Hugo Guéritaine
« Laissons-les grandir ici. » La banderole est brandie par la Ligue des droits de l’Homme (LDH) du Territoire de Belfort dans la cour de la préfecture de Belfort, ce mercredi 26 juin. Depuis deux ans, la LDH soutient une famille arménienne de Belfort pour éviter son expulsion du territoire national. Arsen Mirzoyan et Lusine Hovhannisyan sont les parents de quatre garçons, âgés de 1 mois à 10 ans. Et ils sont tous menacés d’expulsion depuis la dernière OQTF (Obligation de quitter le territoire français), prononcée en novembre 2022. Mais ils ne souhaitent pas retourner en Arménie. Le pays est au cœur d’un conflit frontalier avec l’Azerbaïdjan dans la région du Haut-Karabakh. « Je ne suis pas quelqu’un qui demande les papiers pour ne rien faire et vivre des aides. Il est juste impossible pour moi et ma famille de retourner là-bas », déclare Arsen Mirzoyan.
Arrivé en 2005 à Paris, sans titre de voyage, Arsen Mirzoyan a rejoint, par la suite, sa maman et sa sœur à Belfort. Puis, il est rejoint par sa compagne Lusine Hovhannisyan en 2013. Tous leurs enfants sont nés en France et trois d’entre eux sont scolarisés à Belfort. Alors, dans la cour de la préfecture se tiennent également les directrices des écoles où sont les enfants. « Les enfants sont très bien intégrés », déclare l’une d’entre elles. Cette action de se rendre en préfecture marque la volonté de se faire entendre. « On veut montrer que la famille Mirzoyan-Hovhannisyan souhaite s’intégrer. Les enfants parlent français et [leur papa] veut travailler le plus rapidement possible. Il y a même deux entreprises qui sont prêtes à l’embaucher dès maintenant », argumente Chantal Philippon, dossier à la main.
Dans celui-ci, plusieurs courriers. D’abord, des écoles et de la Ligue des droits de l’Homme. Mais également des lettres d’élus : une de Christophe Grudler, député européen Renew, réélu le 9 juin (lire notre article) ; et l’autre de Ian Boucard, député Les Républicains (LR) sortant de la 1re circonscription du Territoire de Belfort (Sud Territoire). « Nous venons demander au préfet (Raphaël Sodini, NDLR) d’accorder un titre de séjour pour raisons humanitaires à cette famille. C’est le seul recours qu’il nous reste », appuie Chantal Philippon. Le 23 novembre 2023, lors de la dernière rencontre entre le préfet et la LDH, il avait laissé entendre qu’aucune mesure d’expulsion ne serait tentée d’ici la fin de l’année scolaire. Mais celle-ci se finissant la semaine prochaine, il y avait un caractère urgent à agir pour l’association. La venue du petit cortège dans la préfecture est, dans un premier temps, mal perçue. « Restez-là, indique un membre de la préfecture. Puis de pointer notamment du doigt Chantal Philippon : Juste vous deux, pouvez rentrer. » Après cinq minutes d’entrevue avec Renaud Nury, le secrétaire général de la préfecture du Territoire de Belfort, les deux interlocutrices ressortent.
Une déception, puis l’espoir
Dans un premier temps, la seule promesse concernait l’étude du dossier par le préfet. Mais quinze minutes plus tard, un appel téléphonique vient bousculer la famille. « Le secrétaire de la préfecture vient de me joindre. Il s’excuse de son énervement, donne le dossier aujourd’hui au préfet (mercredi 26 juin NDLR) et s’engage à nous recevoir dans les quinze jours pour en discuter », annonce Chantal Philippon. « Je pense que ce qui bloque le dossier est la condamnation il y a 20 ans de Monsieur Mirzoyan, quand il est arrivé sur le sol français », expose Chantal Philippon. En effet, il avait été condamné pour violences sexuelles. La personne qui l’a accusée est, par la suite, revenue sur ses dires ; Arsen Mirzoyan a cependant purgé sa peine de prison.
L’organisation de cette rencontre est un soulagement pour Arsen Mirzoyan, qui ne peut masquer son émotion devant la préfecture. Il a remercié l’engagement de ses soutiens. « S’ils veulent nous revoir, c’est qu’il y a de l’espoir. » Les différents participants à ce rassemblement essaient de rassurer Lusine Hovhannisyan, la maman. La procédure est donc toujours en cours. Recontactée ce jeudi, Chantal Philippon a précisé que l’entrevue avec le préfet est programmée ce mardi 2 juillet. Elle sera menée en présence de la LDH et de Serge Darakjian, l’un des employeurs potentiels du père de famille. Par téléphone, la préfecture confirme la tenue de cette réunion et communiquera plus amplement après la rencontre.