La docteure Anne-Sophie Dupond, dermatologue, est présidente de la commission médicale d’établissement (CME) de l’hôpital Nord-Franche-Comté. Elle représente les médecins. À l’occasion du déconfinement, tour d’horizon de la situation sanitaire liée au covid-19 et de l’organisation de l’établissement.
La docteure Anne-Sophie Dupond, dermatologue, est présidente de la commission médicale d’établissement (CME) de l’hôpital Nord-Franche-Comté. Elle représente les médecins. À l’occasion du déconfinement, tour d’horizon de la situation sanitaire liée au covid-19 et de l’organisation de l’établissement hospitalier.
Que vous inspire le déconfinement ?
Le déconfinement, dans la population générale, n’équivaut pas à un déconfinement à l’hôpital Nord-Franche-Comté. Nous devons continuer à être très restrictifs sur nos façons de prendre en charge les patients, afin de garder toute la sécurité vis-à-vis du virus. Nous avons toujours gardé toutes les activités urgentes ; nous redéveloppons actuellement les activités non urgentes, celles qui entraîneraient une perte de chance aux patients si ces activités étaient encore repoussées. Il y a encore beaucoup d’activités que nous ne sommes pas en capacité de faire actuellement(1).
Quelle est la situation de la pandémie à l’HNFC ?
Nous sommes sur la phase décroissante du plateau. La décroissance n’est pas aussi abrupte que nous l’aurions souhaité, puisqu’il y a encore beaucoup de patients atteints du covid-19 hospitalisés. Ils sont répartis dans trois secteurs : l’hospitalisation conventionnelle, à Trévenans ; le service de réanimation, à Trévenans ; et le secteur des soins de suite, sur les sites du Mittan (Montbéliard, NDLR) et de Bavilliers.
Combien de patients covid-19 accueille l’hôpital ?
Ce matin (mardi, NDLR), c’étaient 137 patients, dans les trois secteurs. Bien que le nombre de patients ait fortement diminué en service réanimation, il persiste des patients dans ce secteur (Le 7 mai, Santé publique France évoquait 52 % d’occupation de ce service, comprenant actuellement 25 lits. À l’échelle de la région, l’ARS évoque un taux d’occupation inférieur à 60 % ce mardi 12 mai, par rapport aux capacités initiales NDLR).
L’HNFC a ouvert jusqu’à 8 unités covid-19, en secteur conventionnel. Combien sont-elles aujourd’hui ?
Aujourd’hui, nous sommes à 3 unités covid-19, en secteur conventionnel. Ces unités covid-19 ne sont pas des lits que nous avons créé. Ce sont des lits qui ont remplacé des lits d’hospitalisation. Nous nous adaptons tous les jours au nombre de patients atteints du covid-19, qui doivent être isolés dans des services ; mais nous nous adaptons aussi au nombre de patients non atteints du covid-19 qui reviennent. Pendant plusieurs semaines, nous avons eu un creux de ces hospitalisations. Nous déplaçons le curseur.
Repères
Les données de la pandémie dans la région (12 mai) :
- 896 patients hospitalisés
- 105 patients en réanimation
- 947 décès à déplorer
- 2 847 personnes sorties d’hospitalisation
Dans les cartes publiées le 7 mai, la Bourgogne-Franche-Comté est en rouge. Elle est en rouge vis-à-vis de la tension sur le système hospitalier et non pas vis-à-vis de la circulation du virus. Le déconfinement risque-t-il d’inverser cette tendance…
Nous craignons cette 2e vague. Il faut que le citoyen comprenne que les règles qu’on va lui redonner par rapport au déconfinement sont strictes. Nous savons que les mesures barrières sont très efficaces : le masque, la distanciation sociale et le lavage des mains. Au début, quand nous avons reçu la vague, ces mesures n’étaient pas appliquées. Nous espérons que tous les citoyens vont avoir l’obéissance de faire ce qu’on leur demande. Ensuite, nous espérons que tout le système que les ARS (agences régionales de santé, NDLR) mettent en place sur le dépistage du patient et sur le fait de tracer ses proches sera efficace (lire par ailleurs, en fin de l’article).
Comment l’hôpital organise-t-il cette flexibilité ? Vis-à-vis de la pandémie et du fonctionnement « normal » de l’hôpital ?
Des réunions de crise sont organisées quotidiennement pour avoir cette vision globale du nombre de patients covid-19 hospitalisés, du nombre de patients non covid-19, des personnels, des médecins, afin d’entraîner, au jour le jour, une organisation réversible. Nous avons encore de la marge en réanimation. Si, subitement, des patients devaient être hospitalisés en plus grand nombre, nous sommes en capacité de le faire. Si jamais il fallait augmenter de nouveau, nous ferons exactement le même système que nous avons fait la dernière fois. Mais nous sommes aidés par l’ARS. Nous savons que la gravité d’un patient covid-19 arrive dans les 7 à 10 jours après la contamination. Nous avons des indices quotidiens délivrés par l’ARS ; s’il y a un nombre de malades covid-19 chez eux qui augmentent, il faudra que nous nous mettions en alerte.
Le déconfinement marque une « fin » pour une partie de la population. Les services hospitaliers, de leurs côtés, seront encore marqués pendant de nombreuses semaines par la pandémie…
Non seulement, nous allons être marqués, mais je pense que les hôpitaux vont devoir s’habituer à fonctionner avec le covid-19. Nous ne savons pas si l’épidémie va s’arrêter et repartir à l’automne. Nous ne savons pas s’il y aura un vaccin dans l’année qui sera efficace. Il y a plein d’inconnues. Les hôpitaux vont être obligés de s’adapter et de vivre avec le covid-19, avec des circuits différents pour ne pas mélanger les patients qui ont le covid-19 des patients qui ne l’ont pas.
Les soignants travaillent d’arrache-pied depuis plus de deux mois. On a des témoignages de personnes épuisées. Des soignants ont aussi été atteints du covid-19. A-t-on encore des ressources à l’hôpital pour supporter la suite ? Comment faites-vous pour tenir debout ?
(sourire, masqué !) D’être dans le feu de l’action, ça calme les angoisses ! (rire) Il y a eu plusieurs centaines d’agents contaminés (On recense 310 agents hospitaliers de l’hôpital Nord-Franche-Comté qui ont été atteints du covid-19, soit environ 8 % des effectifs. 256 sont guéris et repartis au travail, informe la direction, NDLR). Les soignants contaminés ont souffert et ont été absents. Il a fallu les remplacer. C’est un casse-tête au quotidien. C’est notre métier. Il faut continuer. On ne peut pas s’arrêter.
L’ARS a renouvelé son appel aux bonnes volontés, à la suite du déconfinement (retrouvez notre article)…
Au niveau médical, nous avons eu la bonne surprise d’avoir énormément de confrères qui sont venus nous aider, soit des confrères qui étaient de jeunes retraités, soit des confrères qui exerçaient en milieu libéral, des généralistes ou des spécialistes. Ils sont repartis en début de semaine pour exercer leur métier dans leur cabinet. On les remercie. Ils nous aidaient beaucoup. On craint cette 2e vague parce que nous avons peur de ne pas avoir les mêmes ressources. D’autre part, avec le confinement, des patients ont arrêté de consulter ou de voir leur médecin traitant. Il est grand temps qu’on les soigne. Mais les hôpitaux ne sont pas extensibles à l’infini. Si nous devons conserver, par exemple, 50 lits covid-19 dans l’hôpital, c’est aux dépens des patients non covid-19. Il va falloir que ces deux catégories de population puissent être soignées à la hauteur de ce dont elles ont besoin. C’est le challenge qui nous est imposé.
Aujourd’hui, quel message adressez-vous à la population ? Que devons-nous faire pour vous aider ?
Il faut rester très prudent et obéissant à ce que nous demandent de faire les autorités. Il ne faut pas en faire moins, parce qu’il faut vivre, il faut travailler. Mais il ne faut surtout pas vouloir en faire plus.
- (1) Depuis le 11 mai, les visites sont par exemple de nouveau autorisées à la maternité pour les conjoints et conjointes des patientes. Une seule visite est possible, à partir de 15 h et jusqu’à 20 h ; toute sortie est définitive ; obligation de rester dans la chambre ; disposer d’une attestation reçues en salle de naissance ; ne pas avoir de symptômes d’infection du covid-19 ; ne pas avoir été en contact dans les 15 jours avec une personnes infectée ; toujours avoir un masque.
Contacter rapidement son médecin, en cas de symptômes
« La reprise progressive de la vie sociale exige une vigilance collective, en particulier en cas de symptômes évocateurs du covid-19 », interpelle l’agence régionale de santé, dans son bulletin quotidien, ce mardi 12 mai. Ces symptômes sont : fièvre, toux, perte brutale de goût et de l’odorat. Dans ces cas-là, il faut joindre son médecin traitant ou un médecin de garde. En cas de suspicion, le médecin prescrira un test de diagnostic virologique à réaliser en laboratoire de biologie médicale. Si ce sont des symptômes graves, comme des difficultés respiratoires, il faut composer le 15. « Après la période de confinement, indique l’ARS, l’organisation du système de soins, qui repose sur le fort engagement des professionnels de santé de ville aux côtes des hospitaliers, permet de tester rapidement, prendre en charge les personnes malades de façon optimale, tracer les personnes contacts, isoler les porteurs du virus et mettre en quatorzaine leurs proches contacts. » Puis de conclure : « Pour nous tous, la prudence et les règles de prévention restent de mise : gestes barrières, respect de la distanciation physique minimale d’un mètre, réduction du nombre de nos contacts. »