Ce mardi 23 janvier, la direction de l’hôpital nord Franche-Comté a organisé un point presse après l’annonce de l’arrivée d’une réserve sanitaire pour aider à la saturation des urgences. « La situation est extrêmement difficile. Elle nous a tous mis en alerte dans les dernières semaines », commente Pascal Mathis, directeur général de l’hôpital Nord Franche-Comté (lire notre article).
Ce qui inquiète, dans ce nouvel épisode de crise, c’est que là où les passages difficiles de l’hôpital se cristallisaient sur les phases épidémiques, ce n’est plus le cas aujourd’hui. « Il n’y a plus de saisonnalité », expose Pascal Mathis. Et la saturation n’a pas de rapport avec le flux de patients qui est plutôt « habituel ». « Il y a toujours eu une augmentation des cas sur les périodes hivernales. » Ce qui change, c’est le profil des patients. L’afflux se concentre sur des patients âgés, « voir très âgés », a indiqué le directeur de l’hôpital Nord Franche-Comté. Chaque jour, ce sont une centaine de patients âgés qui affluent vers les urgences. « Et la moitié des patients doivent ensuite bénéficier d’une hospitalisation complète. »
L’augmentation se ressent depuis septembre 2022, et les patients sont « souvent polydépendants » et demandent des soins « nécessaires et délicats ».
Face au manque de moyens humains, ces patients se retrouvent à patienter très longuement aux urgences. « Ce public ne devrait pas se retrouver trop longtemps positionné aux urgences, mais malheureusement, c’est le cas actuellement. La saturation conduit à une complexification de l’accueil que l’on doit normalement à nos patients. » La crise est structurelle. « Il y a un engorgement fort, une tension pour faire face aux besoins de la population. »
« Graves difficultés »
Le directeur de l’établissement l’affirme : « Notre programme capacitaire est insuffisant. Aujourd’hui, notre première préoccupation est de voir comment on va pouvoir étendre notre capacité. » Il complète : « Il y a urgence pour nous tous de trouver des solutions probantes. » L’hôpital va vers de « graves difficultés », tance-t-il. Des difficultés « qui ne permettent pas d’honorer nos missions à la population ».
Souvent, les difficultés se concentrent sur les fins de semaine, lorsque les cabinets de villes sont fermés. « Cela demande à nos effectifs d’être fortement mobilisés, bien plus que ce qui est attendu d’habitude », complète le directeur d’établissement.
Les besoins aujourd’hui, sont de plusieurs ordres : un besoin de personnel, qui s’en est allé après la crise sanitaire et qui ne revient plus. Une augmentation du programme capacitaire de l’hôpital, ainsi qu’un travail de tous les acteurs (Ehpad, personnel à domicile, médecin traitant) autour des personnes âgées. Le défi est d’autant plus grand que le bassin de population nord franc-comtois est particulièrement vieillissant. « Nous manquons aussi de médecins orientés sur la prise en charge de ce public âgé », commente Jean-Baptiste Andreoletti, chirurgien et président de la commission médicale d’établissement. Or, aujourd’hui « les médecins à l’hôpital ne sont pas légion. »
Réserve sanitaire, pour un temps
Tous ces paramètres ont créé un besoin, celui de solliciter la réserve sanitaire. Depuis le début de l’année, elle a déjà été sollicitée deux fois. « Les arrivées sont conséquentes », commente Pascal Mathis. Dix infirmières, dix aides-soignantes, trois médecins. « Jamais, dans l’histoire de l’établissement, nous n’avions bénéficié d’une aide aussi complète. » Cela a permis d’ouvrir une quinzaine de lits supplémentaires. L’hôpital pourrait aller jusqu’à en ouvrir trente. Mais ce sont les bras qui manquent. « Le personnel manque cruellement dans nos services », souffle Pascal Mathis
Quand la réserve sanitaire repartira, la situation reviendra similaire. « Dès que l’on déplace du personnel d’un service vers un autre, il y a un problème car ils sont tous en tension. Lorsqu’on décale les prises en charge classiques, cela est problématique aussi. Car ce sont elles qui permettent justement d’éviter les prises en charge en urgence à cause d’un manque de suivi d’une pathologie », explique Jean-Baptiste Andreoletti, chirurgien et président de la commission médicale d’établissement. C’est un cercle vicieux.
La lassitude se ressent. Jean-Baptiste Andreoletti le dit sans détour : « L’hôpital a été conçu en supprimant les hôpitaux de Belfort et Montbéliard. Mais nous n’avons pas additionné les lits, nous avons dû en supprimer sur demande de l’agence (l’agence régionale de santé, NDLR). » En conséquence : l’hôpital est aujourd’hui sous-dimensionné par rapport au besoin de la population. Pascal Mathis complète même : « Nous avons mal mesuré, il y a 20 ans, le poids du vieillissement de la population. » Aujourd’hui, l’hôpital souffre. « Nous avons l’impression que la situation est insoluble. Nous arrivons au bout du système tel qu’il existait avant », souffle le président de la commission médicale d’établissement.