L’édition 2024 du Crunch Time a démarré lundi 4 mars à l’Axone, à Montbéliard. Ce grand événement, organisé par l’université de technologie de Belfort-Montbéliard (UTBM) se déroule une fois par an, pendant une semaine. 1 4000 élèves sont alors rassemblés. Avec pour particularité de mixer les formations et les spécialités… Et même les écoles. Cette année, 70 élèves de l’école supérieure des technologies et des affaires (Esta) de Belfort et d’autres établissements participent au projet. Depuis 2017, l’événement a pris une dimension internationale. Créée par Ghislain Montavon, on assiste donc à la 5e édition de l’un des « plus gros festivals d’innovation d’Europe ».
Les étudiants, eux, ont cinq jours pour faire naître un projet d’envergure dans ce laboratoire d’idées improvisé au milieu d’une salle de sport, au pied des gradins. Dans cette immense salle de classe, ils devront répondre à une problématique émise par l’une des cinquante entreprises présentes. Ils passeront par une phase d’idéation, puis de matérialisation. Ensuite, les étudiants restitueront une maquette qui pourra être utilisée par l’entreprise ou l’association demandeuse.
Dans un coin de cette salle de 150 équipes, neuf jeunes hommes étaient en émulation ce jeudi 7 mars. Leur défi ? Trouver une solution pour qu’une personne porteuse de handicap puisse se maquiller plus facilement et seule. C’était l’un des sept sujets proposés par APF France Handicap. « Nous avons proposé beaucoup de sujets cette année, tout simplement parce qu’il y en a des milliers à traiter pour pouvoir améliorer la vie des personnes en situation de handicap », résume Jérôme Guidet, chargé de développement des actions associatives de l’APF.
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Comment laver le sol, comment s’occuper d’un animal de compagnie, faire la cuisine en sécurité, faire les vitres… Tous les sujets avaient pour but qu’une personne porteuse de handicap puisse vivre chez elle sans avoir besoin de l’aide d’un tiers. Noa, Arnaud et Hu à la table, discutent. Les idées fusent. « Au début, nous avions pensé à un masque, un pochoir, un moule aussi », expliquent-ils. « Des idées bêtes », sourit Noa. Au final, ils en sont venus à l’idée d’un bras fixe à poser sur une table où il est possible de fixer son crayon, son mascara ou son rouge à lèvre. Mais pas seulement, ils ont aussi pensé à un modèle à poser sur les épaules et qui permet de se maquiller en s’aidant de mouvement avec le cou. Afin de s’adapter, au maximum, à tous les types de handicap. Et le tout, en plastique dans la version finale afin de limiter les coûts. « Il faut que ce soit accessible. Une personne porteuse de handicap a déjà beaucoup de frais pour se fournir en équipement », poursuit Noa.
Alors que les trois hommes discutent, le reste de l’équipe s’agite de l’autre côté de la salle, au gymnase. Dans un deuxième espace immense, l’on retrouve le « fab lab » et le « living lab » qui permettent de construire et tester les prototypes. Une marée humaine s’y dirige pour un énième test alors que l’heure de la fin approche. Le « living lab », une nouveauté cette année, est d’autant plus essentiel qu’il permet de « mettre les étudiants face à la réalité du quotidien des personnes en situation de handicap », explique Florence, directrice formation et pédagogie.
Testé et approuvé
Les étudiants ne se connaissaient pas avant. Ils viennent tous d’une spécialité différente. Mécanique, informatique, design, énergie… « Nous avons été formés complètement au hasard et le sujet proposé était lui aussi aléatoire », raconte Arnaud. C’est la deuxième fois qu’il participe à cet événement d’ampleur. L’année dernière, le sujet était la mise hors service d’une centrale nucléaire. Cette année, le défi est tout autre. Cela l’amuse. « Il est vrai que nous n’étions pas vraiment calés en maquillage, mais on a fait des tests et on a mis toutes nos compétences ensemble ». Derrière eux, une immense trousse de maquillage leur a été ramenée par une des coachs pour se faire la main. Rouge à lèvre Lancôme, crème de jour, eye-liner, highlighter, il y a de quoi faire. Et les garçons savent de quoi ils parlent. « Le défi est que la personne porteuse de handicap ne se blesse pas au niveau de l’oeil. » Sur son téléphone, un membre de l’équipe montre le trait de crayon qu’il a réussi à se faire sur l’oeil grâce au prototype. Plutôt réussi.
« On est parti de rien. Et on aura un produit fini à la fin. Ce côté concret est appréciable », témoigne Noa. Le reste de l’équipe, parti pendant plus d’une heure concevoir une petite boîte capable de tenir le produit de maquillage, revient avec un nouveau prototype.
L’heure, désormais, est au test. Une dizaine de personnes porteuses de handicap sont présentes pour les tester, amusées. Une jeune femme se lance. Le coup de main est compliqué à prendre au départ, mais un franc sourire se dessine sur son visage alors que le pinceau touche sa paupière sans qu’elle n’ait besoin d’utiliser ses mains. « C’est ce à quoi j’avais pensé », sourit-elle. Elle-même réfléchissait depuis longtemps à une manière de se maquiller plus facilement. Le prototype est désormais là.
Jérôme Guidet regarde la scène de loin. « Etre ingénieur, c’est aussi créer des objets qui simplifieront la vie des gens. Des personnes en situation de handicap, mais aussi des personnes âgées, obèses, la vie des mamans avec une poussette… Ce défi leur permet de remettre l’humain au centre. » Il poursuit : « Nous avons toujours la tête dans le guidon à l’APF. Les jeunes permettent d’avoir des idées auxquelles nous n’aurions pas pensé. Ils ont une bonne naïveté qui fait du bien. »
Ce vendredi 8 mars, ils présentent leur projet devant un jury pendant une vingtaine de minutes. Si le projet plaît, il pourrait être développé plus largement, notamment avec des fonds régionaux, explique Jérôme Guidet.