Quelques écoliers ont retrouvé le chemin de l’école jeudi. La majorité des quelque 139 écoles du Territoire de Belfort doivent rouvrir d’ici le 25 mai. Lutte contre les inégalités, crainte que ce ne soit qu’une garderie, continuité pédagogique à la maison, prise en charge psychologique du déconfinement ou encore projection sur le mois de juin.
Quelques écoliers ont retrouvé le chemin de l’école jeudi. La majorité des quelque 139 écoles du Territoire de Belfort doivent rouvrir d’ici le 25 mai. Lutte contre les inégalités, crainte que ce ne soit qu’une garderie, continuité pédagogique à la maison, prise en charge psychologique du déconfinement ou encore projection sur le mois de juin… Tour d’horizon des grands enjeux de cette rentrée scolaire particulière avec Eugène Krantz, directeur académique des services départementaux de l’Éducation nationale (Dasen) du Territoire de Belfort.
Combien d’écoles rouvrent dans le département dans les prochains jours. Combien d’élèves cela représente-t-il ?
Il y a trois écoles qui n’ont pas, pour l’instant, de date de réouverture ; les autres ouvrent toutes. C’est lié à des difficultés de configuration de locaux (le département comptabilise 139 écoles maternelles et élémentaires, NDLR). En moyenne départementale, 28 % des élèves (il y a plus de 12 000 écoliers dans le Territoire de Belfort, NDLR) ont des parents qui ont déclaré vouloir scolariser leur(s) enfant(s), avec des variations. Il y a souvent moins d’élèves en maternelles qu’en élémentaires. Il y a aussi moins d’élèves dans les quartiers politiques de ville (QPV), que dans les quartiers plus favorisés.
Cette réouverture est motivée par la lutte contre les inégalités. C’est-à-dire ?
Le contexte social et familial est très important dans la première étape éducative de découverte et de compréhension du monde. Déjà, quand les enfants vont à l’école de façon constante, il y a des inégalités. Mais quand ils n’y vont pas, il n’y a même pas cet apport de l’école ; cela ne permet pas de stimuler le développement de ceux qui ont moins de facilités de raisonner, de penser, de découvrir dans leur environnement familial. La lutte contre les inégalités, c’est avoir une école qui favorise le développement personnel et le développement de la compréhension du monde des jeunes enfants.
Il semble y avoir un décalage entre les inscriptions volontaires des familles et cet objectif…
Oui. Il serait intéressant que les gens se mobilisent pour expliquer aux familles l’importance de l’école. La façon dont les familles portent les enfants par rapport à l’école est un vecteur d’apprentissage. Et l’attente de l’école n’est pas la même pour les uns et pour les autres. Les uns savent que l’école est fondamentale pour réussir dans la vie. Les autres disent qu’ils vont à l’école parce que c’est obligatoire. Ce n’est pas du tout la même perception et les enfants perçoivent très vite l’intérêt que porte un parent.
Des voix se sont élevées, chez les enseignants mais aussi chez des politiques, pour dénoncer une école ressemblant aujourd’hui à une garderie plutôt qu’à un lieu d’apprentissage. Dans ce contexte, des professeurs questionnent aussi le sens de leur mission. Qu’en pensez-vous ?
Ils se trompent. Quand les enfants sont à l’école, ils apprennent quelque chose. Tous les enfants que j’ai interrogés hier (jeudi, à l’occasion des visites des écoles de Méziré et Offemont, NDLR) m’ont dit qu’ils étaient très heureux de revenir, de reprendre contact avec les copains et de se remettre au travail. Ils savent que l’école leur apporte quelque chose. La mission des enseignants est connue. C’est dommage qu’ils en doutent.
Au-delà de la lutte contre les inégalités, quels sont les autres enjeux du retour à l’école pour un élève. Des pédopsychiatres ont alerté sur les risques du confinement chez les enfants…
Même chez les adultes ! Quand on se coupe du monde, on est toujours en difficulté. L’homme est un être social. Les enfants ont besoin de nouer des liens sociaux avec d’autres enfants, pour pouvoir se développer. C’est un aspect important.
Reprise de l’école dans l’@acbesancon : rencontre du recteur @ChanetJF avec les élèves, les professeurs et les AESH de l’école Edmond Bour à Gray. Visite de l’école avec le Maire, Christophe Laurençot, et l’IA-DASEN de la Haute-Saône @MenissierLil.#NousReussironsEnsemble pic.twitter.com/tL1NgT4lKu
— Académie de Besançon (@acbesancon) May 14, 2020
Si le retour à l’école est basé sur le volontariat, l’instruction reste obligatoire. Comment va-t-on contrôler le travail à la maison ? A-t-on un contact avec toutes les familles ; c’était un objectif de l’Éducation nationale au début du confinement…
Cela a été un objectif tout au long du confinement. Et cela reste toujours un objectif officiel. Nous n’avions pas réellement de retours pour 5 à 8 % des élèves. Je ne sais pas si nous arriverons à réduire ça. C’est pas mal d’avoir touché autant de monde, c’est-à-dire plus de 90 %. On a des associations d’aide à la scolarité ; peut-être que nous pouvons les mobiliser. Elles ont déjà pris contact avec des familles qui ne donnaient pas de signes de vie pendant le confinement. Nous pouvons continuer aujourd’hui pour aider les familles à reprendre pied, pour faire à domicile si elles ont vraiment peur ou pour les inciter à aller classe.
Cette remise en route particulière, avec l’application des protocoles sanitaires, implique une proximité que l’on n’a sûrement jamais eu entre l’inspection académique et les municipalités. Comment se portent ces relations, sachant que vous avez autant de situations différentes que de communes ?
C’est même autant de situations que d’écoles. Globalement, il y a un intérêt des uns et des autres. Personne ne met en doute l’intérêt de l’école. On essaie de trouver les moyens ensemble, avec les directeurs d’école. De temps en temps, il y a des petites difficultés, des petites tensions, parce que les uns veulent mettre ça en place et que les autres ont du mal à le faire. Mais globalement, cela se régule. D’ici le 25 mai, l’essentiel des écoles auront rouvert. C’est-à-dire que nous aurons trouvé des solutions pour mettre en place cette distanciation qui est préconisée…
Quels sont les enjeux de la scolarisation jusqu’aux vacances ?
Les enjeux, ce n’est pas de faire le programme. Il faut consolider les connaissances essentielles, importantes pour la poursuite et pour ne pas perdre pied l’année prochaine. Les enseignants savent ça. L’année prochaine, il faudra adapter un petit peu. Pour moi, le principe de l’enseignement, ce n’est pas de faire le programme en listant tout ce qu’il faut aborder, mais de partir des compétences des élèves au moment où ils prennent la classe et les conduire aux compétences attendues en fin d’année. Ou en fin de cycle. Et de les faire progresser. Cela reste le défi. On commencera avec un peu moins de compétences, mais cela ne veut pas dire qu’on n’arrivera pas, au fil du temps, à rattraper. Je suis assez confiant sur la capacité des jeunes et des enseignants.
Le déconfinement est une période délicate. A-t-on prévu un accompagnement spécifique des élèves ? Et par extension, des enseignants ?
Nous avons accompagné les enseignants, en particulier dans le 1er degré. Nous avons gagné en capacité à mener des réunions à distance. Les inspecteurs et les conseillers pédagogiques sont en relation avec les enseignants pour les accompagner dans la reprise. Pour les élèves, nous avons prévu des fiches pédagogiques pour prendre le temps de faire le bilan du confinement et de les faire s’exprimer et de verbaliser une expérience un peu traumatisante, celle de rester brutalement chez soi pendant une période aussi longue.
Les psychologues scolaires vont avoir un rôle clé dans les semaines qui viennent…
Cette clé a déjà été sollicitée pour élaborer toutes ces fiches, où nous conseillons aux enseignants la démarche à suivre pour amener les enfants à parler. J’ai vu des situation où, par des jeux ou différentes astuces pédagogiques, on abordait ces sujets et on permettait aux enfants de s’exprimer. Il faut aussi un temps de reprise de l’école. C’est quasiment une rentrée scolaire à gérer.
Avez-vous déjà des précisions sur ce qu’il se passera au mois de juin ?
Je serai étonné qu’il n’y ait pas de demandes de scolarisation plus importantes, à partir du 2 juin. Il est prévu de refaire le point sur cette question et de réinterroger les parents sur leur demande de scolarisation. Il n’est pas prévu, dans le schéma de l’Éducation nationale, initialement, d’accueillir tout le monde, à plein temps. Si on mobilise tout le monde à plein temps, nous n’aurons plus les moyens pour la continuité pédagogique. Nous aurons donc besoin de l’appui des collectivités territoriales, dans le cadre d’un dispositif 2S2C (sport, santé, culture, civisme). Ce sont des activités éducatives autour du sport, de la santé de la citoyenneté et de la culture. Elles seraient portées par les collectivités locales, pour lesquelles elles auraient un financement de l’État, en conventionnant avec l’Éducation nationale, afin que les enseignants puissent consacrer leur temps à de l’enseignement. À côté, vous pouvez avoir des activités éducatives qui soient faites par d’autres personnes que les enseignants, à destination des enfants dont les parents ne peuvent pas rester à la maison un jour sur deux. C’est le principe d’organisation qui a été retenu.