Une délégation de la CFE-CGC a passé deux jours à Belfort pour visiter les installations et vérifier la pertinence d’un rapprochement entre Safran et General Electric. Les représentants syndicaux mettent la pression avant les élections européennes pour encourager les deux industriels dans cette voie.
« Ce territoire est inflammable », reconnaît Gabriel Artero, président de la fédération de la métallurgie de la CFE-CGC et membre du conseil économique, social et environnemental (CESE), après sa visite des installations de General Electric à Belfort et Bourogne. Il était accompagné de collègues de la branche métallurgie de ce syndicat de cadres. Et d’un représentant CFE-CGC travaillant à Safran. Pendant deux jours, ils ont sillonné les ateliers des unités de production. Ils ont aussi rencontré des élus locaux et des acteurs économiques pour présenter leur projet.
Les représentants observent la pression en train de monter chez General Electric. Si la France est pour le moment préservée dans les plans de restructuration lancés par le nouveau p-dg Larry Culp, nombreuses sont les voix craignant pour l’avenir. « Il n’y a plus de protection », confirme Xavier Le Coq, secrétaire national en charge de l’industrie à la fédération métallurgie CFE-CGC. Quid de Belfort, alors que le marché des turbines à gaz doit repartir dans 3 à 5 ans, selon les prévisions de l’agence internationale de l’énergie, et que les capacités doivent doubler d’ici 2040.
La CFE-CGC n’est pas « dupe » du timing. Il y a très peu de chances qu’il y ait de mauvaises annonces avant les élections européennes. Autant donc profiter de cette fenêtre pour pousser le projet de diversification. « On se place dans une posture positive. C’est dans l’ADN de notre organisation d’essayer d’identifier des solutions, assure Gabriel Arturo. Nous savons qu’il y a des décisions structurantes qui vont arriver, mais on ne connaît pas leur dimensionnement. »
GE aurait payé l’amende
Depuis plusieurs mois, la CFE-CGC porte un plan B, prônant la diversification vers l’aviation du nord Franche-Comté. Les raisons sont multiples, notamment le partenariat historique entre GE et Safran, la proximité technologique ou encore la disponibilité de bâtiments à Bourogne, la fameuse usine du futur. La délégation est venue constater la faisabilité de cet accueil de Safran. Le constat est sans appel. En termes de proximité technologiques, on recense la fabrication des turbines (usinage pieds de sapin, projection plasma…) ou encore le brochage des disques de turbine. Le nord Franche-Comté peut donc répondre à des besoins de production de Safran. « Les plus petites aubes de turbine à gaz de type 6B sont de taille comparable aux aubes des gros moteurs d’avion », complète la délégation.
Dans l’éventualité d’une décision confirmant l’installation de Safran à Belfort, les représentants syndicaux estiment qu’il faut ensuite dix-huit à vingt-quatre mois afin de qualifier aux exigences de l’aéronautique le personnel, les process et les machines. « Mais à Belfort, ce délai pourrait être plus court, car il y a déjà un parc machines existant qui peut être adapté et le processus de qualification pourrait commencer avant l’arrivée des nouvelles machines », assure la CFE-CGC. Pour le syndicat, Safran sécuriserait ainsi une source d’approvisionnement, dans un délai record, alors que l’on enregistre une montée en cadence record dans l’histoire de l’aviation avec le nouveau moteur LEAP, développé par CFM International, la co-entreprise de Safran et General Electric. Pour General Electric, l’intérêt consiste surtout à limiter ses coûts liés aux restructurations et à limiter ses coûts fixes. « Aujourd’hui, General Electric loue des bâtiments qu’il n’utilise pas », rappelle Philippe Petitcolin.
En termes d’investissements, les représentants syndicaux affirment que General Electric a déjà payé son amende pour ne pas avoir créer 1 000 emplois en France après le rachat d’Alstom. Les fonds auraient été transférés à la caisse des dépôts et consignation. L’enveloppe pourrait donc accompagner cette diversification. « Safran organise actuellement la montée en cadence de sa production. Ils n’intègreront Belfort dans leur plan que si on l’intègre dans leurs réflexions. » D’où le militantisme des représentants syndicaux.
La fédération métallurgie de la CFE-CGC rencontre, ce jeudi matin, le conseiller à l’économie et à l’industrie de l’Élysée. Selon eux, seul Emmanuel Macron peut encore convaincre Safran et General Electric de se lancer dans ce projet.