Au lendemain du 1er tour des élections régionales et départementales, les contrariétés quant au manque de professionnalisme de la distribution des professions de foi se poursuivent. Le point, à quelques jours du second tour.
Éva Chibane
Au lendemain du 1er tour des élections régionales et départementales, les contrariétés quant au manque de professionnalisme de la distribution des professions de foi se poursuivent. Le point, à quelques jours du second tour.
Fin mai, des professions de foi ont été retrouvées brûlées dans un bois d’Hérimoncourt. Début juin, des professions de foi étaient distribuées au hasard et des boîtes aux lettres ont été bourrées de plusieurs enveloppes (relire notre enquête). Des exemples ont été référencés à Vauthiermont, par la voix de son maire Les Républicains (LR) Alexandre Mançanet, mais aussi dans le canton de Montbéliard, comme l’ont rapportés les candidats de l’union de la gauche Sidonie Marchal et Lionel Manière.
À la veille du premier tour, Bastien Faudot, tête de liste Le Temps des Cerises (la liste regroupait La France insoumise, la Gauche républicaine et socialiste, Génération.s ou encore Place publique et a recueilli 4,5 % au premier tour ce dimanche) alertait aussi sur ce dossier brûlant. Celui qui est également candidat aux départementales de l’union de la gauche dans le canton de Belfort 1, a publié un communiqué de presse pour dénoncer ce phénomène : « Les symptômes de ce préjudice porté à notre démocratie sont inouïs : des piles d’enveloppes entassées dans les cages d’escalier, quand ce n’est pas jetés à la poubelle ou abandonnés dans les bois, des boites aux lettres vides, des distributeurs désorientés qui ne savent pas identifier les rues, les quartiers et les électeurs qui y résident. Et lorsque l’enveloppe est bien arrivée dans la boite aux lettres, l’ordre de présentation des professions de foi n’est la plupart du temps pas respecté ! »
« Un vrai carnage »
À Reppe, le maire, Olivier Chrétien, s’était plaint, fin mai, de cette distribution hasardeuse. « Quand j’ai vu la personne en charge de la distribution, la manière dont elle s’y prenait, je me suis dit que les enveloppes ne seraient pas distribuées », se remémore l’édile. « Lors du conseil municipal, on a discuté avec les gens. Effectivement, certains n’avaient pas reçu d’enveloppes. La personne était perdue dans le village avec son GPS. Elle devait avoir trois heures pour faire ça, mais vu que dans la boîte, ils ne s’y connaissent pas, elle mettrait trois jours à le faire correctement, poursuit Olivier Chrétien. Il faut quelqu’un qui a l’habitude. Dans une commune, il y a des particularités. Que ce soit Adrexo, La Poste, ou quelqu’un d’autre, une personne qui ne connaît pas une commune ne trouvera pas toutes les boîtes aux lettres. » Dans la région, la distribution a été confiée à la société Adrexo (relire notre enquête). C’est la première fois. D’après Public Sénat, « la section CGT de la Poste s’était interrogée sur les capacités de l’opérateur privé à remplir sa mission, avec seulement 17 000 distributeurs contre quatre fois plus de facteurs pour La Poste ».
Alexandre Mançanet, candidat aux départementales dans le canton de Grandvillars, rappelle que sur les 176 électeurs inscrits dans sa commune, il a dû redistribuer 39 enveloppes lui-même. Et le nombre de personnes qui n’ont pas eu du tout de professions de foi ? « Impossible à savoir, mais il y en a eu pas mal », affirme le maire. Puis de poursuivre : « Avant, avec La Poste, on n’avait jamais eu aucun problème. Les professions de foi étaient envoyées la semaine avant les élections. Là, les gens les ont reçus près d’un mois à l’avance (pour les départementales, NDLR). Ils ont eu le temps de les oublier. » Sylvain Ronzani, premier adjoint à Larivière et candidat, remplaçant, pour l’union de la gauche, sur le canton de Granvillars, met en exergue à son tour « des gros soucis sur tout le canton ». « C’est un vrai problème démocratique », observe Didier Vallverdu, maire LR de Rougemont-le-Château. Pour sa commune aussi, « ça a été un vrai carnage ». « Il faut se charger nous-mêmes de distribuer des tracts si on veut être sûr que les gens les reçoivent », déplore-t-il également.
Après ces différents épisodes, la préfecture était montée au créneau. Les maires de Reppe et Vauthiermont s’accordent à dire qu’il y a eu du mieux lors de la distribution des professions de foi pour les régionales, distribuées deux semaines plus tard que celles des départementales. Mais les inquiétudes demeurent pour ce second tour, où le délai est plus contraint.
Remontrances
Contactée ce mardi, la société Adrexo ne souhaite pas s’exprimer, préférant se concentrer sur les distributions des documents du second tour. Dans un communiqué de presse national publié ce lundi, la société s’engage à « renouveler l’engagement de ses équipes sur le terrain pour mener la partie de la distribution qui lui a été confiée, soit 7 régions et 51 départements. ». La société avance comme raison des défaillances une « cyberattaque », en mai, qui a perturbé les qualités informatiques et opérationnelles. « Dans le cadre de la distribution du second tour de la propagande électorale, Adrexo a intégralement stabilisé ses systèmes d’informations et a renforcé son dispositif de gestion et d’encadrement avec la mise en place d’un suivi de campagne spécifique au niveau local », promet l’entreprise.
Le 16 juin, le préfet du Territoire de Belfort et le secrétaire général de la préfecture ont rencontré le directeur régional de la société, « afin d’apporter des mesures correctives aux errements, trop nombreux, rencontrés lors de la distribution de la propagande du premier tour », apprend-t-on auprès de la préfecture. Selon cette dernière, le directeur régional d’Adrexo a reconnu « des défaillances dans le reporting quotidien qui aurait dû être adressé aux services préfectoraux ». Au niveau régional, et selon le bureau du préfet, Adrexo s’est notamment engagé à doubler ses effectifs pour effectuer la distribution. Selon un courrier de la préfecture du Territoire de Belfort envoyé à tous les maires du département, dont Le Trois a eu connaissance, des agents de l’État effectueront des contrôles au sein du site de distribution d’Adrexo, à Étupes, mais aussi lors des distributions, avec le soutien des forces de l’ordre. Le mail de la préfecture insiste également sur le fait que les distributions pourront se faire jusqu’à samedi soir. Il ne faut donc pas hésiter à relever sa boîte aux lettres dimanche, jour de scrutin. Les inquiétudes fusent autour de ce détail chez les maires. « On ne devrait pas payer le prix demandé vu la qualité du service », argue, finalement, Olivier Chrétien.