L’Union des familles laïques (UFAL) de Belfort, créée il y a un an, veut attirer l’attention sur les dérives dans les établissements scolaires. Fin mars, une rencontre a eu lieu entre des représentants de l’association, la direction des services départementaux de l’Éducation nationale (DSDEN) du Territoire de Belfort et la principale du collège Simone-Signoret. En ligne de mire : ce que l’UFAL qualifie de « faits d’entrisme de représentants de croyances ésotériques à dérives potentielles » au sein d’établissements de l’académie de Besançon.
Dans un courrier adressé après cette rencontre, transmise à notre rédaction le 3 mai, le collectif précise le cadre de sa démarche : « Notre démarche se veut constructive, mais la répétition des faits nous inquiète. Notre position est celle d’une association familiale attachée aux acquis républicains de la tradition humaniste. Il devient urgent de ne plus se contenter d’éléments de langage, mais de mettre en place des procédures sérieuses de préservation de l’espace et du sérieux de l’enseignement scolaire, sans confusion déontologique. »
Les représentants de l’UFAL se disent solidaires du personnel de l’Éducation nationale, mais alertent sur la multiplication de « diverses formes d’entrisme ou de complaisance à l’égard d’idéologies irrationnelles à potentielles dérives sectaires ». Parmi les exemples évoqués figure l’intervention d’une professeure de yoga au collège Simone-Signoret, un cas également dénoncé publiquement par le maire de Belfort (lire notre article).
« Pas totalement rassurés »
.L’association concède, dans sa lettre transmise à la Dasen : « Vos réponses nous ont partiellement satisfaits quant à l’absence d’influence nocive constatée à la suite de la pratique avec des élèves. » Mais ajoute : « Elles ne nous ont pas totalement rassurés sur la capacité de vigilance des équipes pédagogiques et leur sensibilisation à ces risques. »
Au-delà de ce cas précis, le collectif évoque d’autres épisodes troublants relayés dans la presse et par leur réseau syndical : des promotions de « pratiques thérapeutiques non conventionnelles associées à des discours ésotériques » par une association de personnels du rectorat ou encore une formation dans une école sur les « compétences psychosociales », animée selon eux « par une adepte de thérapies fantastiques potentiellement dangereuses ».
L’UFAL considère que ces situations dérogent aux principes déontologiques et laïques attendus de l’institution scolaire. « Cet entrisme est en contradiction avec les éléments de langage que vous nous avez exprimés sur la formation et la sensibilisation des enseignants », écrit l’association à la Dasen. Et de poursuivre : « Nous voyons là un risque sérieux qui permet de penser que les enseignants eux-mêmes ont pu être influencés contre leur gré, par un contexte dont les repères déontologiques et réglementaires deviennent flous. »
Une demande de vigilance renforcée
Selon l’UFAL, ce type d’interventions mine les fondements mêmes de l’Éducation nationale. « L’introduction de ces croyances dans un collège est contraire au principe de laïcité et à la vocation de l’Éducation nationale de transmettre des savoirs établis scientifiques. Il nous paraît difficile, voire contradictoire, de contrôler les signes religieux à l’entrée des écoles et dans un même temps d’ouvrir la porte à ce type de propagande. »
Le collectif interroge également les mécanismes de sélection des intervenants. Concernant l’intervenante en yoga, il se demande : « Pourquoi le CV, l’expérience, les qualifications et les références des intervenants ne font pas l’objet d’une vérification sérieuse, d’autant qu’une simple investigation sur leurs sites internet révèle ces dérives ? »
Afin de proposer des solutions, l’UFAL insiste sur l’importance d’un cadre rigoureux. Elle recommande notamment une « formation et sensibilisation des personnels aux discours dangereux et [une] maîtrise de technique de vigilance, si possible sous l’autorité de la Miviludes ». Elle appelle également à la « contractualisation rigoureuse de l’exigence pédagogique de ce type de projet, avec des objectifs précis, et la vérification complète des compétences et du sérieux des intervenants », ainsi qu’à une « définition des responsabilités de l’encadrement par le personnel de ces activités et des moyens de contrôle ».
Dans un contexte de montée des discours complotistes, l’UFAL regrette que « le risque de légitimation d’une croyance » ne soit pas « mieux évalué ». Elle plaide pour une clarification des principes encadrant les interventions extérieures dans les établissements scolaires.
« Pas de dérives sectaires »
Cette lettre du collectif, transmise début mai et citée dans le papier, a été écrite quelques jours après le dévoilement, par nos confrères de l’Est Républicain, d’une enquête sur la présence d’une intervenante au collège Simone-Signoret, à Belfort. Celle-ci a animé trois séances de yoga dans un collège, suscitant des préoccupations après sa présentation comme « artiste et alchimiste du vivant ».
Le 7 mars, contacté par nos soins, le rectorat assurait qu’aucune dérive n’avait été constatée. « Les intervenants n’interviennent jamais seuls. Pour ces cours, un assistant d’éducation ou le coordinateur était toujours présent. » Et d’ajouter : « Sur ces sessions précises, il n’y a pas eu de problématique particulière. Mais nous n’avons pas de regard sur les activités que l’intervenante peut mener en dehors du cadre scolaire. En tout cas, il n’y a pas eu de dérive sectaire dans le cadre de ces séances. »
« De manière générale, de nombreux intervenants passent dans les établissements scolaires, notamment des associations qui ne sont pas toujours composées de pédagogues et peuvent tenir des propos inadéquats. C’est pour cela qu’un adulte de l’établissement est toujours présent pour contextualiser et encadrer les interventions », précisait encore l’institution qui souhaitait rassurer sur la méthode.
Que dit la loi sur les intervenants extérieurs ?
Selon le cadre légal, seuls les titulaires d’un diplôme ou d’un certificat de qualification enregistré au répertoire national des certifications professionnelles peuvent enseigner, animer, encadrer une activité physique ou sportive contre rémunération.
« Mais si un intervenant n’a pas un agrément délivré par le ministère ou l’académie, une validation interne (conseil pédagogique, chef d’établissement) peut suffire, à condition de respecter les principes de la circulaire », précise le rectorat.
Le cadre juridique général repose sur la circulaire n° 2017-116 du 6 octobre 2017 relative aux intervenants extérieurs, qui précise les conditions et modalités d’intervention en milieu scolaire. Elle rappelle notamment que l’intervention doit être en cohérence avec les programmes scolaires et le projet d’établissement. Le contenu de l’intervention doit être validé par les enseignants concernés et le chef d’établissement. Les enseignants restent présents durant l’intervention, car ils gardent la responsabilité pédagogique.