Que sera le nord Franche-Comté dans 20 ans ? Quelle identité souhaitons-nous lui donner ? Comment concrétiser, au quotidien, des discours de coopération et de dialogue entre des collectivités qui ont un demi-siècle?
Que sera le nord Franche-Comté dans 20 ans ? Quelle identité souhaitons-nous lui donner ? Comment concrétiser, au quotidien, des discours de coopération et de dialogue entre des collectivités qui ont un demi-siècle? C’est l’enjeu de la définition de la feuille de route du pôle métropolitain. Abstraite de prime abord, cette feuille de route jette pourtant les bases d’un futur commun. Si toutefois on s’en saisit.
En 2016, le pôle métropolitain Nord Franche-Comté est mis sur les rails. Enfin. Entre la mort du syndicat mixte de l’aire urbaine (Smau) – dont les locaux sont aujourd’hui ceux du pôle métropolitain –, la guerre de paternité ou l’ambition de regarder vers Mulhouse, les atermoiements ont été nombreux. Depuis l’arrivée, en 2014, de Damien Meslot à la présidence du Grand Belfort et de Marcel Bonnot, dans un premier temps, et de Charles Demouge ensuite, à la tête de Pays de Montbéliard Agglomération (PMA), le dossier devait aller vite. Finalement, la feuille de route n’a été validée que le 24 janvier 2020, à la veille des élections municipales. Et encore, si Charles Demouge estimait qu’il fallait concrétiser dès maintenant la réflexion menée depuis 2018 sur la stratégie à adopter, Damien Meslot souhaitait réaliser ce vote avec les nouveaux élus, issus des scrutins municipaux. Mais ces positions n’ont pas été évoquées le jour du vote. Seulement 17 élus sur les 32 qui composent le comité syndical ont participé au vote.
D’abord une dynamique économique
Dans cette dynamique métropolitaine, une chose a cependant été mise sur pied rapidement : l’agence de développement économique Nord Franche-Comté (ADN FC), créée le 30 juin 2015. Elle est « née de la fusion de l’agence de développement économique de Belfort et son Territoire (ADEBT) et du pôle développement économique de l’Agence de Développement et d’Urbanisme du Pays de Montbéliard (ADU) », peut-on lire sur le site de l’ADN FC. Cette structure est indépendante du pôle métropolitain et s’active sur les dossiers économiques d’implantation dans le territoire métropolitain. Les agences d’urbanisme des deux territoires ont conservé leur territoire d’origine.
Le pôle métropolitain Nord-Franche-Comté, ce sont cinq intercommunalités, réparties sur trois départements, qui regroupent 196 communes et plus de 310 000 habitants. Cette structure rayonne sur cinq thématiques d’action : développement économique ; promotion de l’innovation, de la recherche, de l’enseignement supérieur et de la culture ; l’aménagement ; les transports et la mobilité ; et la santé. Dans ses premières années, le pôle métropolitain s’est installé. Le directeur est nommé depuis l’été 2018. Ensuite, un travail a été mené pour que le pôle anime le contrat local de santé, puis le campus universitaire du nord Franche-Comté qui se constitue.
Les cinq enjeux
- Un territoire d’innovation
- Un territoire de mobilité
- Un territoire de nature
- Un territoire solidaire et attractif
- Un territoire métropolitain
Prospective, identité et échanges
En 2019, un cabinet a été sollicité pour accompagner les élus dans la définition des orientations stratégiques. « Le pôle a une vraie chance, remarque François Journy, du cabinet Politeia, qui a accompagné le pôle dans la définition de cette feuille de route. Juridiquement, on fait à peu près ce que l’on veut. Et le pôle métropolitain ne fait pas à la place de… » Entendre : le pôle métropolitain n’a pas de compétences. Il ne remet donc pas en cause les compétences des intercommunalités. Ce sont les intercommunalités membres qui décident de son utilisation. « Le pôle est porteur d’une action collective au service exclusif de l’intérêt métropolitain », relève la feuille de route, que Le Trois a consulté. Il s’habille d’un rôle de moteur
Le Pôle métropolitain aura trois rôles : prospectiviste ; porteur de l’identité territoriale ; préfigurateur de rapprochement. Sur le premier rôle, il faut réfléchir et mener des études prospectives à 5, 10 voire 15 ans, en dehors des échéances électorales. Une démarche qui doit favoriser les réflexions autour des évolutions économiques, des ressources énergétiques (en eau par exemple) et des évolutions numériques. Pour débuter sa deuxième mission, la construction d’une identité nord franc-comtoise, le pôle métropolitain a lancé un concours photo. Porter cette identité consiste à développer les outils de communication permettant de la valoriser, mais aussi d’identifier les marqueurs de cette identité : l’industrie ; l’innovation ; le lion… Cette identité est déjà mise en avant avec la marque de territoire So nord Franche-Comté, qui a une dimension économique. À présent, c’est l’identité des habitants qu’il faut construire. Cette construction doit contribuer à dépasser les frontières administratives et… mentales.
La dernière dimension de la feuille de route consiste à utiliser le pôle métropolitain comme incubateur de coopérations entre les territoires. L’une des possibilités consiste à créer un conseil de développement métropolitain, qui existe dans le pays de Montbéliard, mais pas dans le ressort du Grand Belfort, malgré l’obligation légale faite aux intercommunalités de plus de 50 000 habitants. On évoque aussi le rapprochement des offices de tourisme, « pour renforcer la lisibilité de l’offre du territoire et décupler la puissance de la promotion de l’offre territoriale ». Dans cette dynamique, la création d’une CCI du nord Franche-Comté permettrait aussi de « penser une action globale sur le développement économique à l’échelle métropolitaine ». Une première marche qui n’est pas forcément du ressort du pôle métropolitain, mais qu’il peut accompagner par la réalisation d’analyses et d’animation du débat politique.
De nombreux défis à surmonter
Pour s’exprimer, le pôle métropolitain doit pourtant affronter plusieurs défis. Le premier consiste à « dépasser le découpage administratif complexe » du nord Franche-Comté reconnaît la feuille de route. Deux communautés d’agglomération. Trois communautés de communes. Trois départements. Une préfecture. Une sous-préfecture. Près de 200 communes. Trois autorités organisatrices des mobilités. Et surtout, un territoire marqué par la polarisation du débat entre Belfort et Montbéliard, arbitré, parfois, par les collectivités plus modestes. Le nord Franche-Comté doit aussi « prendre sa place dans la grande région Bourgogne-Franche-Comté ». Avec plus de 300 000 habitants, c’est l’un des territoires les plus denses (Dijon métropole accueille plus de 250 000 habitants dans une vingtaine de communes). C’est surtout le territoire le plus industrialisé de la région, avec 24 % des emplois relevant de ce secteur d’activité, soit 16 % de l’emploi industriel régional. Le pôle métropolitain veut aussi renforcer son positionnement vis-à-vis de la frontière, en rejoignant les dynamiques en cours : la conférence transjurassienne ; la croissance des emplois transfrontalier ; l’appui sur des équipements structurants (ligne Belfort-Delle, l’autoroute Transjurane ; la gare TGV). Le dernier défi du pôle métropolitain est de justement réussir à construire ce projet dans l’espace médian, qui regroupe des projet d’intérêt public : hôpital ; gare TGV ; UTBM ; la JonXion. Pour cela, il ne faudrait plus le voir comme un territoire appartenant à l’un. Et pas aux autres.