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Belfort : situation extrêmement tendue à General Electric

Des salariés des ateliers Arabelle de l'entité nucléaire de General Electric ont bloqué le site ce vendredi 24 juin (©TQ).

Des salariés de la branche nucléaire de General Electric de Belfort ont bloqué, ce vendredi en fin de matinée, les accès aux sites industriels du géant américain, au Techn’Hom. La frustration est très forte. Le ton monte vite. Les actions sont de plus en plus dures. En cause, notamment, le versement d’une prime aux cadres, mais pas aux ouvriers ou techniciens. Cela ne passe pas.

Des salariés de la branche nucléaire de General Electric de Belfort ont bloqué, ce vendredi en fin de matinée, les accès aux sites industriels du géant américain, au Techn’Hom. La frustration est très forte. Le ton monte vite. Les actions sont de plus en plus dures. En cause, notamment, le versement d’une prime aux cadres, mais pas aux ouvriers ou techniciens. Cela ne passe pas. [mis à jour à 18h55]

15 h. Plusieurs dizaines d’ouvriers de Thermal Manufacturing Belfort (TMB), l’entité qui fabrique la turbine à vapeur Arabelle, pour les centrales nucléaires, sont réunis devant le bâtiment 320, à l’entrée du site, porte de la Découverte. « On s’organise », confie Saïd Bersy, délégué syndical CGT. Les autres organisations syndicales n’étaient pas présentes. Ce vendredi matin, à 10 h, une cinquantaine de personnes a voté « pour un blocage dur et ferme ». Le site est bloqué aux trois entrées, porte de la Découverte, porte des Trois-Chênes (Alstom) et à l’entrée avenue de la 1re-Armée française, avec l’installation de rehausses notamment. Le dialogue est rompu avec la direction, à la suite, notamment, d’une prime de l’ordre de 5 000 à 7 000 euros perçues par les cadres et non pas par les ouvriers et techniciens.

À une cinquantaine de mètres du bâtiment, un véhicule de manutention de LGE s’hasarde rue de la découverte, chargée d’une petite turbine à gaz. Il n’en faut pas plus pour qu’une dizaine de personnes se rue à sa poursuite pour la bloquer rue de la Découverte, juste avant le portail donnant sur l’avenue de la 1re-Armée française. La turbine ne devait pas sortir du site mais être transférée dans un autre atelier, pour une opération de peinture. La pluie se pointe. Et les salariés haussent le ton. Ils mettent la pression.

Des salariés des ateliers Arabelle de l'entité nucléaire de General Electric ont bloqué le site ce vendredi 24 juin et une turbine à gaz (©TQ).

« On a des gosses à nourrir »

« Soit ils [les membres de la direction] reviennent à la négociation, soit elle reste dehors », préviennent les salariés, qui s’affairent avec des chariots élévateurs pour disposer des rochers devant et derrière le plateau de transport. Le ton monte. Dans l’entité turbines à gaz, on craint que la pluie n’entraîne la rouille de la machine. Rapidement, Fabien Thévenot, directeur de la production chez gaz, et son adjoint Claude di Mauro, rejoignent le piquet. « Je n’ai pas d’autre choix que de faire venir l’huissier », met en garde Fabien Thévenot. Il demande de pouvoir ramener la turbine dans ses ateliers. L’action « dépasse les bornes », estime-t-il. « Vous nous prenez en otage. On ne peut pas négocier sous la pression d’un produit qu’on va bousiller », dénonce Fabien Thévenot, sans hausser la voix. « Ce sont des heures de travail », interpelle-t-il également, tout en glissant qu’il « respecte » l’action.

Chez les salariés, les esprits s’échauffent. Le ton monte. Les comportements sont imprévisibles. « On a des gosses à nourrir », s’époumone Lamine, salarié de TMB, juste à côté de la turbine. Et de rappeler que si ce sont des heures de travail, eux ne bénéficient pas des bonus obtenus. « Nous, on n’a rien ! » scande-t-il, excédé. Le ras-le-bol est palpable, lié à la non reconnaissance de leur travail. À la hausse du coût de la vie, aussi, avec l’inflation. « Vous comprenez notre frustration », questionne Lamine en s’adressant à Fabien Thevenot. « Nous avons tout fait pour que cela ne démarre pas », replace Laurent Santoire, de la CGT, avec 4 jours de négociation. Aujourd’hui, la coupe est pleine.

15 h 20. Saïd Bersy intervient. Il ramène le calme. Appelle à la raison. « Nous prenons en otage, car nous n’avons pas le choix, convient-il. Croyez bien qu’on le déplore. » Il invite à laisser repartir la turbine à gaz dans l’atelier, malgré quelques contestations de salariés, car « ce n’est pas notre produit ». Il demande toutefois à Fabien Thévenot de prévenir ses homologues de l’entité nucléaire de la détermination des salariés. 15 h 30. Les grévistes font un pas en avant et libère la turbine à gaz.

Des salariés des ateliers Arabelle de l'entité nucléaire de General Electric ont bloqué le site ce vendredi 24 juin et une turbine à gaz. Sur la photo, ils parlementent avec Fabien Thévenot, directeur de la production de GE Gaz, de dos (©TQ).

« Les ouvriers n’en voient pas la couleurs »

Malgré des résultats financiers en-deçà en 2021, l’entité nucléaire a enregistré de bonnes dynamiques au 2e, 3e et 4e trimestre 2021. Des bonus ont donc été accordés, en utilisant « le pouvoir discrétionnaire » du conseil d’administration, peut-on lire dans un courrier interne de Valérie Marjollet, présidente et directrice générale de Steam Power, que Le Trois a pu consulter. C’est l’origine de cette prime de plusieurs milliers d’euros « Nous formons une seule et même équipe au sein de steam power et dans cet esprit nous avons obtenu le même niveau de financement discrétionnaire pour les participants éligibles au Bonus Grow steam power », lit-on également dans ce courrier.

Mais les ouvriers, les techniciens (Etam) et les cadres de production ne sont pas éligibles ; ils représentent pourtant la majorité des effectifs de TMB, estime la CGT, ce qui n’est pas le cas dans les autres entités du GE Steam Power. « À l’échelle de Steam, nous estimons que ce sont 10 millions d’euros qui ont été versés aux cadres », calcule Laurent Santoire. Les salariés se sentent profondément lésés.

« J’espère que vous reconnaissez comme moi que le financement bonus de cette année est également un signe tangible de reconnaissance de la part de l’entreprise », écrit Valérie Marjollet. Ce n’est pas le sentiment des salariés des ateliers de l’entité nucléaire. Qui digère mal ce propos. « Le carnet de commande est là », souligne Laurent Santoire, en montrant l’intérieur du bâtiment 320, où s’alignent des éléments de turbines à vapeur. « C’est ça que les clients achètent, ajoute-t-il. Il n’y a qu’eux (les ouvriers, NDLR), pour faire ça. C’est la valeur ajoutée. Une valeur ajoutée qui permet de remercier les actionnaires et les cadres. Mais les ouvriers n’en voient pas la couleurs. »

Les représentants du personnel ont également demandé de rouvrir les négociations annuelles sur les salaires, pour réajuster l’augmentation à l’inflation, à 5,2 %. Le peu d’empressement, selon les syndicats, à ouvrir cette discussion par la direction, a désespéré les salariés. Sollicitée, la direction de General Electric a précisé que le site était bloqué « illégalement ». « Nous souhaitons pouvoir engager un dialogue constructif et respectueux avec les salariés pour trouver une solution une fois le blocage levé », a-t-elle ajouté dans un communiqué. Au moins de janvier, un conflit social avait déjà entraîné le blocage des usines (lire notre article). À l’époque, le blocus s’était soldé par l’obtention d’une prime de 1 200 euros notamment (lire notre article).

Selon nos informations, la préfecture du Territoire de Belfort a proposé une médiation par l’intermédiaire de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (directe). Elle doit se tenir dans la soirée. 

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