Pour tout comprendre au projet, il faut remonter en septembre 2023. Solidarité Femmes 90, ainsi que le centre d’Information sur les Droits des femmes et des familles, se questionnent. « Pour une adolescente ou une jeune femme, être traitée de salope n’est pas forcément considéré comme de la violence », alarmait lors d’un point presse Catherine Bernard, assistante sociale de l’association belfortaine Solidarité femmes. Elle remarquait depuis quelques années une hausse des témoignages de jeunes femmes qui se rendent à la permanence de l’association. Une hausse du nombre de parents cherchant de l’aide pour aider leurs enfants, également.
Comment aider ? Les deux associations, ensemble, ont décidé de prendre contact avec La Passerelle, une maison d’aide et d’hébergement des femmes victime de violences conjugales au Québec. La créatrice de cette maison, Isabelle Harvey, est à l’origine d’un outil pédagogique pour alerte les jeunes appelé « Les couloirs de la violence amoureuse ». L’outil ? Une structure de 6 mètres sur 11 installée dans une salle où les jeunes sont plongés dans un univers multimédia dans lesquels ils évoluent, circulant d’une pièce à l’autre, découvrant l’évolution d’une vie amoureuse dans laquelle s’installe insidieusement une relation de violence.
Belfort, première implantation du dispositif
En octobre 2023, le dispositif débarque en France, à Belfort plus précisément. Des classes sillonnent les couloirs, où chaque vidéo représente un stade d’une relation. Les premiers émois. L’installation de la jalousie. La peur. La crise. Les promesses que cela ne se reproduira plus. L’abus. L’agression. La plainte. Le but de ces vidéos est de travailler avec les jeunes sur l’installation insidieuse de la violence dans les relations, qui démarrent de plus en plus jeunes depuis quelques années.
Les films, très professionnels, permettent facilement de s’identifier à la victime ou même à l’agresseur. Le jeune homme n’est pas le cliché du mauvais garçon. C’est un jeune homme perdu, qui se questionne. On a l’occasion de se glisser dans sa tête pour montrer qu’un jeune qui installe cette violence a besoin de se faire aider. Après chaque séquence, un intervenant questionne le petit groupe formé de six personnes. « Est-ce que vous considérez que ce que vous avez visionné était déjà de la violence ? », « La jeune fille avait-elle raison de s’excuser ? », « Cette réaction vous paraît-elle appropriée ? », « Qu’auriez-vous fait à sa place ? ».
La procureure de la République, Jessica Vonderscher, ainsi que le préfet du Territoire de Belfort, Raphaël Sodini, sont emballés lors de la visite, en octobre. Ils réfléchissent à l’instaurer en France, en recréant un film adapté à la justice française.
Dans toutes les classes en janvier 2025
Ce mardi 19 novembre 2024, le préfet et la procureure du Territoire de Belfort ont annoncé l’adaptation de ce dispositif à l’échelle de l’aire urbaine. Il n’y aura pas de « couloirs », comme dans le dispositif Québécois, « même si nous pouvons aller jusque-là si besoin », précise le préfet. Mais à l’aide de subventions, Solidarité Femmes a pu poursuivre le développement de la version française des « Couloirs de la violence amoureuses », avec la réalisation dans le Territoire de Belfort de vidéos supports en novembre 2024. Le script initial a été adapté pour correspondre au système judiciaire français.
L’association a recruté un animateur, à l’aide de fonds européens, spécialement dédié pour assurer l’organisation de la diffusion dans les établissements scolaires à l’échelle de l’aire urbaine. Dès janvier 2025, tous les élèves de 3e bénéficieront désormais d’une sensibilisation aux dangers des violences conjugales.
L’idée est de faire un maximum de prévention auprès des collégiens et lycéens. Un travail de plusieurs années, pour sensibiliser les futures générations, « dont les effets ne seront ressentis que d’ici cinq à six ans », détaille la procureure.