« Dis Siri, allume la lumière de la salle du conseil », demande Samuel Gomes, en s’adressant à son smartphone. Une poignée de secondes plus tard, le logiciel s’exécute. Devant son ordinateur, le maire de la commune de 800 habitants, par ailleurs professeur des universités à l’université de technologie de Belfort-Montbéliard (UTBM), présente ses outils de suivi des consommations énergétiques des bâtiments de la commune et leur connexion, depuis peu, à des outils d’intelligence artificielle. Un peu plus loin, ce sont les automates de la ferme connectée, qui produit des légumes pour la cantine, qu’il maîtrise grâce à la commande vocale. Une initiative qui permet aux écoliers d’être sensibilisés aux enjeux du numérique, mais aussi à ceux d’une alimentation de qualité.
Depuis plusieurs années, la commune de Badevel est un véritable incubateur. Un démonstrateur d’un village durable et intelligent. Une centaine de capteurs ont été disposés sur les équipements de la commune, comme la chaudière à fuel ou les poubelles relevées par Pays de Montbéliard Agglomération. Grâce à ce suivi des données, aux automates mis en place et à l’appui fourni par l’intelligence artificielle, la facture de fuel a par exemple baissé de près 70 %, cet hiver. Les capteurs des poubelles, vidées seulement quand elles sont pleines, ont permis de diminuer de 31 % les émissions de gaz à effet de serre.
Badevel, village en transition
Maîtrise de l’énergie, acculturation au numérique, transition alimentaire… Dans tous ces projets, « le numérique, c’est le liant ! » assure Samuel Gomes. « Nous avons fait le choix de l’action et de la responsabilité », justifie-t-il. Ce projet, engagé il y a plusieurs années, va prendre encore plus forme à partir de l’été. L’ancienne école maternelle va être désamiantée. Elle va accueillir, prochainement, le living Lab H2-Bois, pour entamer le changement de production d’énergie de la commune mêlant énergie solaire, biomasse et stockage avec de l’hydrogène. Suivra la construction d’un éco-lotissement. Mais comment finance-t-on ce projet global de 10 millions d’euros, dont 4 à la charge de la commune, qui s’endette. Une dette près de 10 fois supérieure à son budget de fonctionnement ? Grâce aux économies d’énergie, à la production d’énergie par des panneaux solaires et aux loyers des logements construits dans l’éco-lotissement.
« Nous faisons une hybridation majeure de plusieurs transitions : transition énergétique, alimentaire, numérique et démographique », résume Samuel Gomes, qui met en place, actuellement, une solution de santé préventive, HiNounou (lire notre article). Pour les journées du patrimoine, Badevel a même redonné vie à la figure d’Henri Japy. Pourtant, aucune vidéo n’existe ; c’est la force de l’intelligence artificielle.
« Nous avons fait le choix d’innover, mais aussi d’inclure », poursuit-il. Au départ du projet, le conseil municipal a lancé les ateliers e-perischool, sur les temps périscolaires, pour former les enfants au numérique, au codage… Une idée qui est aujourd’hui déclinée jusqu’à Besançon. Et qui se décline aussi pour les seniors, dispositif renforcé par la présence du DigiTruck de Huawei, pendant 15 jours, dans la commune (lire par ailleurs). « Badevel est un laboratoire d’innovations », valide Salima Inezarene, conseillère régionale, par ailleurs présidente de Numerica. « Nous essayons de croiser les dispositifs et de ne pas les empiler », explique Samuel Gomes.
Reconnaissance nationale
Si Badevel est un laboratoire, l’idée est aujourd’hui de retranscrire ces innovations. Dès le départ, la commune a su créer un mouvement derrière elle. 16 communes du pays de Montbéliard et 2 du Territoire de Belfort ont manifesté leur intérêt pour décliner des solutions mises en place par Badevel. C’est la société Carbon group, installée à Numerica, qui va le faire. « Nous allons faire une version industrielle, configurable, à partir de cette version académique [développée à Badevel] », explique Édouard Bernier, directeur général de la société. « Nous allons créer le mode d’emploi », image-t-il. Quel type de capteurs faut-il ? Où les mettre ? Comment les connecter ? Pour quels résultats ?
« Badevel est un territoire rural, convient Samuel Gomes. Mais aussi d’avant-garde. » Une dynamique qui a été plusieurs fois reconnue ; la commune a par exemple été labellisée démonstrateur de village intelligent et responsable. Elle a aussi été récompensée pour ses actions : au mois de mars, elle a reçu le label Or des Interconnectés à Rennes, dans la catégorie Territoire intelligent et responsable. « La prochaine fois que l’on me demande à quoi ressemble la transition numérique, je dirais de venir à Badevel », confie un visiteur de la cité, mardi 29 avril. Et pas n’importe quel visiteur : c’était le directeur des affaires publiques de Huawei. Il a été convaincu.
Le Digitruck Huawei à Badevel
À deux pas de la mairie, la remorque d’un poids lourds, bleue, vient de s’installer. Dans ce conteneur réhabilité, la société Huawei a installé son Digitruck, en partenariat avec Konexio, Close the Gap et désormais avec le soutien de Mission Ecoter. « Le DigiTruck est un camion reconverti en salle de classe connectée qui sillonne la France pour proposer des formations gratuites aux personnes éloignées du numérique », explique Huawei. Pendant deux semaines, deux formateurs proposent des formations aux numériques aux habitants de la commune. Et les cours sont « gratuits », replace Charles Catherinot, directeur des affaires publiques et de la communication de Huawei. Depuis 2021, 6 400 personnes ont bénéficié de ces formations. Le Digitruck sillonne la Bourgogne-Franche-Comté depuis mi-mars. Six haltes sont au programme du camion, dont Badevel, petite commune au regard des haltes de Nevers ou encore Vesoul. Le camion dispose de vingt postes de travail avec ordinateurs, tablettes et smartphones reconditionnés. Il dispose aussi de panneaux solaires sur le toit pour être autonome en énergie. La camion a traversé 54 communes depuis 2021. L’objectif, porté par la mission Ecoter, est de réduire la fracture numérique.