L’iconique turbine à vapeur Arabelle, équipement clé des centrales nucléaires, va officiellement retourner sous pavillon français. Quelques éléments sont encore à « arbitrer », confirme une source qui suit le dossier. Mais la finalisation du rachat de l’entité nucléaire de General Electric par EDF doit se faire ce vendredi 1er décembre, apprend-on auprès de plusieurs sources. C’est l’hypothèse la plus probable. Les éléments à trancher le seront lors d’un conseil d’administration d’EDF, ce mercredi, confirme-t-on au Trois. Luc Rémont, p-dg d’EDF depuis l’automne 2022, doit faire le déplacement à Belfort, vendredi, pour officialiser la finalisation du rachat. Une délégation de ministres pourrait également venir.
On suit le calendrier envisagé il y a plusieurs semaines. Le 1er novembre, la future entité rachetée par EDF s’était déjà « détachée » de General Electric pour avoir une réalité juridique propre, comme Le Trois avait pu le vérifier en consultant des courriers internes. L’entreprise se nommera Arabelle solutions. « Les mises à jour des ordinateurs se multiplient ces derniers jours », confiait alors un salarié, au mois d’octobre. Les réseaux informatiques étaient en cours de séparation.
GE Steam power fabrique la turbine à vapeur Arabelle, qui équipe les réacteurs nucléaires de technologie EPR et EPR2 ; cette entité avait été achetée à Alstom en 2015. Le rachat comprend aussi la maintenance et les mises à niveau des équipements des centrales nucléaires existantes, hors Amériques, conservées par General Electric. Le périmètre d’acquisition intègre des activités en Angleterre, à Rugby, et en Inde, à Sanand. Selon une source syndicale, cela concerne 2 500 personnes en France et 3 400 dans le monde.
Discussions depuis février 2022
Le 10 février 2022, EDF et General Electric avaient confirmé « un accord d’exclusivité » pour discuter du rachat par l’énergéticien français de cette branche du conglomérat américain. Emmanuel Macron annonçait alors, depuis Belfort, la relance d’un vaste programme nucléaire français. Six nouvelles tranches étaient lancées, afin de faire face à la croissance des besoins électriques et de s’extraire des énergies fossiles. En novembre 2022, l’accord définitif était signé entre EDF et General Electric. La réalisation de l’acquisition était envisagée pour le second semestre 2023, après la levée des conditions suspensives habituelles et l’obtention des autorisations réglementaires requises. Ces conditions sont toutes levées. Des accords étaient aussi à obtenir auprès de l’Angleterre, liés à l’activité de Rugby, et auprès de l’énergéticien russe Rosatom (lire notre enquête), qui dispose d’une joint-venture avec l’entité Steam.
Cette transaction permettra à EDF “de maîtriser les technologies et les compétences relatives à l’ilot conventionnel des centrales nucléaires, essentielles pour la pérennité du parc nucléaire existant et les futurs projets”, faisait valoir le groupe en novembre 2022. Le montant du deal était valorisé à 1,2 milliard de dollars, en février 2022, plus de deux fois le montant d’acquisition de 2015, selon des documents consultés par Le Trois (lire notre enquête). Depuis, l’arrêt de projets avec Rosatom, a sans aucun doute rebattu les cartes.
Le conglomérat américain a entamé par ailleurs une scission de ses activités, entre l’énergie, l’aéronautique et la santé. Toutes les activités énergies sont regroupées dans la société GE Vernova, dont le décollage est attendue début 2024.
Sollicité, EDF n’a pas donné suite à notre demande.
« Comment sera-t-on intégré ? »
Du côté des salariés, l’attente commençait à être longue. Ce rachat est évoqué depuis plus de deux ans. En France, seulement 200 personnes ne devraient pas rejoindre le giron d’EDF, contre 2 500 qui intègreraient le groupe. « Comment sera-t-on intégré », questionnait, déjà en octobre, Christian Mougenot, de la CFDT, alors qu’EDF est aussi en pleine réorganisation. Il interroge aussi l’aspect social et la pérennité des « accords en place ». Seront-ils maintenus ? « On va voir ce qu’EDF, en tant qu’actionnaire majoritaire, va développer pour nous », interroge Saïd Bersy, de la CGT. « Comme on est structuré aujourd’hui, il va falloir un paquet d’investissements », estime-t-il, afin de répondre aux annonces du programme nucléaire et à la charge, glissant que la gestion d’Alstom et de GE a laissé des « séquelles ». Le doute est encore de mise, rappelant avoir déjà été racheté par « un grand groupe en 2015 ». Laurent Humbert, de la CFE-CGC, s’interroge sur la poursuite du carnet de commandes avec les Russes de Rosatom, essentielles à l’équilibre économique de la future entité (lire notre enquête). Et attend aussi “un changement de culture”, où l’on arrête “le moins disant”.