Il était sur le pont à 3 heures du matin, a enfourné ses 500 viennoiseries du dimanche, préparé ses pizzas et livré ses commandes. Puis il a enfilé sa veste blanche de boulanger sur son t-shirt enfariné et il est entré officiellement en campagne, celle des législatives de juin.
(AFP)
Il était sur le pont à 3 heures du matin, a enfourné ses 500 viennoiseries du dimanche, préparé ses pizzas et livré ses commandes. Puis il a enfilé sa veste blanche de boulanger sur son t-shirt enfariné et il est entré officiellement en campagne, celle des législatives de juin.
Stéphane Ravacley, le « boulanger humaniste » de Besançon, s’est taillé une stature nationale depuis qu’il a obtenu la régularisation de son apprenti guinéen, au prix d’une grève de la faim de dix jours l’an dernier, et qu’il a organisé un spectaculaire convoi humanitaire pour l’Ukraine. Sur le petit marché dominical du centre-ville de Besançon, au pied de l’imposante Citadelle et à deux pas de sa boulangerie et de la maison natale de Victor Hugo, il distribue pour la première fois des tracts de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes) à son effigie. Une voiture noire s’arrête et le conducteur l’interpelle. « Votre combat nous a tous émus, gardez votre motivation, on a tous besoin de gens comme vous ! », lance Rachid Berdi, un éducateur spécialisé de 48 ans. Toujours prompt à enrôler ceux dont il croise le chemin, Stéphane Ravacley lui donne rendez-vous dans l’après-midi. Coupe au carré et lunettes de soleil sur le nez, Gisèle Lagier s’interroge. « Je vote habituellement à droite mais parfois, une personne peut vous faire changer. Stéphane Ravacley, c’est mon boulanger, je le connais bien, il a de grandes idées et surtout, un grand coeur », observe-t-elle.
Peur de rien
L’intéressé garde pourtant la tête froide. Car il le sait bien, il faudra convaincre les sceptiques comme Maurice Jimenez, un modeste retraité qui se « méfie ». « J’espère que ce n’est pas un opportuniste, que c’est sérieux et sincère », bougonne l’ancien carreleur. Un commerçant, élu local qui préfère rester anonyme, enchaîne: « Sur le plan humain, relationnel, il est très bien » mais « à lui de faire ses preuves » en politique. Stéphane Ravacley ne se fait guère d’illusions aussi sur ces forces de gauche qui l’ont investi parce qu’il n’est plus un simple « quidam » mais un candidat courtisé par les médias nationaux. Face à lui, le député Renaissance sortant, Eric Alauzet, candidat à sa propre réélection et encore tout auréolé de son titre de « député le mieux élu » de Franche-Comté avec plus de 62% des voix au second tour de 2017. « Je n’ai peur de rien », assure malgré tout le boulanger. Va-t-il gagner ? La réponse fuse : « bien évidemment, sinon, je n’irais pas, quel que soit le combat, je suis parti sans penser à la défaite, que ce soit la grève de la faim ou l’Ukraine ». Quand le candidat de 53 ans à la silhouette replète parle de son élection, le conditionnel n’est pas de mise. Il s’imagine déjà de retour dans sa « circo » avec « l’envie de se battre pour représenter les personnes qui, comme moi, sont en attente d’un renouveau ».
Un boulanger à l'Assemblée
Sur ses tracts, figure le programme de la Nupes. Mais lui trace déjà sa feuille de route avec deux priorités: poursuivre son combat en faveur des jeunes, apprentis étrangers menacés d’expulsion ou issus de l’aide sociale à l’enfance, et promouvoir une écologie « pratique et pragmatique ». La troisième est sa « liberté de parole et de faire » à laquelle il promet de ne jamais renoncer, soulignant qu’il n’est pas « encarté », même s’il siègera sur les bancs d’EELV à l’Assemblée s’il est élu. Pour Anthony Poulin, adjoint au maire EELV à Besançon, qui tracte à ses côtés, il est heureux que les partis de gauche « se soient mis d’accord pour envoyer un boulanger à l’Assemblée », avec cette « fraîcheur et une autre façon d’aborder les combats » qui « plaît aux jeunes et à ceux qui n’ont plus confiance dans la politique ». Nabia Hakkar-Boyer, conseillère régionale PS, suppléante désignée, ne dit pas autre chose: « Moi qui suis militante depuis un certain nombre d’années, je n’avais jamais vu ça, autant de citoyens qui s’impliquent dans une campagne ». Et elle aussi n’en doute pas : « On va gagner ». Après une courte sieste, Stéphane Ravacley a enchaîné avec son investiture officielle par Nupes dans un parc de la ville devant une petite centaine de militants. « C’est compliqué pour le sommeil mais tellement excitant ».