Depuis l’automne 2017, la délégation militaire départementale du Territoire de Belfort porte le dispositif des Cadets de la défense, qui accueille des adolescents âgés de 14 à 16 ans. Un projet qui permet de tisser un lien entre l’armée et la jeunesse. Et de proposer un parcours à des jeunes en difficulté.
1997. Le service national est dissolu. Jacques Chirac décide de professionnaliser les armées. Depuis plus de 20 ans, le débat sur l’intérêt ou non du service militaire est épisodiquement relancé. Sous l’impulsion d’Emmanuel Macron, il devrait faire son retour sous l’appellation de service national universel. Des expérimentations sont même programmées en 2019. Si les contours sont encore loin d’être définis, il semblerait bien qu’une partie de ce service national soit obligatoire, comme le suggère Le Monde ce mercredi 13 février.
Le lien armée-nation
De l’avis de plusieurs militaires, la dissolution du service national a éloigné l’armée de la nation, en particulier de sa jeunesse. À l’échelle du territoire, c’est la délégation militaire départementale qui est chargée, notamment, de veiller à ce lien armée-nation. Depuis 2 ans, sous l’impulsion du lieutenant-colonel Pierre Petey, délégué militaire départemental adjoint, le lien armée-nation passe notamment par la mise en place du dispositif des Cadets de la défense.
Tout part d’une visite du lieutenant-colonel au principal adjoint du collège Léonard-de-Vinci, pour évoquer les stages en classe de 3e. La rencontre entre les deux hommes déborde. Le responsable d’établissement réfléchit alors aux dispositifs de sanction pour les élèves perturbateurs. Peut-on associer l’armée ? Pas facile. Mais l’officier décide de réfléchir aux liens que l’on peut tisser entre l’Éducation nationale et l’armée. Au cours de ses recherches, il découvre le dispositif des Cadets de la défense, créé en 2008. Il est issu de travaux d’une commission sur le lien Armées-Jeunesse publiés en 2006.
La commission avait été saisie par Michèle Alliot-Marie, alors ministre de la Défense. Ces travaux ont été menés dans le contexte des émeutes de l’automne 2005 dans les banlieues françaises. Il préconisait de tisser à nouveau ce lien. De parler des institutions et des valeurs fondatrices de la République. Bingo. L’officier a son idée. Il la façonne. Pour ne pas contraindre les régiments du département, c’est la délégation militaire départementale qui porte le projet. Et le lieutenant-colonel décide de s’appuyer sur des réservistes pour l’encadrement. Ils sont une dizaine. En France, on compte une quinzaine d’implantations de ce dispositif.

27 Cadets de la défense
Les Cadets de la défense sont ouverts à tous. Le dispositif s’adresse à des adolescents âgés de 14 à 16 ans. « Nous collaborons avec les conseillers principaux d’éducation des collèges, qui ciblent des élèves en souffrance scolaire, détaille le lieutenant-colonel Pierre Petey. À cela s’ajoute des volontaires. » Ce mix garantit « un brassage social », cher à l’officier. Les collèges disposent aussi d’une solution à proposer aux élèves en rupture. « Lors de la première saison, une des adolescentes nous insultait quand elle est arrivée, se souvient le lieutenant-colonel, sourire aux lèvres. Elle était en échec scolaire. Elle ne voulait pas venir. Pourtant, c’est une réussite. Elle n’a jamais manqué une séance et aujourd’hui elle est en classe de seconde, en filière générale. » Au fur et à mesure de l’année scolaire, l’encadrement du collège a vu la jeune fille changer. Et retrouver des repères. « Nous avons les mêmes valeurs que l’Éducation nationale, analyse l’officier. Nous sommes complémentaires. » Comme à l’école, on parle de respect, de ponctualité ou d’entraide. On ajoute les valeurs liées à l’esprit de groupe et au dépassement de soi. On y parle de liberté. On y parle d’égalité. On y parle de fraternité. Liberté, égalité, fraternité. Les valeurs cardinales de la République. On transmet aussi l’importance des commémorations, où les enfants sont conviés. « Et bien souvent, leurs parents viennent ! » se réjouit l’officier. On retisse un lien qui s’est distendu.
À Belfort, il y a 27 Cadets de la défense, engagés pour un an. Ceux qui souhaitent revenir l’année suivante le peuvent. Ils encadrent ainsi les nouveaux. Cette année, pour la deuxième saison, il y a quatre rescapés. « Ils leur apprennent les grades, leur montrent comment s’habiller ou se ranger », détaille l’officier, très satisfait de ce parrainage, témoin de la réussite du dispositif. Les cadets se retrouvent le mercredi après-midi, tous les 15 jours. Après une séance d’éducation civique, ils ont une activité : escrime, escalade, tir avec des carabines à plomb, marche… Ce dispositif permet aussi à l’armée de présenter ses métiers. Car depuis la fin du service national, il lui faut aussi constamment recruter. On estime les besoins de l’armée de terre à 15 000 recrues chaque année. « Nous devons allumer la petite lumière », schématise le lieutenant-colonel Petey. Les Cadets de la défense contribue à cette ouverture de la Grande muette au reste du pays.