Le projet est ambitieux. Et « malin », pour reprendre les termes de Bruno Bonnell, secrétaire général à l’investissement, en charge de France 2030, en visite ce mercredi 17 mai à Belfort (lire notre article). L’ancien cadre dirigeant d’Alstom Frédéric Pierucci, connu pour avoir été emprisonné aux États-Unis dans le cadre du scandale d’État du rachat de la branche énergie d’Alstom par General Electric, a lancé la start-up Storabelle.
La société propose de convertir les anciennes centrales à charbon ou centrales nucléaire en unité de stockage massif d’énergie. Le dispositif consiste à enlever des centrales les chaudières, les éléments les plus polluants, mais à conserver les turbines, alternateurs et autres postes électriques, qui servent à convertir la vapeur en électricité. « On recycle l’existant », explique Frédéric Pierucci, le président-fondateur. Et on évite de construire de nouveaux sites pour le stockage.
« Accélérer la transition énergétique »
L’unité de production capte le surplus d’électricité sur le réseau, lorsque la production est supérieure à la consommation. Le process vise à utiliser cette électricité pour chauffer des sels fondus, qui stockent alors l’énergie grâce à une importante capacité calorifique. Pour récupérer de l’électricité, de la vapeur est générée grâce à la chaleur de ces sels fondus. Elle actionne alors une turbine, dont l’énergie mécanique est transformée en énergie électrique par l’intermédiaire d’un alternateur.
Le sel fondu est stocké dans une cuve de 45 mètres de diamètre et est réutilisable. Cette ressource, liquide, est là pour 25 ans remarque Frédéric Pierucci. « Vous aviez une centrale polluante et demain vous aurez une centrale qui émet 0 », apprécie-t-il, pour résumer la démarche, qui vise à décarbonner nos sociétés et à « accélérer la transition énergétique », ajoute-t-il. Cette solution, qui désynchronise la production de la consommation électrique, permet aussi de faciliter l’intégration au réseau des énergies vertes, intermittentes.
La start-up développe par ailleurs un logiciel de gestion pour acheter le courant quand les cours sont bas (beaucoup de production, peu de consommation), intégrant des données météorologiques ou encore des données de production de la centrale. Autant d’éléments qui permettent « d’optimiser quand on achète et quand on vend », observe Frédéric Pierucci.
Point important, la centrale conserve sa puissance. Si elle était de 600 MW, elle pourra encore produire une puissance électrique de 600 MW assure Storabelle. Le nouveau process devrait toutefois améliorer le rendement.
Levée de fonds de 15 millions d'euros
L’entreprise lève actuellement 15 millions d’euros. D’ici l’été, elle espère embaucher une vingtaine de personnes pour porter les premières études de conversion d’une ancienne centrale à charbon, dont la localisation n’a pas été dévoilée par la start-up. Storabelle teste ainsi « la faisabilité ». Deux ans d’études sont envisagés. Et si c’est concluant, 30 mois de travaux sont prévus pour convertir le site. L’entreprise va s’installer au cœur du Techn’Hom, dans le bâtiment orange que l’on appelait le bâtiment 66, situé rue de la Découverte, installé à proximité de l’atelier de montage de la turbine Arabelle.
Sur ce projet, la start-up collabore notamment avec le commissariat à l’énergie atomique (CEA) de Grenoble (Isère). Cela fait 4 ans que des gens travaillent ce sujet. Lors de la création de Storabelle, en 2021, l’ancien cadre d’Alstom voulait racheter la branche nucléaire de General Electric, dont le rachat est aujourd’hui mené par EDF. Et cette activité aurait été associée. Le projet a finalement suivi son cours, seul. Mais dès le départ, Storabelle a été localisée à Belfort. « Les compétences sont ici », assure Frédéric Pierucci, rappelant qu’ils s’appuient sur des personnes qui ont construit des centrales à charbon, nucléaire ou à gaz partout dans le monde, et sur le savoir-faire d’intégrateur et d’assemblier des équipes belfortaines. Il rappelle, également, que la moitié des centrales nucléaires en activité ont été façonnées par Alstom, et cette part est de 25 % quand on regarde les centrales à charbon. Autour de lui, aujourd’hui, ce ne sont que des ex d’Alstom. Et la volonté de « transmettre » leur savoir-faire à la nouvelle génération teinte toutes leurs interventions.
En théorie, 6 600 centrales à charbon sont à fermer dans le monde d’ici 2030 (Europe) ou 2050 (Monde). Et sur les 420 centrales nucléaires en opération, une cinquantaine sont à décommissioner d’ici 10 ans. Le potentiel de marché est donc considérable. Storabelle espère que la première unité de stockage sera en marche en 2028.