. Mais les syndicats tiquent sur les avantages perdus, ce que ne nie pas le Département. Il répond juste qu’il applique la loi.

Le rapide calcul d’un officier, qui compte 5 jours d’ancienneté par an, montre que c’est quasiment deux semaines de travail supplémentaire qu’il devra fournir chaque année, avec ce nouveau mode de calcul. « Deux semaines où je ne suis pas avec ma femme ni mes enfants », déplore-t-il. Surtout, les syndicats précisent que la loi ouvrent des possibilités d’adaptation, à condition d’appliquer l’article 2 du décret 2001-623 du 12 juillet 2001, qui précise : « L’organe délibérant de la collectivité ou de l’établissement peut, après avis du comité technique compétence, réduire la durée annuelle du travail servant de base au décompte du temps de travail (…) pour tenir compte des sujétions liées à la nature des missions et à la définition des cycles de travail qui en résultent, et notamment en cas de travail de nuit, de travail le dimanche, de travail en horaire décalé, de travail en équipes, de modulation importante du cycle de travail ou de travaux pénibles ou dangereux ». Des éléments qui sont rappelés dans l’article 47 de la loi de 2019, qui précise que certains régimes de travail ne sont pas concernés par cette évolution, « pour tenir compte des sujétions spécifiques auxquelles sont soumis certains agents publics (travail de nuit, le dimanche, jours fériés, travail pénible ou dangereux… », peut-on lire dans la loi, qui cite ensuite expressément le métier de sapeur-pompier. Du côté du département, on remarque que l’on pourrait faire autrement, mais avec le risque que la décision soit cassée par la préfecture.

Selon les représentants du personnel, en s’appuyant sur ce décret, une décision du conseil d’administration pourrait permettre de diminuer le temps de travail annuellement d’autant de jours correspondant aux congés d’ancienneté, afin de gommer leur suppression. Une décision similaire a été prise en Saône-et-Loire, indiquent-ils, avec des volumes horaires différents selon l’ancienneté des agents. « Ils peuvent le faire », soutient Sébastien Boillot, soulignant l’usure du métier, sa difficulté, notamment quand on vieillit. « Cela ne coûtera rien au Sdis », assurent-ils également, toujours ouverts à la négociation, mais prêts aussi à défendre leurs acquis.

« Méprisés »

Car les pompiers regrettent surtout la méthode employée par le Département. Les deux premières réunions pour évoquer ce dossier ont été programmées en novembre et décembre 2021. Puis, plus rien jusqu’à juin 2022, où cinq réunions ont été organisées depuis. Mais des réunions « stériles et inutiles », regrette Sébastien Boillot. Pas moins de quatre personnes ont été en charge du dossier déplorent-ils également. Le 20 octobre, face à une situation qui s’aggravait, ils ont écrit à Florian Bouquet. Ils n’ont pas obtenu de réponse. De là a été acté de déposer un préavis de grève. Ensuite, ils ont regretté que le président s’exprime sur France bleu Belfort-Montbéliard sans encore avoir répondu à leur lettre. « Il y a un gros problème de dialogue », tance Pierre-Arnaud Fillatre. « Alors que c’est la même loi qui prévoit le dialogue social dans la fonction publique », rit jaune Gilles Rothenflug. « Les collègues se sentent méprisés », note Pierre-Arnaud Fillatre, témoignant d’une tension forte dans les casernes, sûrement accentuée par la crise covid-19 et des effectifs tendus.

Une réunion devrait se tenir ce lundi 14 novembre ; les syndicats rappellent l’obligation légale du président de s’entretenir avec eux du moment qu’un préavis a été déposé. Mais la première proposition était une discussion le 21 novembre, quelques jours après la réunion qui devait entériner le futur système, ce qui a eu le don d’agacer, encore une fois, les syndicats. « Florian Bouquet est très investi au niveau des pompiers », répond Pascal Grosjean, rappelant son investissement à la conférence nationale d’incendie et de secours (Cnis). Il cite aussi le soutien du président, en 2019, pour la revalorisation de la prime de feu, de 19 à 25 %, appliquée avec effet rétroactif. Les pompiers rappellent pour leur part l’investissement pendant la campagne des feux de forêt, avec des agents qui sont même partis sur leur temps de congés (lire notre article).

« Quoi qu’il arrive, les secours seront assurées », préviennent les pompiers. Un affichage sera simplement fait sur les véhicules, voire les tenues. Le département compte 123 pompiers professionnels, affectés aux centres de secours de Belfort Nord (Valdoie) et Belfort Sud (Danjoutin). En 2021, les sapeurs-pompiers du Territoire de Belfort ont assuré 9 244 interventions, en légère baisse par rapport à 2020 (9 601). Les pompiers belfortains enregistrent un excellent délai moyen d’intervention, de 10 minutes  et 49 secondes.

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