(article mis à jour à 12h47 puis à 17h27 le 30 janvier)
Depuis 2022, le conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté est pilote d’un programme nommé Territoires en action. Territoires en action permet d’attribuer des enveloppes financières assez importantes à des intercommunalités (EPCI). En Bourgogne-Franche-Comté, la répartition a été territorialisée entre une vingtaine d’EPCI. Dans le nord Franche-Comté, c’est le pôle métropolitain qui a la charge de cette enveloppe afin qu’elle soit redistribuée sur tout le territoire, pour des projets d’infrastructures, des projets liés à l’enseignement supérieur, à la transition écologique… Le but : accompagner les territoires dans leur politique de développement local et d’aménagement du territoire. Une enveloppe qui englobe donc des projets très larges, avec une contrepartie : qu’ils permettent « d’améliorer le bien commun de tous les habitants du nord Franche-Comté ».
Or… en Bourgogne-Franche-Comté, le pôle métropolitain Nord Franche-Comté est le mauvais élève. Une source proche du dossier détaille que depuis l’ouverture de ce fonds en 2022, la plupart des contrats avec les intercommunalités se sont signés la première année. Au pire, début 2023, pour que des projets puissent se lancer au plus vite. Avec le Pôle métropolitain Nord Franche-Comté, en ce début 2024, rien n’est encore signé.
La présidente de Région intervient
Dans une lettre que Le Trois a pu consulter, la présidente socialiste de Région, Marie-Guite Dufay, réprimande Fernand Burkhalter, président socialiste de la communauté de communes du pays d’Héricourt (CCPH) et actuellement président du pôle métropolitain. Elle informe que le pôle métropolitain Nord Franche-Comté est bien le dernier territoire à ne pas avoir finalisé le contrat Territoire en actions.
Pourtant, le président du pôle a pris la liberté de faire passer des délibération pour lancer les projets et a invité les présidents des intercommunalités adhérentes du pôle métropolitain à en faire de même, alors même que le contrat n’était pas finalisé. « Quelle n’est pas ma surprise de découvrir dans la presse ou sur des sites institutionnels des EPCI signataires que des délibérations ont été prises tout récemment pour approuver le contrat », tance la présidente de région. Elle expose que toutes les délibérations prises seront donc tacites et qu’il faudra procéder à de nouvelles délibérations.
Selon la lettre, et des sources souhaitant rester anonymes, le président du pôle a aussi tenté de faire rentrer dans l’enveloppe des subventions, un projet de résidence étudiante à Héricourt. Or, quelques temps plus tôt, il avait annoncé boudé ce projet au profit d’un complexe de cinéma et de loisirs à Echenans-sous-Mont-Vaudois. « Les projets qui concernent Héricourt nécessitent de votre part en tant que maire et président de la communauté de communes du pays d’Héricourt une transparence particulière », lui assène encore la présidente de Région.
Lors d’une intervention en conseil communautaire des Vosges du Sud au mois de décembre, l’élu et conseiller régional écologiste Eric Oternaud avait d’ailleurs clamé que le président du Pôle avait « usé et abusé de sa position pour intégrer sur son territoire, pays d’Héricourt, des projets non structurants, voués à l’échec en opposition avec l’Etat et la Région. » Il évoquait notamment le complexe de cinéma qui selon lui, « consommait du foncier naturel » et « fragilisait les structures existantes à Belfort et Audincourt ». Il avait conclu en exposant que l’attitude de Fernand Burkhalter était « proprement irresponsable » et que cela prouvait « une fois de plus que le pôle métropolitain ne fonctionne pas , ceci par le comportement de certains élus. » Plusieurs élus d’intercommunalités n’ont pas été dupes, non plus, de cette manoeuvre, et regrettent la démarche cavalière du président du pôle et de la communauté de communes du pays d’Héricourt.
29 millions d’euros à distribuer
Cette latence, depuis plusieurs mois, entraîne des conséquences pour tout le territoire. La présidente détaille dans sa lettre que l’enveloppe financière la plus importante allouée dans la région est celle du Pôle métropolitain, de près de 29 millions d’euros. Une bonne nouvelle pour le territoire. Or, le calendrier est serré. Les projets doivent pouvoir être intégrés avant fin 2025 pour être éligibles. « Vous risquez donc de ne pas consommer l’intégralité de votre enveloppe, de mettre en péril la trésorerie des porteurs de projet voire d’empêcher l’attribution des subventions si les travaux de certains projets venaient à démarrer rapidement », tonne la présidente.
Ce sont aussi, pour le moment, peu de porteurs de projets qui ont pris contact avec les services de la Région pour monter les projets. Manque de communication du pôle ? « Là encore, cela fait peser un risque sur l’éligibilité finale des projets pour le porteur. » Elle somme le pôle métropolitain de communiquer car il a « un rôle tout particulier à jouer au niveau des porteurs de projet pour sensibiliser à l’existence des attendus ambitieux de la Région ».
Deux jours après la réception du courrier, le 18 janvier, Fernand Burkhalter a répondu à la présidente de Région. Annonçant immédiatement retirer son projet de réhabilitation de résidence étudiante à Héricourt. Il y détaille les projets qui rentreront bien dans cette enveloppe : réhabilitation de l’ex-polyclinique des Portes-du-Jura à Montbéliard, la restructuration du château de Montbéliard, la construction d’un pavillon de valorisation du théâtre antique à Mandeure, l’aménagement de l’Aéroparc à Fontaine, etc….. Pour un total envisagé de 19 millions d’euros pour le moment. Il lui demande de ne pas attendre certains documents d’EPCI pour accepter le contrat, preuve de retards divers. Si le montage financier tel qu’il est présenté est accepté, il pourra alors être présenté au vote de l’Assemblée plénière le 11 avril. Alors, seulement à ce moment-là, les intercommunalités pourront adopter de nouvelles délibérations. L’affaire est désormais dans les mains de la présidente de Région.
Fernand Burkhalter : « Tout ne peut pas être clean directement »
Fernand Burkhalter, président du Pôle métropolitain, qui n’avait pas répondu à nos sollicitations dans les temps, a finalement réagi le lendemain de la parution de l’article. Il indique : « Je ne souhaite pas polémiquer à ce sujet. Surtout que nous n’avons que trois semaines de retard… » Pour lui, les points à éclaircir représentent des broutilles. « Et puis quand on signe un contrat, tout ne peut pas être clean directement », ajoute-t-il. Les deux points d’achoppement, selon lui, concernent le financement de l’hôtel des forges à Grandvillars, qui demande encore des ajustements sur le montage financier. Et son projet de résidence étudiante à Héricourt. Il explique : « J’avais d’abord demandé 650 000 euros pour cette résidence. Puis cela s’est transformé en 450 000 euros pour le projet de cinéma. » Il détaille que l’opération de résidence étudiante était très difficile à mener à bien et que « la Région avait senti la fragilité du dossier ». « Je n’en fais pas une affaire, j’ai retiré ma demande, je pensais que ce serait un peu plus souple. Mais je ne veux plus retarder la signature. »
Concernant une possible perte d’argent de cette enveloppe, il expose : « Il faut toujours quelqu’un qui soit le dernier, et ce n’est pas grave. Si la somme est perdue, cela sera à l’avantage de la Région ». Il se dit néanmoins prêt à signer rapidement pour conclure le dossier. « Les points à régler le sont désormais, on arrivera à s’en sortir, la feuille de route est tracée », veut-il rassurer.