Le jugement, en appel, de Ian Boucard, condamné en première instance pour avoir distribué des tracts faussement imputés à La France insoumise et au Front national dans l’entre-deux-tours des élections législatives de 2017, sera rendu le 15 septembre 2022. Quelques mois après une nouvelle élection législative. L’audience, prévue le 2 décembre, a été une nouvelle fois repoussée.
Le jugement, en appel, de Ian Boucard, condamné en première instance pour avoir distribué des tracts faussement imputés à La France insoumise et au Front national dans l’entre-deux-tours des élections législatives de 2017, sera rendu le 15 septembre 2022. Quelques mois après une nouvelle élection législative. L’audience, prévue le 2 décembre, a été une nouvelle fois repoussée.
En juin 2020, Ian Boucard, député Les Républicains (LR) du Territoire de Belfort, avait été reconnu coupable en première instance par la chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Besançon (Doubs) pour « détournement de suffrages d’électeurs par manœuvre frauduleuse ». Il avait été condamné à 7 500 euros par le tribunal (notre article). À l’époque, le procureur de la République avait fait appel de la décision ; il avait requis contre le prévenu trois ans d’inéligibilité (notre article) et 5 000 euros d’amende. « La peine n’est pas adaptée à la gravité des faits », avait alors estimé Étienne Manteaux. Un jugement en appel a été programmé, le 1er juillet 2021. L’audience a été reportée, une première fois. Elle était programmée ce jeudi 2 décembre. L’audience a été une nouvelle fois repoussée.
« Il y a eu visiblement un problème dans l’agenda de la cour », croit savoir Maître Philippe Blanchetier, avocat de Ian Boucard. Une nouvelle date a été proposée, en février. « Les bras m’en sont tombés », raconte maître Blanchetier. Le conseil du député LR a alors « signalé » la proximité de ce calendrier avec la campagne électorale des élections législatives, programmées en juin 2022. « Je me suis risqué à signaler [cette proximité], poursuit maître Philippe Blanchetier, car par principe, on ne juge pas un élu pendant une campagne [électorale]. » S’il a signalé la situation, Maître Blanchetier n’a pas “formellement” sollicité un report. Selon lui, un tel procès pourrait « interférer » dans le « libre choix du corps électoral ». Cette audience en appel a été finalement programmée en septembre 2022. Selon maître Blanchetier, « c’est une vraie mesure d’administration de la justice ». Maître Randall Schwerdorffer, avocat de Christophe Grudler, plaignant et candidat défait en 2017, confirme l’enchaînement de ces décisions.
Il relève pour sa part que Ian Boucard risque toujours l’inéligibilité. Il se questionne donc sur la pertinence de laisser une réélection se faire, au risque que le député soit déclaré inéligible. « Cela aurait été préférable de le faire avant, ajoute-t-il, avant de questionner : En cas d’inéligibilité, on fait quoi ? » Ian Boucard peut être condamné ou relaxé dans cette affaire. « Mais va-t-il être sincère avec les électeurs ? » se questionne le conseil de Christophe Grudler.
Une affaire jugée après la fin du mandat
Le 8 décembre 2017, le conseil constitutionnel avait annulé l’élection de juin 2017. Le juge des élections avait été saisi à la suite de l’impression de tracts par Ian Boucard, dans l’entre-deux-tour des élections législatives de 2017. Il avait fait imprimer 25 000 tracts faussement imputés au Front national et à la France insoumise appelant à voter contre Christophe Grudler, candidat MoDem soutenant la majorité présidentielle. Le conseil constitutionnel avait estimé que « cette manœuvre [était] de nature à avoir créé une confusion dans l’esprit d’une partie des électeurs et à avoir influé sur le résultat du scrutin, eu égard à l’ampleur de la diffusion tardives de ces tracts, imprimés à 10 000 et 15 000 exemplaires respectivement, ainsi qu’au faible écart de voix séparant les deux candidats du second tour ». 279 voix séparaient les deux candidats le 18 juin 2017 au soir.
Lors de la législative partielle, en janvier et février 2018, Ian Boucard avait obtenu 58,9 % des suffrages exprimés au second tour, contre 41,1 % pour Christophe Grudler. La participation était passée de 44,15 % à 28,91 %. ». 20 971 votants s’étaient déplacés en juin 2017 contre 13 774 en janvier 2018. Si l’abstention touche les deux candidats, le procureur de la République Étienne Manteaux avait noté, lors d’une audience en juin 2019, que « c’est la démocratie qui est abîmée ».
Après la condamnation par le juge des élections, l’affaire avait été portée devant la justice pénale. Ian Boucard était renvoyé devant le tribunal correctionnel (notre article). L’enquête sur les tracts, confiée à l’antenne bisontine de la police judiciaire de Dijon, avait été instruite par le parquet de Belfort qui, pour la « sérénité des débats », avait sollicité et obtenu le dépaysement du dossier à Besançon. Cette enquête avait été lancée à la suite d’une plainte déposée par Christophe Grudler et la France insoumise. Ian Boucard était poursuivi pour « manoeuvres frauduleuses ». La notion de « fraude » n’avait pas été retenue par le Conseil constitutionnel dans sa décision (à retrouver ici).
La Cour d’Appel devra donc juger une affaire vieille de 5 ans. L’affaire, qui concerne le mandat en cours, sera jugée après la fin de ce mandat. « C’est beaucoup trop long. C’est ça qui me dérange », ajoute maître Randall Schwerdorffer. « C’est une situation extrêmement désagréable du point de vue pénal et électoral », glisse-t-il également. « C’est dommageable que la situation ne soit pas purgée », ajoute-t-il. Maître Randall Schwerdorffer ne blâme pas pour autant les magistrats. « Cela fait le jeu de Ian Boucard, même si ce n’est pas l’intention des magistrats. » On peut questionner, une nouvelle fois, les moyens accordés à la justice. « Que la justice soit sous-dotée, c’est une évidence, confirme maître Randall Schwerdorffer. Dans le classement européen, nous sommes au plus bas. »