Avec l’AFP
Été 2020. Jean-Marie Girier, ex-directeur de campagne d’Emmanuel Macron pour l’élection présidentielle de 2017, passé par les cabinets de la place Beauvau et de l’Assemblée nationale, est nommé à 36 ans plus jeune préfet de France, à Belfort. À Poitiers, Léonore Moncond’huy, 30 ans, devient, elle, la benjamine des maires des grandes villes conquises par EELV aux municipales. Au printemps 2022, la seconde voit arriver le premier dans la Vienne comme nouveau préfet. Et depuis, cela fait des étincelles. Dernier épisode en date, la nomination de la directrice générale des services (DGS) à la communauté urbaine de Grand Poitiers, un poste mutualisé avec la mairie. La préfecture dénonce un “détournement de procédure” destiné à promouvoir en interne une fonctionnaire “qui ne remplissait pas les conditions légales et statutaires”, au détriment d’autres candidats.
“Pacte de recrutement”, “dés pipés”, “violations graves des principes” de la fonction publique territoriale: à l’audience mercredi, le représentant du préfet n’a pas mâché ses mots. En défense, l’avocat de la Ville de Poitiers a assuré que “le poste n’avait pas été réservé” à la nouvelle DGS, dont la préfecture demande la suspension du contrat. “Le préfet agit dans l’intérêt de la légalité, c’est comme ça”, a martelé le représentant de l’État. “Pas dans celui de la collectivité”, a répliqué celui de la mairie. La décision sera rendue lundi.
"Zèle"
“Jamais la Ville de Poitiers n’aura fait l’objet d’un tel zèle !”, a déploré la majorité municipale, mi-mai, à l’annonce de ce troisième déféré préfectoral en neuf mois. Selon la préfecture, entre 2019 et 2022, sept recours gracieux avaient été formulés contre des actes litigieux de Poitiers et de Grand Poitiers, et une solution avait été trouvée à chaque fois, permettant d’éviter le tribunal.
Les autres litiges actuels concernent une subvention accordée à l’association Alternatiba pour l’organisation d’un festival et une prise de participation dans une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) soutenant le maraîchage en circuit court. Dans le premier cas, la préfecture considère qu’un atelier consacré à la “désobéissance civile” lors de l’événement était incompatible avec le contrat d’engagement républicain souscrit par l’association ; dans le deuxième, elle estime que l’engagement de la ville relève d’une compétence économique qu’elle n’a pas.
La polémique a dépassé le cadre poitevin, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin donnant “parfaitement raison” au préfet au sujet d’Alternatiba, tandis que Mme Moncond’huy dénonçait un “dévoiement partisan des moyens de l’État”.
"Dans son rôle"
“Le préfet se positionne toujours à la frontière du droit administratif, dont il utilise les leviers pour prendre des positions politiques”, abonde aujourd’hui Lisa Belluco, députée EELV de la Vienne et élue municipale à Poitiers, pour qui les exécutifs verts sont ciblés à des fins de “décrédibilisation”. Selon l’autre parlementaire local, Sacha Houlié (Renaissance), la situation résulte d’un manque de dialogue qu’il impute aux écologistes: “Interrogez d’autres collectivités de la Vienne sur leurs relations avec la préfecture, vous verrez qu’il n’y a qu’avec celle de Poitiers que cela ne se passe pas bien”, assure-t-il. Le dossier des “mégabassines”, que le préfet voudrait implanter dans la Vienne, alimente aussi les tensions. La maire de Poitiers a participé au rassemblement contre ces retenues d’eau à usage agricole, qui a donné lieu à de violents affrontements avec les gendarmes, fin mars, à Sainte-Soline (Deux-Sèvres).
“Très (trop) politique”, le préfet Girier, comme le déplore sa majorité? Sollicitée par l’AFP avant cette première manche juridique, Mme Moncond’huy n’a pas souhaité s’exprimer. “Chacun est dans son rôle, distinct, et il incombe au préfet de faire valoir les positions de l’État et du gouvernement”, a-t-on répondu en préfecture en rappelant que chaque année, “plus de 7.500 actes des collectivités de la Vienne” sont soumis au contrôle de légalité. Reste à savoir lesquels remontent jusqu’au préfet.