Le commissariat de police de Belfort a aménagé un nouvel espace pour accueillir les victimes de violences graves, notamment les femmes, particulièrement touchées par les violences conjugales. Un espace qui doit créer un environnement propice au recueil de la plainte ou du témoignage. Qui doit permettre aussi de créer un sentiment de confiance et de sécurité.
Le commissariat de police de Belfort a aménagé un nouvel espace pour accueillir les victimes de violences graves, notamment les femmes, particulièrement touchées par les violences conjugales. Un espace qui doit créer un environnement propice au recueil de la plainte ou du témoignage. Qui doit permettre aussi de créer un sentiment de confiance et de sécurité.
C’est un symbole. Mais comme tous les symboles, sa portée est essentielle. En ce mercredi 25 novembre, proclamée depuis 1999 par l’Organisation des Nations unies (ONU) comme la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, le commissariat de police de Belfort inaugure un nouvel espace dédié à l’accueil des victimes.
Confiance
Dans cette pièce rénové qui sent encore la peinture fraîche, située au cœur du commissariat mais dans un lieu peu passant, on va dorénavant accueillir les victimes de violence grave. Oubliez les téléphones qui sonnent. Oubliez le tapage du collègue qui vous interpelle en entrant dans le bureau sans frapper parce qu’il vient de recevoir les dernières analyses. Oubliez aussi ces tiroirs qui claquent. Les gens qui braillent. Et la noria qui anime les couloirs du commissariat. Un commissariat de police est un espace qui fourmille et qui s’agite 24 heures sur 24. Pas toujours propice à l’écoute et à la concentration.
En entrant dans cette pièce, on aperçoit à gauche un canapé, un petit tapis, une table basse, une orchidée, des jeux pour enfant. Devant, on voit un bureau qui s’apparente plutôt à celui d’un psychologue. Au mur, un grand cadre représente un étang, avec au premier plan des roseaux et au loin une forêt ; l’image est apaisante. Calme. Bientôt, cette pièce sera équipée d’un système d’enregistrement vidéo.
Ce lieu doit permettre de recueillir les plaintes et les témoignages des victimes de violences graves, et notamment les victimes de violences conjugales. « Nous avons un endroit où nous pouvons nous isoler », confie le commandant Béatrice Détienne, chef de l’unité judiciaire de Belfort, à l’initiative de ce projet. « On peut se confier à l’enquêteur et se sentir en toute confiance », apprécie l’officier de police.
Audition Mélanie
Cette nouvelle pièce est identifiée pour accueillir les victimes de violences conjugales. Mais elle pourra être utilisée pour toutes les violences graves remarque le commandant Béatrice Détienne. Elle pourra aussi être utilisée pour auditionner les enfants mineurs, selon la méthode de l’audition Mélanie, une technique venue du Canada (retrouvez ici la présentation de cette méthode faite par l’association Innocence en danger). Le lieu doit être neutre afin d’éviter à l’enfant d’être déconcentré. L’entretie est aussi enregistré en vidéo, pour éviter de lui faire répéter les choses. Dans cette méthode, des jouets peuvent être utilisés pour notamment l’aider à localiser les zones lorsque cela concerne des attouchements sexuels. Les policiers interviennent sans uniforme, pour ne pas trop l’impressionner.
Le commandant Béatrice Détienne reconnaît que, jusqu’à aujourd’hui, le recueil des témoignages des victimes n’était pas toujours réalisé dans des conditions propices. Les contraintes bâtimentaires favorisaient les sources de dérangement : pollutions sonores ; pollutions visuelles. Un environnement parfois oppressant pour les victimes.
557 faits de violence dans le département
Créer ce lien de confiance est pourtant fondamental. Car passer le pas de la porte d’un commissariat n’est pas simple pour les victimes de violences. Pour certains, sortir du domicile peut même être particulièrement compliqué : il peut y avoir des menaces ; on peut simplement vouloir protéger les enfants. Les raisons sont multiples. Les dispositifs s’améliorent : recueil de plainte à l’hôpital, dispositif d’alerte depuis une pharmacie. Mais il faut aller plus loin pour mieux accompagner la démarche des victimes dans ces violences qui continuent de croître : en 2019, les services de police et de gendarmerie ont enregistré une hausse de 16 % de ces violences en France.
En 2019, 146 femmes et 27 hommes ont été tués par leur partenaire ou ex-partenaire en France. 25 enfants mineurs sont aussi morts, « tués par un de leurs parents dans un contexte de violences au sein du couple », rappelle le site du Gouvernement Arrêtons les violences. Dans le Territoire de Belfort, 557 faits de violences intra-familiales ont été constatés en 2019. Des violences qui sont protéiformes. Elles sont parfois physiques. Parfois psychologiques. Parfois sexuelles. Parfois économiques. Elles sont souvent pernicieuses. « et les victimes ne s’en rendent pas forcément compte », alerte Anna Labeda, substitut du procureur au tribunal judiciaire de Belfort, mettant ainsi le doigt sur toute la complexité de ces dossiers.
Prévenir la récidive
« La société a ouvert les yeux, constate Jean-Marie Girier, le préfet du Territoire de Belfort. Cela a libéré la parole. » Les forces de sécurité doivent donc accompagner ce mouvement. Des policiers ont été formés par des associations actives, comme Solidarité Femmes. Des gendarmes du Territoire de Belfort sont aussi en cours de formation. « Il faut une écoute attentive et réelle », confirme Anna Labeda, avant de résumer la démarche qui doit « garantir la dignité des victimes. » La substitut du procureur évoque aussi tout cet environnement policier et judiciaire – enquête, procédure, plainte, vérité judiciaire, magistrat, preuves… – « qui est un monde inconnu et incompris » des victimes. « C’est une source d’angoisse ou d’incompréhension », insiste-t-elle.
Pour la justice, l’enjeu est aussi de prévenir la récidive. Les personnes qui meurent sous les coups de leur partenaire sont souvent des personnes victimes de violence auparavant. Il est donc essentiel de savoir écouter en amont, de réussir à entamer des procédures. Cet espace doit aussi faciliter le travail de l’enquêteur.
Cet aménagement illustre la nouvelle manière de penser un commissariat. Celui de Belfort a été construit en 1978. Autre temps. Autres mœurs. À l’époque, c’était un lieu opérationnel. Uniquement. Aujourd’hui, on repense la place de la victime. Elle est « au centre », observe le préfet. Dans cette dynamique, une réflexion est entamée pour repenser l’accueil du commissariat et garantir plus de confidentialité.