Razia Askari voulait être « libre » mais son mari Rashid l’a égorgée en 2018 à Besançon : reconnu coupable d’assassinat vendredi par la cour d’assises du Doubs, sans se remettre aucunement en question, il a été condamné à 30 ans de réclusion criminelle.
Angela Schnaebele – AFP
Razia Askari voulait être « libre » mais son mari Rashid l’a égorgée en 2018 à Besançon : reconnu coupable d’assassinat vendredi par la cour d’assises du Doubs, sans se remettre aucunement en question, il a été condamné à 30 ans de réclusion criminelle.
La cour, qui a suivi les réquisitions du ministère public, a assorti la condamnation d’une période de sûreté des deux-tiers de la peine, et a prononcé le retrait total de son autorité parentale, ainsi qu’une interdiction du territoire français à l’issue de son incarcération.
« Il m’a dit que je ne pourrais pas lui échapper, qu’il ne me lâcherait pas. Il m’a dit qu’il me tuerait à coups de couteau. Je suis réellement en danger. » Par ses mots prémonitoires, Razia Askari, 34 ans, avait appelé à l’aide avant sa mort. « Forte de cette rage de s’en sortir, de cette rage d’élever ses enfants », la jeune Afghane de 34 ans avait eu le « cran » de fuir cet homme qui la battait depuis leur mariage, note Me Aurélie Roques, avocate de l’association Solidarité Femmes.
Mais lui « n’a pas accepté cette séparation, cela a généré une frustration intolérable », a relevé l’avocat général Etienne Manteaux. « Il était décidé à la tuer et à rentrer dans un pays où il pourrait redevenir un homme dominant », a tancé le magistrat. Le 30 octobre 2018, Rashid Askari a mis a exécution ses menaces. Après avoir suivi son épouse à sa descente du tramway, il lui a asséné 19 coups de couteau et l’a égorgée, l’abandonnant dans une mare de sang. Il a été arrêté trois jours plus tard à l’aéroport d’Athènes où il avait fui. Il l’a « traquée », selon M. Manteaux : « Il vient à Besançon, il trouve son numéro de téléphone, il trouve son logement » et prépare une importante somme d’argent pour assurer sa cavale.
"Le pire traumatisme"
Les avocats de l’accusé, Mes Randall Schwerdorffer et Baptiste Monnot, réfutent cette vision. « Ce n’est pas un homme qui a traqué sa femme pour l’exécuter, c’est un homme qu’on a privé de ses enfants, alors qu’il avait le droit de les voir, c’est un homme qui était dos au mur. » Ils ont reproché à l’association de lutte contre les violences faites aux femmes qui a soutenu la victime d’avoir « provoqué des crispations phénoménales » en éloignant les enfants de leur père de manière illégale.
Jugé depuis mercredi, l’accusé, âgé de 41 ans, a reconnu avoir tué son épouse, mais a réfuté toute préméditation. Il a minimisé sa responsabilité, accablant la jeune femme décédée, sa belle-famille et l’État français, au grand dam de ses fils qui n’attendaient de lui qu’une seule chose : « Qu’il assume ce qu’il a fait à (leur) mère. » « Elle est partie faire des courses, ses enfants ne l’ont jamais revue », a plaidé avec émotion Me Céline Party, conseil des deux fils du couple, âgés de 12 et 15 ans. Rashid Askari « devait leur donner de l’amour, il leur a pris ce qu’ils avaient de plus précieux. C’est le pire traumatisme ».
Originaires d’Afghanistan, Razia Askari et ses enfants l’avaient rejoint en 2017 pour s’installer en France. Mais très vite, elle avait déposé sept plaintes contre son mari, à Marseille et à Besançon, pour violences volontaires, viol et menaces de mort réitérées notamment.
"Améliorer nos pratiques"
Après avoir demandé le divorce, elle avait obtenu en juillet 2018 une ordonnance de protection délivrée par un juge des affaires familiales, interdisant à son mari de l’approcher. « Qu’est ce qui s’est passé pour qu’on n’ait pas pu interrompre cet enchaînement dramatique ? » s’est interrogé le ministère public. « Dire que la parole de madame Askari n’a pas été écoutée, c’est injuste », a-t-il estimé, jugeant que les plaintes avaient été traitées selon le droit français. Mais « pour autant, c’est un échec, compte tenu de cet acte épouvantable (…) Depuis, nous avons essayé d’améliorer nos pratiques », a-t-il noté.
Rashid Askari prétend qu’il aimait sa femme. Pour Me Nicole Rigoulot, avocate des frère et soeurs de Razia: « Non, ce n’est pas un trop plein d’amour, c’est un trop plein de pouvoir, de possession. Tu es à moi. Je préfère te voir mourir plutôt que de te voir partir libre ! »