Pour Samia Jaber, il y a « nécessité de fusionner » des listes de gauche en vue des élections municipales de 2026. Vendredi 4 avril, l’élue d’opposition de gauche à la Ville et au Département, proche d’Arnaud Montebourg, lance un pavé dans la mare. Depuis plus d’un an, des discussions s’organisent entre partis de gauche pour envisager un rassemblement. « Sur le fond, il n’y a aucun sujet où ça ne fonctionne pas entre nous », affirme-t-elle. Et pour cause : les enjeux sont locaux, pas nationaux. « Nous n’avons pas besoin d’apporter les dissensions nationales au niveau local. C’est très bien ainsi. »
Elle rejette l’idée de reproduire un accord de type Nouveau Front populaire, comme lors des législatives anticipées. Ce qu’elle souhaite, c’est un rassemblement local, entre toutes les forces de gauche prêtes à travailler ensemble. « En tournant la page des divisions et en ne laissant pas La France insoumise de côté. » Forte de ses douze années d’opposition, Samia Jaber le martèle : une liste unique dès le premier tour est, selon elle, la seule voie vers la victoire. « Je veux prendre mes responsabilités. Il faut créer une dynamique pour ne pas avoir un second tour avec seulement la droite contre le Rassemblement national. »
Mais une question cruciale se pose : qui portera cette union ? Samia Jaber cite ceux qu’elle considère comme les actuels chefs de file : Bastien Faudot, élu d’opposition à la Ville et au Département du groupe Gres (gauche républicaine écologique et sociale) ; elle-même ; Mathilde Regnaud, ancienne élue d’opposition et ex-assistante parlementaire de Florian Chauche, membre du collectif local En commun pour Belfort ; ainsi que Florian Chauche, ancien député de la 2nde circonscription, issu de La France insoumise.
Pour elle, aucun de ces quatre noms ne doit mener la liste. Elle appelle à un choix collectif, autour d’un profil rassembleur. « Il ne faut pas d’hégémonie.» Son objectif est clair : « Ne pas laisser un troisième mandat au maire sortant. » Damien Meslot, maire Les Républicains.
Trouver une personnalité « ensemble »
« Aucun leader ne peut rassembler tout le monde sous son nom. Il faut qu’on trouve une personnalité ensemble », insiste-t-elle, en appelant les figures locales à « faire un pas de côté ». Pas question pour elle de se positionner comme candidate. Sans rassemblement, elle estime que la bataille est perdue d’avance. L’ambition est claire. Peut-être pieuse, aussi.
Mais chez d’autres forces de gauche, son discours surprend, voire agace. Certains rappellent qu’en 2020, lors des dernières municipales, Samia Jaber s’opposait à l’idée d’une tête de liste issue de la société civile. Une position qu’ils estiment en contradiction avec son appel d’aujourd’hui à trouver une figure de consensus.
Contactée, Mathilde Regnaud se dit « très surprise » par les propos de Samia Jaber : « Il avait été décidé de ne rien dire dans la presse tant que l’on était en construction. Moi, je ne suis pas candidate. Et les réunions ont rassemblé toutes les forces de gauche, pas seulement quatre chefs de file. » Le Parti communiste, notamment, est également impliqué. « Il y a un vrai travail de fond depuis un an. Évidemment, c’est difficile », ajoute-t-elle, visiblement déçue par cette sortie publique qui donne une mauvaise image d’une gauche « en construction ».
Une partie d’échecs
Cette « construction » repose en partie sur la désignation imminente – la semaine prochaine – du nouveau responsable de la section belfortaine du Parti socialiste. Un choix stratégique : celui ou celle qui l’emportera deviendra le chef de file et devra se positionner sur une éventuelle alliance avec La France insoumise. D’ici là, Florian Chauche refuse de se prononcer.
À ce stade, la gauche locale semble tiraillée entre deux pôles. D’un côté, s’aligner derrière La France insoumise, qui a obtenu des résultats intéressants à Belfort lors des précédentes élections nationales (voir ici et ici). De l’autre, s’en démarquer, tant certains estiment que le parti est désormais perçu comme « d’extrême gauche », au risque de rebuter une partie de l’électorat.
Dans cette partie d’échecs, un autre joueur est entré sur l’échiquier : Christophe Grudler. L’eurodéputé Modem, lié à la majorité présidentielle, a officialisé sa candidature et tend la main à la gauche « modérée » dans une interview donnée au Trois (lire ici). De possibles discussions pourraient amener une partie des forces de gauche à le rejoindre. Il apparait aujourd’hui comme un point de bascule, tout en sachant que, selon nos informations, ses relations ne sont plus aussi glaciales qu’elles l’ont été avec la droite belfortaine. Une possible alliance que redoutent de nombreuses forces de gauche.
Il faudra donc observer de près l’issue de la désignation au sein du PS local. Ensuite, certains oseront peut-être sortir du bois. Si ce n’est pas avant, maintenant que Samia Jaber a dégainé la première.