Il est 6 h 30. Quatre pompiers du Territoire de Belfort finalisent leur sac avant de les ranger dans un casier du camion-citerne feux de forêt de Delle, dans la remise du centre de secours de Belfort-Sud, à Danjoutin. Ils viennent de prendre possession de la tenue de feu conçue pour les feux de forêt. Elle est plus légère. Quelques packs d’eau sont chargés. Les casques sont rangés dans un coffre, sur le toit du camion, non loin des tuyaux. Des chips et des bonbons sont repérés près des sièges de la cabine pour agrémenter le long voyage qui attend les soldats du feu.
6 h 40. Après un briefing, ils montent dans le camion. Les portent claquent. C’est l’heure du départ. Direction, Montbéliard, où ils retrouvent un camion similaire avec quatre pompiers du pays de Montbéliard. Ils prendront alors la direction de Besançon, pour constituer le groupe d’intervention feux de forêt (GIFF) de Franche-Comté, composé de pompiers et de véhicules du Doubs, du Jura et du Territoire de Belfort. C’est l’un des trois GIFF qui composent la colonne de renfort Est Alpha pour combattre les feux de forêt, soit plus de 70 pompiers. Les pompiers comtois retrouvent leurs homologues ce jeudi soir, à Aix-en-Provence.
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Photos prises par ©Le Trois – Thibault Quartier
Le traumatisme de 2022
« Ils vont renforcer les effectifs de la zone sud », explique le commandant Nicolas Sauget, cadre feux de forêt et chef du groupement opération du service départemental d’incendie et de secours du Territoire de Belfort (Sdis 90). C’est le premier départ de l’été, dans le cadre de ce dispositif. « Ils peuvent être engagés à tout moment », ajoute-t-il, sachant que la météo n’est pas du tout favorable ; elle est propice aux départs de feu dans le sud. Ce samedi 26 juillet, les Bouches-du-Rhône ont été classées en danger feux de forêt « très élevé » par Météo France ; l’Aude et le Vaucluse sont classées en risque « élevé ». Le reste du pourtour méditerranéen est en risque « modéré ». Les pompiers partent pour 7 jours, dont cinq jours de travail (deux jours de trajet) ; s’il y a un besoin, une relève sera engagée pour les remplacer. « Tous les jours, [s’il n’y a pas de feux à traiter], ils auront des entraînements pour s’aguerrir », explique l’officier supérieur.
Trois des quatre pompiers du Territoire de Belfort (trois volontaires et un professionnel) partis en renfort l’ont déjà fait auparavant. Certains ont même participé à la terrible campagne de 2022. 8 550 feux de forêts ont alors été enregistrés en France. 66 136 hectares de forêts avaient brûlé, soit l’équivalent de plus de 94 000 stades de foot. Cette superficie est presque « six fois supérieure à la moyenne des quinze années précédentes », relève un rapport parlementaire de 2022 dédié au budget de la sécurité civile et dont le rapporteur est l’ancien député La France insoumise (LFI) du Territoire de Belfort, Florian Chauche. La Gironde avait concentré plus de 47 % des surfaces brûlées. Mais d’autres départements avaient été touchés, à l’instar du Finistère (2 500 ha) et du Maine-et-Loire (1 800 ha), sans pour autant être des zones sensibles aux feux de forêt ou de végétation en période estivale. « La simultanéité des éclosions sur l’ensemble du territoire métropolitain a été particulièrement inédite », note encore ce rapport. Cette saison avait servi d’électrochoc ; un programme d’achat massif de véhicules avait été engagé, soutenu par l’État. C’est le pacte capacitaire. Le Territoire de Belfort a déjà réceptionné un véhicule tout terrain. Il devrait recevoir un camion-citerne feux de forêt de 4000 litres au mois de septembre (lire notre article). « La nature des feux a bien évolué », concède Florian Bouquet, président Les Républicains (LR) du conseil départemental du Territoire de Belfort, venu saluer les pompiers avant leur départ.

« Solidarité nationale »
Aujourd’hui, une soixantaine de pompiers du Territoire de Belfort est formée aux feux de forêt. L’objectif est d’en avoir une centaine d’ici 2030. Chaque année, des formations sont organisées. « On se doit d’intégrer ce risque », confirme le commandant Nicolas Sauget. Comme le confirme l’agence d’urbanisme du Territoire de Belfort dans une publication de juillet 2025 (à découvrir ci-dessus), « le risque feux de forêt, très présent dans le sud de la France, concerne désormais notre territoire en raison du changement climatique ». 44 % de la surface du département est recouverte de forêt. La sécheresse favorise « le dessèchement de la végétation » et les canicules favorise « l’embrasement ». D’ajouter : « Nos forêts, en grande partie composées de sapins et d’épicéas, sont déjà fragilisés par les attaques de scolytes et sont particulièrement inflammables. » La note souligne l’importance de la prévention en informant la population, mais surtout en anticipant ce risque dans l’aménagement du territoire.
« Ce sont toujours des expériences riches », souligne le commandant Nicolas Sauget, en s’adressant à l’équipage qui s’apprête à prendre la route. Du côté des pompiers, il y a de la « fierté » et de « l’adrénaline » comme le glisse le sergent Mickaël Staine, pompier volontaire à Giromagny. Il a connu les feux de 2022. « C’est l’occasion de participer à la solidarité nationale », enchaîne le sergent-chef Damien Theiller, sapeur-pompier professionnel à Belfort-Nord, à Valdoie. Tous partent sur leurs jours de congés. Et ils décollent en moins de 24 heures après l’annonce.